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Billet de blog 4 juin 2020

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Parole réfléchissante

Miroir qu’est le monde quand, dans la traversée de la destinée de l’humanité, le monde en soi se retourne et résonne, autrement peut-être aujourd’hui. La pensée s’agite et la parole se déchaîne là où la conscience fut éveillée jusqu’ici. Miroir aux alouettes, illusions ou révélations, la crise nous entraine dans un puissant et profond démantèlement de nos structures d’être au monde.

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« Parole réfléchissante »

Extrait du numéro de juin 2020 du mensuel «  Passage » par France-Alexandra Vigouroux.

« Miroir qu’est le monde quand, dans la traversée de la destinée de l’humanité, le monde en soi se retourne et résonne, autrement peut-être aujourd’hui. La pensée s’agite et la parole se déchaîne là où la conscience fut éveillée jusqu’ici. Miroir aux alouettes, illusions ou révélations, la crise nous entraine dans un puissant et profond démantèlement de nos structures d’être au monde. Qui suis-je? Qui est ce « je »? Suis-je libre d’être « je »? Qu’est-ce la liberté d’être « je »?

Cette crise est celle de notre humanité et de ses choix, de ses structures inconscientes et de ses attachements. Cette humanité est aussi le miroir de la nôtre, celle qui fait de soi l’être humain que nous sommes chacune et chacun aujourd’hui. Ce corps collectif est fait du nôtre, dans lequel l’autre est une part de soi, sa parole, le miroir de la nôtre issue des profondeurs de ce commun en transmutation. La crise est celle du passage vers un autre niveau de conscience, une autre réalité, un autre regard, une nouvelle ère. Le fantasme du « nouveau » rôde et sera le piège de ce qui n’aura pas été transmuté en soi, cette part de soi encore attachée à la « matrice », au fantasme du grand retour dans le ventre de l’océan de la mère symbolique dans lequel pour toujours nous pourrions être assisté et ne pas devoir se séparer et naître, s’arracher pour être seul et responsable de soi. Cette part de soi fantasmera ce grand retour dans le ventre qu’il soit celui de l’ombre ou celui de la lumière.

Naviguer en ces eaux troubles, ces eaux en tempête, ces vacarmes brassant tout et son contraire est l’initiation du passage. La part de soi qui résiste au changement, se rétracte, contrôle, subit ou obéit, se soumet ou se rebelle s’écorchera dans le duel de la dualité.

Trouver la voie du Soi, de cette vérité intérieure, de cette justesse issue du courage d’être libre en se laissant faire… accueillir la peur, le drame et la soumission, la fidélité à ce système qui abuse depuis la nuit des temps le souffle de l’être, son coeur et son empreinte divine.

Oser embrasser cette pulsion de l’histoire qui révèle aujourd’hui ses cartes et sert malgré les apparences, le dessein de l’âme, celui de s’élever au-delà de la survie primitive et de ses réactions archaïques, de ses prises matérialistes, intellectuelles ou spirituelles qui se prennent au sérieux.

Desserrer les dents, relâcher les entrailles et accepter de ne pas savoir, d’abriter en soi les semences du nouveau monde, du nouvel être sans le connaître encore, juste le sentir bouillonner, juste sentir les formes se réinventer, le désir pousser et se frayer des voies vierges de mémoire. Accepter de se laisser façonner par ces mouvements impétueux à l’intérieur de la pensée, de la parole, du coeur et du corps. Accepter de rendre et de ne pas savoir, accepter de reconnaitre sa responsabilité dans ce désastre terrestre dont la puanteur exige aujourd’hui que nous portions tous des masques. Des masques pour oublier que nous avons une parole à prendre, à échanger, à partager. Des masques pour se taire et se laisser tomber collectivement et individuellement dans les boyaux du vide et de l’oubli, des masques pour se protéger de la vie parce que d’autres l’ont quittée. Quand la parole meurt, le son du vivant tombe dans le néant.

Juste observer et éviter la tentation du juge qui servirait le même parti que celui musèle.

Juste plonger dans ces profondeurs-là, touchées, en danger de mort ou en résurrection, à la rencontre de ce qui se tait en soi, de ce qui accepte de se taire en soi, de ce qui feint ne pas ou ne plus avoir de parole. Plonger dans ces vérités-là, masquées elles aussi, à la découverte de ce verbe, de cette pensée, de cette justesse et de ses libertés qui demandent à se dire, à se poser dans l’air et de sa fréquence, à faire vibrer le coeur d’un monde en quête d’inspiration véritable.»                                                                                                      

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