Réglée comme du papier à musique, cette élection n’a pas failli à la perversion idéologique de ce jeune siècle : la peste brune, nourrie et entretenue juste ce qu’il faut puis contenue, est à nouveau en laisse. Comme le tigre persan dans les arènes romaines était ramené dans sa cage, après avoir déchiré quelques chrétiens pour que le peuple soit saisi d’effroi depuis les gradins et ovationne l’empereur. Animal bichonné avec un amour démoniaque puis sevré quelques jours avant les jeux suivants, bien sûr.
Ainsi, et sans le moindre début d’amorce d’hypothétique soupçon de doute, le nouveau Macroléon a été élu. Comme prévu et convenu. Fort du soutien des millions de serviteurs qui l’ont confortablement assis sur le trône, légitimement fier d’une popularité victorienne autant que victorieuse, ce monarque, aussitôt couronné par le souverain pontife de la religion universelle, l’Argent, devra dès ce jour béni par Sa Sainte Finance veiller à installer partout, et jusqu’aux marches de son royaume, ses missi dominici dans quelques décades.
Et pour ce faire, deux fables, l’une angoissante, l’autre ravissante, seront chantées par les trouvères et troubadours, contées par les ménestrels sillonnant les chemins du royaume. Celle de la méchante tigresse, quelque peu pelée mais bien en chair cependant, montrée sur les places aux masses hypnotisées, dans sa roulotte de cirque ambulant. Juste avant la vente des flacons de potion magique soignant tous les maux et garantie par le sceau du jeune César. Fable aussi, celle de Sissi la belle, la douce, la bien aimée. Un conte décliné au masculin, avec Bel Ami comme prince charmant, l’enfant naturel de François le Batave et l’as de coeur de sœur Laurence, adoratrice de Saint Domi-Nique. Deux histoires dont les lianes narratives vont s’entremêler pour faire fusionner les gouttes de sueur que la peur fait jaillir aux larmes de compassion et de tendresse que la bonté du divin élu enfantera dans nos yeux embrumés.
La douce France servile est de retour. Flatté par sa cour, glorifié par les copistes, exalté par les chantres, louangé par les bardes, adulé par les bergères pâmées et autres pâtres ambigus, l’envoyé du dieu aux 24 carats va bénir la foule des manants et croquants agenouillés sur le pavé humide…
Sauf que… sauf que… Le Grand Livre de l’Histoire aux enluminures de pourpre pourrait, en tombant des cieux sur la place de Grève, s’ouvrir sur le tableau de Jean-Pierre Houël « la prise de la Bastille ». Et alors les sans-dents, les roturiers des faubourgs et les serfs des campagnes redresseraient l’échine, entonneraient le chant des insoumis, prendraient d’assaut citoyen le palais Bourbon et clameraient dans un nouveau Serment du Jeu de Paume : « à la vie, à la mort, jusqu’à la signature d’une nouvelle constitution ! »
Ah ! Ça ira !
Brettus