De moi dit-on souvent que j’ai tout dans la tête et rien dans les jambes. Une allégorie d’une citation de La Fontaine tirée du lièvre et de la tortue :
«Rien ne sert de courir, il faut partir à point»
Encore fallait t-il arriver jusqu’à la ligne de départ, un chemin tortueux, guidé par une forme de torture psychologique, qu’il me faudra apprendre à dompter si je ne veux pas subir son poison lent.
Je naquis 3 jours après Noël, un an, avant la chute de l’Union Soviétique. Mes parents avaient à peine digéré le foie gras, que je montrais déjà le bout de ma petite frimousse. Malheureusement pour moi, j’étais un poil trop pressé, à deux mois près, mais rien ne sert de courir. Ça fait quoi de courir ? Je ne pourrai jamais le savoir.
On apprend à mes parents, effondrés que je suis atteint du syndrome de Little. C’est une hémiplégie qui résulte d’un manque d’oxygénation de mon cerveau à ma naissance.
Il fallait donc que je fasse mes gammes, un pas après l’autre.
Tiens, en parlant de gammes d’ailleurs, connaissez vous la marque de jardinage «Gamm’ vert» ? Quand j’étais petit et que je voyais les bandeaux de cette dernière de la voiture, je répétais de manière lancinante et à haute voix: «Gamm’vert » et on avait du mal à m’arrêter, figurez-vous.
Ainsi me voyant trop pianoter sur la même « Gamm », mes parents s'alarmèrent. On me diagnostiqua tout d’abord, des troubles du comportement, puis des troubles autistiques légers et enfin, un trouble du spectre autistique. De prime abord, cela a profondément soulagé mes parents. Ils avaient enfin un mot sur mes obsessions, et mes angoisses. Mais nous n’étions pas préparé au combat pour l’intégration qui nous attendait alors.
« C’est compliqué de prendre quelqu’un comme lui dans une école. »
En effet, ce fut un sacré parcours du combattant. J’ai dû alterner entre des Instituts d’Education Motrice, des services de soins spécialisés et « l’école normale » que je finis par intégrer pleinement en 6ème, à la rentrée 2002. Cette réussite, je la dois à mes parents, mais également aux journalistes, qui ont relayé leur appel désespéré devant l’hôtel de ville de Joué-lès-Tours, afin que je puisse avoir un auxiliaire de vie scolaire pour ma rentrée au collège.
J’ai toujours considéré mes parents comme des héros, ce n’était pas nouveau, mais désormais, je savais également que pour moi les super-héros ne portaient pas de cape, ils avaient un stylo et parfois une caméra. Depuis lors, j’ai manifesté l’ambition d’être parmi eux.
Il m’est apparu indispensable alors de lutter contre l’injustice. Aussi, je savais que la seule contribution que je pouvais apporter, c’était en étant ainsi guidé par une plume. C’est cette alliée indéfectible qui m’a donné un goût immodéré pour la vie, et un apaisement de mon anxiété, au travers des années. Je dois également beaucoup au voyage. J’ai une soif profonde de découvrir le monde et de partir à la rencontre, d’autres cultures.
Mes amis aussi m’ont beaucoup apaisé, certains et certaines, j’en suis sûr, ne réalisent pas l’ampleur, de ce qu’ils ont pu faire pour moi.
Nous sommes à un moment ou parfois il est vrai, on peut avoir l’impression que l’on cache les injustices, sous un épais voile noir et ample, avant de se dire :
« Ah bah y’a peut-être un souci en fait »
Oui, il y a un souci, je ne suis pas encore devenu pleinement journaliste, et Pôle emploi me propose toujours des postes d’agent de sécurité, mais vous le savez désormais :
« Rien ne sert de courir, il faut partir à point »
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