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Brian : On est dans une boîte de production , c’est ici que tu fais tous tes épisodes ?
Antoine : Oui, c’est ici que je travaille, tranquille. Je regarde toutes les images que je filme et je rédige un rapport très précis. Pour le dernier épisode au Salvador, j’ai écrit 98 pages. Ça permet au monteur de faire son travail sans moi, et moi j’arrive pour la fin du montage.
Brian : Impressionnant, ça doit être un gros boulot. Mais ce qui m’a marqué, c’est surtout ce que tu as raconté sur ta rencontre avec Janet au Malawi.
Antoine : Oui, c’est un moment fort. Janet avait la polio depuis ses sept ans. Je l’ai trouvée assise par terre, en train de mendier. Après le tournage, je suis retourné la voir, je lui ai donné un peu d’argent. Elle avait ce regard lumineux.
Brian : Ça devait être bouleversant…
Antoine : Oui. Ce qui m’a frappé, c’est que je ne l’ai pas vue comme une personne à part, différente à cause de son handicap. Je l’ai traitée comme une égale. Je lui ai demandé ce qu’elle voulait, et elle était ravie. Elle faisait tout toute seule, elle refusait mon aide.
Brian : C’est ça qui me parle beaucoup, ce respect simple.
Antoine : Exactement. Pour moi, il n’y a pas de différence entre les gens. Même avec les personnes en situation de handicap, je ne parle pas autrement. Pas de gants, pas de traitement spécial. Être authentique, c’est ça.
Brian : Tu as réussi à capter cette authenticité dans tes voyages, non ?
Antoine : Oui, et je pense que c’est ce qui fait que les gens s’ouvrent. Ce n’est pas cacher la réalité, mais la montrer sans filtre ni condescendance.
Brian : Tu parlais de l’authenticité et des rencontres. Comment tu fais pour que les gens soient naturels devant la caméra ? Parce que beaucoup pensent que la caméra, ça bride les interactions.
Antoine : C’est vrai que la caméra n’est pas neutre, mais moi j’utilise des petites caméras, discrètes, fixées sur moi, qui ne perturbent pas. Contrairement aux grosses équipes de tournage avec perches et objectifs, moi je suis seul, ça facilite la spontanéité.
Brian : Ça explique la proximité qu’on ressent devant tes images. On m’a aussi dit que tu rencontres tellement de gens que tu finis par oublier. C’est vrai ?
Antoine : Oui, c’est vrai. Je suis un peu brouillon, très bruyant, et je reconnais pas facilement les gens. Il faut que je les vois plusieurs fois pour retenir leur visage. Parfois, je ne me rappelle même pas ce que j’ai dit à qui, ni quand.
Brian : C’est drôle, moi c’est l’inverse. J’ai une mémoire photographique, je me souviens parfaitement de chaque visage et détail.
Antoine : C’est marrant. Moi, justement, cette lacune m’a permis d’adopter une autre façon de faire : je parle à tout le monde comme si je les connaissais, pour ne pas vexer. Ça marche, les gens ne savent plus s’ils te connaissent ou pas. Ça crée des ponts.
Brian : J’aurais du te rencontrer il y a 17 ans.
Antoine : Oui, mieux vaut tard que jamais. J’aurais appris encore plus, j’aurais grandi. Maintenant, j’essaie de transmettre ce que j’ai appris, même si c’est plus tard.
Brian : Tu imagines quoi pour la suite ?
Antoine : Je veux durer le plus longtemps possible en faisant ce qui me plaît : voyager, faire des spectacles, écrire. Même à la retraite, je continue. J’ai aussi un projet de long-métrage, ça va être difficile mais ça me plaît.
Brian : Et côté accessibilité, tu as vu beaucoup de situations dans tes voyages, comment tu perçois ça ?
Antoine : En France, on n’est pas les meilleurs, il y a beaucoup à faire, ascenseurs, bus adaptés… Mais dans certains pays, il n’y a rien. Paradoxalement, les gens sont alors plus enclins à porter une personne en fauteuil, à aider. Ce n’est pas humiliant là-bas, c’est la norme.
Brian : Et toi, personnellement, ça a changé ta perception ?
Antoine : Je fais pas de différence entre les gens. Que quelqu’un soit handicapé, déjanté, ou autre, je lui parle comme à un égal. Je me souviens d’un gars très petit avec une moto, on a discuté assis par terre, lui debout, sans artifice. L’authenticité, c’est primordial.
Brian : Dernière question un peu classique : est-ce que je peux dormir chez toi ce soir ?
Antoine : (rires) C’est une question qui revient souvent ! Mais ça tombe pas très bien alors au lieu de ça, je te propose de rester un moment dans la salle de montage. Là, on finit l’épisode Salvador (NDLR : il sera diffusé en novembre prochain), tu vas voir les derniers choix.
Brian : Avec plaisir. Merci beaucoup Antoine, c’était un vrai plaisir
Antoine : Merci à toi, j’espère que ça pourra aider du monde.