– mise à jour le 24 mai 2023 à 16h04
Alain Jund, élu à la ville de Strasbourg et vice-président à l'Eurométropole en charge des Mobilités, transports, déplacements, politique cyclable et plan piéton, commente l'article d'Actu Strasbourg « 78€ l'aller-retour Strasbourg/Nantes en avion, contre 250 en train : pourquoi un tel écart ? »

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Nos déplacements au cœur des choix à faire face aux enjeux climatiques.
Dans sa réaction, M. Jund évoque la différence tarifaire entre le train et l'avion sur la ligne Strasbourg-Nantes en prenant son propre exemple : « 198 € pour un aller-retour » en train direct entre les deux villes contre 79 € pour l’avion. Il a fait le choix du train et questionne : « Comme s’il était naturel que le kérosène ne soit pas taxé, que l’aéroport soit fiscalement soutenu par les collectivités ! Face à l’urgence climatique, il nous faut vraiment changer la donne ! »
Son questionnement est intéressant. La comparaison du coût des modes de déplacements entre le train et l'avion ou la voiture, un choix politique avant tout et il le souligne pour l'aérien au travers des avantages financiers octroyés. C'est la même problématique sur les déplacements locaux où parfois il est moins cher de prendre sa voiture par rapport au TER lorsque vous êtes 2 à 5 personnes.
La SNCF nous dira qu'elle propose des tarifs modérés en fonction du moment où vous faites votre réservation. Effectivement, pour exemple, dernièrement j'ai pris le TER entre Strasbourg et Haguenau et ça m'a coûté 3 €. A ce tarif, il y a d'autres coûts induits à tenir compte : le déplacement entre mon domicile et la gare de Strasbourg, l'espace-temps, ...
Gagner la bataille sociale.
Ces exemples démontrent l'importance d'avoir à l'esprit qu'en matière de mobilités, la rationalité dans nos modes de déplacements est un enjeu où chaque mode peut avoir sa place si et seulement si l'on tient compte d'une utilisation modérée et responsable pour chacun. Dans les faits, c'est loin d'être gagné. Cet autre exemple le montre :

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Ici, par exemple, Emmanuel Macron fait croire aux citoyens que la France agit pour le climat. En réalité, la mesure issue de la loi climat et résilience, mise en application pour interdire les vols en cas d'alternative en train de moins de 2h30, n'est pas ce que la Convention citoyenne pour le climat avait proposé. La Convention proposait « de moins de 4h ». Dans la version du gouvernement, seules trois lignes sont concernées.
Pourtant, l'urgence climatique nous oblige à une radicalité dans les décisions politiques à prendre. C'est ce que préconisait la Convention citoyenne pour le climat. C'est ce que suggère également le GIEC. Seulement, plus on s'enfonce dans le chaos climatique, plus la pression sur les écologiques s'accentue. Un paradoxe d'une réalité sociétale où le monde capitalo-libéral défend son modèle coûte que coûte à faire passer les écologistes pour responsables de la crise sociale des coûts qu'entraine l'inaction climatique de nos responsables politiques aux yeux des classes populaires qui n'ont pas les moyens de faire face.
Voilà pourquoi au travers d'un exemple de tarification entre deux modes de transport, l'un plus écologique que l'autre, le coût prend toute son importance.
Ainsi, pour gagner la bataille du climat, il faut gagner la bataille sociale. Aussi, pour y parvenir, dans un monde où la mobilité est une liberté individuelle que chacun veut garder, il faut être en capacité d'expliquer que nous devons changer tout en ayant un choix économique pour éviter le sentiment d'écologie punitive. Dans le cas des transports, il faut être en capacité d'offrir une tarification accessible à toutes et tous dans les alternatives qui présentent le meilleur rapport carbone.
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Sans vouloir être en opposition sur le choix de prendre le train au tarif qu'a payé Alain Jund pour faire l'aller-retour Strasbourg-Nantes alors qu'une offre par avion était deux fois et demi moins cher, dans la même situation et malgré mes convictions écolos, je regarde aussi ce que mon porte-monnaie me permet de payer et aussi et surtout, là où je peux réduire le coût de mon déplacement.
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Faut-il plus de radicalité ? Oui mais comment ?
De manière générale, face aux enjeux climatiques, s'adapter en acceptant une hausse des températures de 4°C d'ici 2100, tel que préconise le gouvernement, revient à accepter son inaction climatique. Or, même si rien ne garantit qu'agir dès à présent peut éviter cette hausse, ne rien faire est pire. "Ne rien faire est pire", même s'ils nous diront le contraire du leur point vu libéral.
Aussi, pour faire accepter l'idée d'une radicalité dans les décisions à prendre pour faire face aux enjeux climatiques, sans solutions sociales, l'écologie est perdante. Il faut oser le dire. Il faut être en capacité de rassurer les classes sociales dont l'écologie n'est pas le centre de leurs préoccupations, influencé par un système capitalo-libéral qui réfute cette radicalité.