Cette amie-là
Avec ce quatrième volet de sa « saga amicale » commencée en 2011, Muriel Batave-Matton nous convie à une excursion « au cœur des Monédières », dans un paysage naturel et humain qu’elle affectionne, celui de la Corrèze.
L’écriture classique, élégante, s’effacerait presque derrière la singularité des personnages et l’intrigue délicatement déployée. Le ton de cette prose limpide et efficace nous rappelle parfois la musique de Roger Martin du Gard, voire le timbre distancié d’un Albert Cohen.
Ce roman nous propose de considérer la simplicité comme une valeur humaniste en nous démontrant que la duplicité, le snobisme et le matérialisme ne tiennent pas la durée. L’auteure donne ici une nouvelle preuve de son talent quand il s’agit de démêler l’écheveau multicolore des sentiments.
Nous pénétrons dans un monde peuplé de chats qui savent, et d’araignées tisserandes de sagesse philosophique. Celles-ci symbolisent tout au long du récit la peur maîtrisée, la force de caractère du personnage principal.
Dans ce microcosme, des animaux et des hommes gravitent autour de deux amies que sont Anne, enseignante presque retraitée et Chloé. Appartiennent à leur premier cercle un attachant vieillard, Anselme, puis Pauline, la fille de Chloé, qui subit les assauts de Bertrand, enseignant prédateur, d’autant plus nerveux que Pauline se montre sensible au charme d’un beau brun, ébéniste de son état et compagnon du Tour de France. Anne ne se gênera pas pour conseiller Pauline d’assez près, en un face-à-face qui amorce le tournant essentiel du roman.
C’est alors que survient l’étrange Patricia Bourdou, de retour de Californie. Il semble qu’elle ait infligé, quarante ans auparavant, à son amie Anne une sorte d’abandon-trahison d’Anne. L’apparition dans l’intrigue de cette madrée Patricia décuple la tension ; elle ose encore solliciter l’aide d’Anne qui pourtant ne tient vraiment pas au rapprochement géographique de la revenante. Cette dernière dissimule plus d’un tour dans son sac et s’apprête à exercer une malsaine influence, dans toutes les nuances de son machiavélisme personnel. Elle apparaît tour à tour comme perverse, profiteuse et intrigante. Si ce n’était que cela…
On pense apercevoir l’ébauche d’une mise en abyme ; tandis que captivé par les mésaventures des personnages du roman, un autre roman nous semble s’écrire en parallèle… D’un chapitre l’autre, les transitions sont habiles et c’est peu dire qu’elles suscitent l’intérêt croissant du lecteur. Il faut saluer la maîtrise narrative de l’auteure qui, sans écart aucun, reste concentrée sur la droite ligne de vie de ses personnages dans leur embarras existentiel, et ce jusqu’à la chute inattendue et astucieusement cohérente.
On sort de ce roman à double intrigue avec des pensées de fraternité, de tendresse pour la Nature et pour nos frères humains. Un mode de vie simple pour temps embrouillés, serait-ce possible ?
Cette amie-là, Muriel Batave-Matton, Éditions du Panthéon, Paris, 2019, 201 pp., 18,90 €
ISBN 978-2-7547-4362-4,