Lettre d’un électeur insoumis à un électeur du RN

Citoyen, citoyenne, comme moi, tu as fait un choix politique mais qui semble à l’opposé du mien : tu as envoyé un député d’extrême-droite à l’Assemblée Nationale. A partir du moment où ce parti n’est pas interdit par la loi, tu en avais le droit et nul ne peut te reprocher ton acte.

Comme je ne suis pas issu de la bourgeoisie bien élevée, que je viens d’une campagne perdue où mes parents, de paysans sont devenus ouvriers, j’ai l’impression de te connaître un peu : deux de mes oncles, que j’aimais beaucoup, avouaient voter Le Pen et bien des amis d’enfance peuvent te ressembler.

Je n’ai pas grand-chose à te dire, et certainement pas à te condamner moralement comme toutes ces bonnes âmes trop bien nées pour te comprendre un peu. Je sais trop que l’on n’est jamais que le produit d’une histoire et de conditions matérielles qui nous dépassent à peu près totalement (oui, même ceux qui, radicalement de gôche, se croient des individus libres et non-faussés).

Pas grand-chose à te dire, donc, sinon ces petites choses :

Tu as été, je pense, trompé en croyant que ce qui te fait souffrir, ce système si dur aux humbles, va être combattu par les députés du RN. Ces derniers sont du côté de ceux qui te vident les poches : regarde de près quelles seront leurs actions et leurs votes à l’Assemblée.

Voteront-ils contre la retraite à 65 ans ?

Voteront-ils pour augmenter ton salaire ?

Voteront-ils en sorte que le lieu où tu vis ne sois pas, toujours davantage, laissé pour compte ?

Voteront-ils de manière à taxer les multinationales? Et le cas échéant, useront-ils de cet argent redevenu public de manière à ce que le bonheur collectif s’accroisse (que tous et toutes aient droit à un logement décent, une santé, une éducation de qualité...) ?

Poseront-ils des limites à ces entreprises qui polluent villes et campagnes et nos cerveaux en leur implémentant une idée fausse de ce qu’est le bonheur (par exemple la possession d’un "SUV" ou d’une piscine privée) ?

Ne te laisse pas aveugler par la haine : ton ennemi n’est pas l’étranger qu’on te montre opportunément du doigt pour que tu ne vois pas le patron ou l’actionnaire qui te vole toujours davantage ton travail.

On encourage les pauvres, toujours, à se chier les uns sur les autres.

Ne te laisse pas, ne nous laissons pas utiliser.

https://www.youtube.com/watch?v=NGLExZDXPFU