Agrandissement : Illustration 1
C'était hier, 23 avril 2015, dans les colonnes du Monde, cette image (1).
Mais j'aurais pu écrire ce qui suit, dans le fond, bien avant, et principalement pendant cette heureuse période où l'on vit le valeureux Emmanuel, photographié de tous côtés pendant la « bataille » de « sa » loi. Sa belle tête concentrée, soucieuse parfois, fixant avec sérieux et détermination un point lointain que lui seul semblait voir, s'étalait à longueur de colonnes.
Ce qui me décide à revenir à la charge (http://blogs.mediapart.fr/blog/bf/171014/ou-commence-la-propagande), ce n'est pas une quelconque haine que je vouerais à M. Macron, mais le fait qu'un billet est récemment paru sur la propagande russe anti-européenne. Loin de moi l'idée d'établir un parallèle, ou de faire la moindre comparaison entre le régime poutinien et le nôtre : ce n'est pas du tout mon propos.
Simplement, il me semble toujours intéressant de rappeler cette évidence : la propagande n'est pas qu'une affaire de régime dictatorial. Et la paille que l'on discerne si bien plantée dans l'oeil des pauvres peuples manipulés, il nous est souvent fort difficile de la reconnaître dans le nôtre.
Pourtant, marketing et publicité ne sont rien d'autre qu'une propagande en faveur de la marchandise et nous conditionnent en permanence ; et la « communication » politique (au sens large) est également une propagande idéologique, certes plus insidieuse et moins caricaturale que celle que nous nous flattons de déceler aisément chez des peuples exotiques, mais indéniable. Il y aurait beaucoup à dire sur notre incapacité à associer nos gouvernements qui se définissent comme démocratiques et le concept de propagande ; beaucoup à dire également sur la puissance qu'acquiert celle-ci, précisément quand on s'en croit préservé...
Mais revenons à notre image qui est censée illustrer l'article titré « Reprise économie : les patrons commencent à y croire ».
Emmanuel Macron est souriant, il regarde à gauche de l'objectif, décontracté (cravaté mais veste déboutonnée), dans ce qui semble être un atelier. Il s'agit, nous dit l'Expansion dans un article daté du 30 mars 2015 et annonçant une loi Macron II d' « une usine de moteurs de PSA Peugeot Citroen, à Trémery en Moselle, le 27 mars 2015 » : http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/le-gouvernement-promet-une-loi-macron-ii-pour-accelerer-la-reprise_1666590.html.
Passons sur la question déontologique qui consisterait à se demander si l'on peut illustrer un article avec une photo sans rapport avec celui-ci.
Qu'est ce qui se trame dans cette image ?
D'abord, une identité entre le bonheur macronesque et le bonheur entrepreneurial : le sourire et la confiance dans l'avenir de notre ministre est palpable, elle est visible, et fait écho à celle des patrons « qui commencent à y croire ». La gauche au pouvoir est bien l'amie de entreprises, nous ressasse ce cliché, et il faut lui faire confiance.
Il faut lui faire confiance car notre ministre a les pieds sur terre. La preuve : il se trouve entre deux moteurs tout neufs. On n'a pas là un énarque déconnecté des réalités, mais un homme de terrain, qui met les mains dans le cambouis (sa main gauche en effet, semble s'affairer). L'ère des technocrates ? Pensez vous : on a affaire à un mécanicien de haut niveau, rien de plus, mais rien de moins. Le moteur de la croissance, il saura le faire tourner, qui remettra en mouvement notre économie.
Et la gestion de la profondeur de champ nous renseigne, dirait-on, sur ses intentions : le capitaine (d'industrie ?), campé sur le pont de son navire (non, pas le Titanic...), se détache entre un fond flou, coloré, et un moteur également flou. La mise au point est faite sur lui, évidemment, et sur le moteur qui se situe à sa gauche. Le moteur de la croissance utilisé est donc socialiste. Qui en doutait?
Mais toute « communication » a ses limites :
La propreté des lieux, incroyable pour qui a fréquenté les usines, nous ferait presque douter de la spontanéité du cliché.
Cet univers désincarné, où la mécanique est belle, semble nier l'humain. Une unique silhouette, à gauche, est présente. Elle est seule, floue, et peine à faire contrepoint à l'immensité déserte en hommes, mais emplie de machines, de couleurs, et de lumière.
L'image rappelle ainsi, à son corps défendant, que la plus-value augmente quand le nombre de salariés diminue, que le travail non-robotisé va vers sa fin, et qu'il est donc urgent de penser à réduire le temps de travail.