Caricatural… ce serait risible si ce n’était pas aussi violent.
Il y a une augmentation des prescriptions d’arrêts maladie en France ? L’interprétation néolibérale est claire : un complot fomenté par les travailleurs feignants et les médecins complaisants. De fait, en dix ans, ce nombre serait passé de 6,4 millions en 2012 à 8,8 millions d'arrêts en 2022, soit environ 35 % d’augmentation sur la période. Au lieu de se désoler de la dégradation de l’état de santé des travailleurs (ouvriers et cadres), ce que traduit dans les faits cette augmentation, notre cher ministre de l’Economie n’y voit qu’un coût de 16 milliards d’euros (voir par exemple ici)…
Les malades étant amenés à se soigner, rebelote : ça coûte trop cher !
Les solutions sont évidentes : limiter arbitrairement les arrêts maladie et faire payer les médocs et les soins !!
Et hop, on met sous le tapis la question fondamentale : mais pourquoi de plus en plus de travailleurs sont jugés malades par leurs médecins ? Le management, les conditions de travail, les cadences, la perte de sens, le burn-out et la connexion permanente : en voilà des pistes de réflexion, non cher ministre ? Et les super-profits des labos ? Ce n’est pas un « sujet » ?
Si la France est malade et droguée (voir les carnages aux Etats-Unis), peut-être est-ce parce qu’elle est réellement malade et droguée, non ? Un ministre de l’économie pense certainement via des tableurs Excel et des modèles mathématiques, mais ces prismes réducteurs ne peuvent illustrer la réalité de la vie des Français.es. Chaque jour, dans tous les secteurs, à tous les niveaux hiérarchiques ou de qualification, les témoignages et drames abondent qui rendent compte des violences instituées dans le monde du travail, qu’elles relèvent de pressions, de manques de reconnaissance, de déqualifications et pertes de sens, ou de peurs du chômage. Tant qu'on est dans les chiffres, regarder dans le détail permet de relever que les "troubles psychologiques" sont la première cause (28% en 2002 contre 14% en 2016) des arrêts maladie de longue durée. Explosion également des troubles musculo-squelettiques...
L’homme n’est pas une machine ; et même s’il en était une, avez-vous estimé le coût des arrêts techniques, débogages, mises à jour et autres plantages de votre monde informatique et automatique ? On doit être bien au-dessus des 16 milliards en 10 ans…
Bref, encore un détournement de la raison pour légitimer des décisions comptables totalement discutables. On commence à avoir l’habitude.
Ps : Presque pas grand-chose à voir, mais tout de même un peu, au moins symboliquement : A l’Assemblée nationale, le taux moyen de participation aux votes est de… 18 % (Source ici). 82 % d’absence, donc. Sans que cela interfère sur les indemnités des parlementaires.