Ainsi donc, c'est bien un livre qui a failli être interdit, à force de poursuites lancées par une invraisemblable horde d'imbéciles qui ne l'avaient pas lu, ou lu avec un mélange peu commun de bêtise, de mauvaise foi et d'absence absolu de second degré et d'humour, un livre dont aujourd'hui, tant la bêtise a gagné, aucun éditeur n'envisagerait une seconde de le publier, un vrai livre, donc, qui permet de comprendre le moment Macron, ce moment farcesque où la violence reagano-thatchérienne va se répétant, 40 ans plus tard.
Cette violence d'aristocrate pervers, American Psycho la donnait à lire en 1991: Patrick Bateman, trader cocaïné est l'ombre d'un humain. Il consomme, il tue, vice-versa. Les femmes, les marginaux, les immigrés. C'est à dire: les plus fragiles. Les décervelés de l'époque y auront vu un livre misogyne et raciste quand il s'agissait évidemment d'une impeccable satire de l'ultra-libéralisme consumériste.
On pourrait rêvasser à cette idée: c'est parce que l'on n'a rien compris à American Psycho, que l'on a pas su le lire en 1991, que 30 ans plus tard, Trump -plusieurs fois cité dans le livre- est au pouvoir.
Et espérer qu'un jour, les militants qui font assaut de "radicalité" apprennent à lire autrement qu'avec des œillères. On peut rêver, toujours.
"ABANDONNE TOUT ESPOIR TOI QUI PÉNÈTRES ICI peut-on lire, barbouillé en lettres de sang au flanc de Chemical Bank, presque au coin de la Onzième avenue et de la Première avenue, en caractères assez grands pour être lisibles au fond du taxi qui se faufile dans la circulation pour sortir de Wall Street, et à l’instant où Thimoty Price remarque l’inscription un bus s’arrête et l’affiche des Misérables collée à son flanc lui bouche la vue mais cela ne semble pas contrarier Price, qui à vingt-six ans et travaille chez Pierce & Pierce, car il promet cinq dollars au chauffeur s’il monte le son de la radio, qui passe Be My Baby sur WYNN, et le chauffeur, un Noir, un étranger, obtempère.
(...)
Mon allégresse macabre a fait place à de l'amertume, et je pleure sur moi-même, sans parvenir à trouver la moindre consolation dans tout cela, je pleure, je sanglote "Je veux juste être aimé", maudissant la terre, et tout ce qu'on m'a enseigné : les principes, les différences, les choix, la morale, le compromis, le savoir, l'unité, la prière - tout cela était erroné, tout cela était en vain. Tout cela se résumait à : adapte-toi, ou crève."

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