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Billet de blog 1 mars 2023

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Réponse à Jean-Marc Coppola

Soutien à Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille.

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"Il n'y a pas d'autre poésie que l'action réelle" écrivait Pasolini dans Qui je suis, poète des cendres, en 1966. Le poète est toujours celui qui prend le risque de se taire pour toujours. Et c'est dans ce risque là, comme le prophète, retiré quarante jours au désert et tenté par tous les diables, que je m'aventure, au risque de me perdre tout à fait, que je t'écris ces quelques mots, cher Jean-Marc Coppola, dans une langue "brutale". Pour que tu me lises bien.
Je t'adresse ces quelques mots depuis un petit village italien, non loin de Casarsa della Delizia.
Je te remercie de transmettre cette lettre à Benoît Payan dont j'ai appris sur le tard, qu'il était maire de Marseille.
Au départ donc, il y a une loi (loi à laquelle tu te réfères pour déclarer à la place du juge, que Richard est hors-la-loi dans son propre théâtre). Et comme un juge, tu te répands dans la presse. Enclin à la paresse. En juge partial... Tu ne dis pourtant pas tout de cette loi. Tu t'en réclames mais tu ne l'énonces que partiellement. Celle-ci prévoit en réalité, un certain nombre de dérogations, selon des principes qui pourraient prévaloir ici et que tu écartes d'entrée de jeu. En juge et partie.
Il existe entre la Ville de Marseille et la compagnie que dirige Richard Martin, un accord amiable, qui a valeur juridique depuis plusieurs années déjà. Il est tout à fait possible de rendre publiques les considérations de fait et de droit ayant conduit la Ville de Marseille à faire usage d'une dérogation pour le théâtre Toursky, considérations qu'aucun Marseillais ne pourrait contester et n'a d'ailleurs jamais contesté, pas plus qu'aucun autre être humain digne de ce nom, fût-il adjoint à la culture et membre du parti communiste français.
Il te suffit de rendre publiques ces considérations et de respecter la loi.
Dans un pays qui jadis, inventa la politique culturelle mais dans lequel aujourd'hui, il faut se contenter de peu (il faut se contenter en la matière, comme un parcours de santé, des mémoires d'une rombière, ancienne ministre de la Culture ouvrant et fermant son Bal des hypocrites), dans ce pays donc, qui a tout inventé, Richard Martin, en grève de la faim depuis vingt-et-un jours, hospitalisé depuis sept jours, lance l'alerte une fois encore, pour défendre la condition des poètes et des saltimbanques du monde entier.
Le combat de Richard n'est pas seulement celui de tous les artistes du spectacle vivant. Il est le combat de tous. Il est aussi l'expression d'une révolte qui s'est propagée hier dans toutes les villes de France, d'un rond-point à l'autre, contre la brutalité des puissants et contre la bêtise et qui s'est propagée dans tous les théâtres du monde, de la place Tahrir à Pékin et qui tôt ou tard, finira par pointer le bout de son nez à Moscou.
Il est grand temps d'entrer dans le XXIème siècle. Et le siècle qui s'offre à nous, avec ses guerres et ses atrocités parle aux siècles passés. Les siècles entiers nous disent que l'on peut aussi entrer dans son époque par la non-violence, et un peu de fraternité.
Le théâtre Toursky est sans doute, l’un des derniers théâtres populaires d'Europe en ordre de marche.
Un théâtre, un lieu où le miracle se produit encore, celui de Jean Vilar, de Jean Dasté, de Richard Martin. Un miracle qui se produit depuis plus de cinquante ans, au-delà des frontières, d’Alger à Giurgiu, du Liban à la Russie.
Ma rencontre avec Richard m’a sauvé la vie, il y a plus de vingt ans…
Depuis vingt jours entiers, vingt jours et vingt nuits, vingt-et-un jours, Richard Martin est en grève de la faim. Sa quatrième. En réalité, c'est la même grève de la faim qu'il poursuit depuis si longtemps, depuis un jour de mars 1981... Si obstinément. Si passionnément. Pour que fraternellement, nous puissions rester les témoins du miracle lorsqu’il se produit, partout où il se produit, dans le cœur des hommes, de Marseille à la Russie. Contre les calculs, contre la bêtise.
Le poète est toujours celui qui prend le risque de se taire pour toujours. Il ne prêche pas pour lui-même, ni pour sa paroisse, ni pour son théâtre, ni ne plaide pour la poésie. Il parle, il se tait. Il porte en lui-même la mémoire des étoiles et la réalité d'un ciel immense. Provisoirement.

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