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Billet de blog 29 juillet 2022

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Analyse d’une démarche de la LICRA en défense du régime israélien

La LICRA a pris une position hostile à l'encontre d'une motion visant à condamner l'apartheid en Israël. Analyse du texte.

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Dans une « Adresse de la Licra à Yaél Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale », Mario Stasi, Président de la Licra, affirme que la proposition de résolution « condamnant l'institutionnalisation par Israël d'un régime d'apartheid à l'encontre du peuple palestinien » est antisémite.

Il tente ensuite de démonter cette affirmation, quitte à accumuler mensonges, approximations volontaires et duplicités.

Il affirme que la motion vise à « criminaliser un État », alors qu’elle vise le régime, et non l’État lui-même.

Il reproche à la motion de présenter Israël comme une collectivité juive. Alors que c’est le régime israélien lui même qui se revendique comme tel. C’est très explicitement l’objet de la loi fondamentale « Israël comme État-Nation du Peuple Juif » que le régime a fait voter le 19 Juillet 2018. La référence aux « juifs » n’y figure pas moins de 12 fois !!!

Malgré les nombreuses preuves et l’accumulation d’études réalisées par des organismes au dessus de tout soupçon[1] qui en font le constat, il nie la réalité de l’Apartheid en Israël. Il feint d’ignorer que la qualification juridique du crime d’Apartheid ne se fonde pas sur une vague ressemblance avec l’Afrique du Sud, mais sur une série de critères précis et juridiquement qualifiés. Le régime israélien coche toutes les cases.

Dans le régime israélien, c’est le Grand Rabbinat à qui il appartient de décider qui est « juif ». On pourrait donc penser que le critère religieux serait déterminant. En réalité, en dernier ressort, c’est un critère très trivialement racial qui est utilisé : le Grand Rabbinat se fonde sur des tests génétiques… La racialisation de la population « juive » d’Israël est donc, là encore, le fait du régime lui-même. Quoi de plus contraire aux valeurs que nous tenons des Lumières que cette assignation aux gens à voir leur vie dictée par leurs chromosomes ? Plus de liberté, plus de libre arbitre, plus de responsabilités : des jouets du destin soumis à un totalitarisme génético-religieux.

Le paragraphe qui accuse la motion de pratiquer un « déni de citoyenneté » à l’encontre des minorités non « juives » est aussi ubuesque. Le régime a recours à deux notions pour mettre en œuvre sa politique d’Apartheid : la citoyenneté et la nationalité. Si la plupart des habitants d’Israël bénéficie de la citoyenneté (avec des nuances), la nationalité est réservée aux seuls citoyens « juifs ». Si on inclut les territoires occupés et contrôlés par Israël, la discrimination est flagrante : une population de colons « juifs » à qui s’applique le droit commun ; une population « non juive » sous régime militaire et exclus de la représentation parlementaire évidemment. Les uns qui bénéficient d’un « droit de coloniser » qui a rang de « valeur nationale », les autres de l’absence de droits du colonisé.

Comme chacun a pu le constater, « les initiatives de paix », en l’absence de pressions sur Israël, sont vouées à l’échec. Sur le terrain, elles n’auront servi qu’à permettre au plus fort, le régime, d’installer des centaines de milliers de colons « juifs » sur les terres de l’État de Palestine, disqualifiant ainsi ces initiatives et ceux qui se contentent de s’y référer verbalement sans entreprendre la moindre action pour les faire aboutir.

La référence aux « braises d’un conflit » masque la réalité, non pas d’un affrontement de basse intensité à peu près équilibré, mais d’une opération de colonisation de peuplement par l’une des premières puissances militaires contre un peuple à peu près totalement désarmé. Le terrorisme limité et sporadique de la résistance palestinienne, s’il est regrettable, ne demeure pas moins la conséquence de cette oppression. En d’autres temps, la France a connu pareille situation et les terroristes d’hier ont aujourd’hui des places et rues à leur nom. Les dernières violences directement liées à la colonisation de la Palestine sur le sol national remontent à plus de 40 ans. En revanche, et à l’inverse, la France est depuis 75 ans l’un des premiers fournisseurs de colons en Palestine. Aucune mesure n’a jamais été envisagée pour interdire cela. Comme beaucoup d’autres choses, la lutte contre le terrorisme est instrumentalisée par le régime à son profit. En témoigne l’accusation grotesque de terrorisme contre six ONG, qui n’arrive pas à convaincre même les si complaisantes démocraties occidentales.

Sur quelles valeurs M Stasi souhaite-t-il que les français s’accordent pour assurer leur cohésion ?
S’il s’agit des idées des Lumières qu’il feint de convoquer, certaines sont aux antipodes du projet sioniste tel qu’il se réalise en Palestine. En tout premier lieu l’idée selon laquelle « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », mise à mal par la loi fondamentale évoquée ci-dessus et la réalité de l’occupation et de la colonisation.
Derrière l’universalisme qu’il invoque, le communautarisme qui imprègne son texte indique bien qu’il ne s’agit que d’un masque derrière lequel il dissimule une intention à rebours de son appel.
De même l’invocation à la fraternité, qui, pour être universelle, ne devrait pas ignorer le sort des palestiniens. Les grands absents de l’« adresse » de la LICRA…

En conclusion, M Stasi et la LICRA devraient se garder d’être les porteurs, auprès de la représentation nationale, des intérêts d’un régime étranger dont les valeurs s’écartent à ce point de celles de la France. Ils conserveraient ainsi leur honneur, mis à mal par cette démarche indigne et dénuée de la moindre éthique.

[1] Deux exemples : Amnesty International - Kairos

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