La ville du Mans, qui n'avait pas prévu le risque sportif dans la construction de son stade (voir billet précédent), va financer avec un emprunt sur 30 ans, la construction de 11 salles de cinéma dont l'exploitation est assurée par le groupe Pathé. Les bénéfices, s'il y en a après une guerre commerciale sans merci avec les cinémas existants actuellement, seront pour le groupe privé...
Une vision immobilière de la culture
Dans une vision purement immobilière de la culture l'espace culturel mis en service en avril-mai de cette année place des Jacobins se substitue à un ancien théâtre des années 50 et il a donner lieu a la construction d'un complexe (ou multiplexe) de 11 salles de cinéma qui sera exploité par le groupe Pathé Europalace.
Cette vision immobilière de la culture est ensuite habillée, dans le dossier de presse de la municipalité, d'"Un projet culturel original" :
"L'originalité et l'intérêt de l'Espace Culturel Jacobins est de retrouver sur un même site des sensibilités et des pratiques culturelles différentes ...La réappropriation du cœur de ville par les amateurs du 7e Art favorise les échanges avec les publics du théâtre et des arts plastiques. La création d'espaces de convivialité : café viennois, bar du théâtre… favorisera le croisement des publics".
Croisement des publics ou embouteillages automobiles ?
En réalité le croisement ponctuel , et simplement physique, de ces différents publics sur une pluralité de pratiques culturelles qui ne se déroulement pas nécessairement aux mêmes moment n' a pas de réalité culturelle et n'a pas du tout été pensé et construit avec la population et les acteurs culturels de la ville compte tenu de la gestion purement autocratique du projet, qui est le contraire même de la culture. Boulard n'entend nullement associer le ministère de la culture à la gestion de l'équipement culturel aussi n'a-t-il rein fait pour que celui-ci ait le statut de Scène nationale. Mais comme le disait l'un des candidats aux élection municipale il conviendrait cependant de "déconnecter la programmation culturelle du bureau du maire" ...
La photo du document électoral du maire sortant pour les élections municipales de mars 2014 que vous trouverez en fichier attaché montre bien le flou l'équipement culturelle, le manque de profondeur de champs de la vision municipale ainsi que le détournement narcissique d'un bâtiment public auquel Boulard rêve sans doute de laisser son nom un jour..
Lorsque des spectacles ou des événements culturels se dérouleront au même moment que des manifestations populaires il s'agira surtout, en fait de croisement des public, d'embouteillages automobiles monstre pararlysant tout une partie du centre ville à partir des sorties de parkings et des deux ou trois ronds points crées pour l'occasion. Bien sûr le lieu est desservi par le tram mais il comporte un nombre considérable de places de parking en souterrain qui sont unn facteur important de développement de la circulation automobile et de création de bouchons paralysants.
L'argent public finance le risque commercial du complexe cinématographique de gestion privé
Sur les 80 millions d'euros hors taxe de l'espace culturel, le cinéma en coûte un peu moins de 20 et la ville a souscrit pour financer la partie cinéma un emprunt correspondant à 30 annuités de remboursement d'un montant de 991 000 €. Il conviendrait d'ailleurs que la mairie précise le coût total de l'équipement en incluant le montant des intérêts de l'emprunt.
La Ville du Mans a signé un protocole d'accord avec le groupe Pathé-Gaumont Europalace, qui exploitera les 11 salles de cinéma . Une convention de 12 ans a été officialisée en 2010. L'exploitant paie au minimum 600 000 € par an. Et, si nombre d'entrées dépasse 550 000, il ajoute une part variable qui pourra porter le montant total du loyer jusqu'à un 1 000 000 € à partir de 770 000 entrées.
« Nous espérons atteindre une fréquentation de 550 000 en trois ou quatre ans »,indique pour sa part un responsable du groupe Pathé. (Ouest France du 15 décembre 2009 http://www.lemans.maville.com/actu/actudet_-Multiplexe-c-est-signe-avec-Pathe-Gaumont-_loc-1192350_actu.Htm )
Il faudra bien cependant 770 000 entrées pour que le loyer payé à la ville par le groupe privé équilibre les annuités d'emprunt payés par la ville. Cela veut déjà dire en clair, compte tenu des prévisions du groupe, que sur les trois ou quatre premières années la ville percevra 600 000 € là ou elle en déboursera 991 000 soit un déficit de 391 000 € par an.
Le contexte des salles de cinémas du Mans
Le journal Ouest France à récemment publiée dans les pages locales du Mans un état des lieux des différentes salles de cinéma de la ville (http://www.entreprises.ouest-france.fr/article/mans-pathe-arrive-autres-cinema-se-tiennent-prets-06-03-2014-135735 )
Il y a déjà au Mans en centre ville un complexe CGR Colisée sans doute un peu vieillot de sept salles qui a fait 160 000 entrées en 2013 ainsi qu'un Méga CGR en périphérie qui compte douze salles et a réalisé 848 000 entrées en 2013. Enfin la MJC Prévert de centre ville, subventionnée par la ville du Mans, assure la gestion de quatre salles d'art et d'essai (en sous sol sous une dalle ce qui est assez peu valorisant ...) Les Cinéastes qui ont réalisés 100 000 entrées en 2013 également. Soit un peu plus de 1 100 000 entrées de cinéma en tout pour 2013. Avec 700 000 entrées l'objectif du complexe Pathé des Jacobins représente donc 70 % des entrées réalisées actuellement. Puisque ce terme est aujourd'hui à la mode, on peut donc s'attendre à un choc de concurrence dont les conséquences seront assez redoutables pour les salles existantes actuellement aussi bien en termes d'entrées que d'emplois, la casse n'étant pas exclue. La logique de l'offre, chère à l'idéologie libérale, permettra-t-elle avec ce nouveau multiplexe cinématographique d' augmenter la fréquentation globale des cinémas sur le Mans ainsi qu' un accroissement de la demande ? Pour répondre à cette question il est utile d'analyser maintenant le contexte cinématographique national.
L'évolution de la fréquentation des cinémas en France ces 20 dernières années
On peut retrouver cette évolution sur le site du Centre national de la cinématographie (http://www.cnc.fr/web/fr/etudes/-/ressources/4049679 ) Cette évolution est la suivante en millions d'entrées :
1993 132,72
1994 124,42
1995 130,24
1996 136,74
1997 149,26
1998 170,60
1999 153,61
2000 165,76
2001 187,45
2002 184,41
2003 173,46
2004 195,69
2005 175,52
2006 188,77
2007 178,41
2008 190,18
2009 201,51
2010 206,95
2011 217,07
2012 203,44
2013 192,79 *
* pour 2013 : estimation, donnée provisoire (http://www.cnc.fr/web/fr/actualites/-/liste/18/4462150)
On constate donc une progression, irrégulière, jusqu'en 2011 et une décrue actuellement au niveau national dans un contexte de diversification des pratiques culturelles liées au technologies de l'information et des loisirs mais également dans un contexte de crise sociale sévère. Le soi disant "choc de compétitivité" de M. Hollande va-t-il se traduire par une augmentation du pouvoir d'achat des couches populaires et des classes moyennes, permettant une fréquentation accrue des cinémas en France et sur Le Mans ? On peut légitimement en douter.
Retour aux finances publiques de la ville du Mans
Ces chiffres d'entrées de cinéma au Mans et dans le contexte national laissent difficilement présager avant longtemps un loyer permettant à la ville du Mans de couvrir ses anuitées d'emprunt sur les douze premières années. Dans 12 ans, où en sera la pratique des salles de cinéma ? Pathé (ou bien tout autres exploitant) sera-t-il là pour signer un nouveau protocole et dans quelles conditions financières pour la ville ? Ou bien encore, quel usage fonctionnel pourra-t-on trouver pour un bâtiment d'abord pensé pour des salles obscures. Impossible aujourd'hui d'y voir clair !
P.S. Le Maine Libre du 19 mars publie une photo de la grande salle qui à l'arrière des cinémas, servira aux réunions - publiques - du conseil communautaire de Le Mans Métropole. A voir la hauteur de la salle et les matériaux employés on peu d'ores et déjà douter de la qualité acoustique d'un lieu qui n'a visiblement pas été pensé pour cela dans le programme fonctionnel d'origine. Mais ces réunions du conseil communautaire sont-elles conçues pour être un lieu de débat audible ?