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Billet de blog 24 novembre 2022

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Mobilité du quotidien : les comptes n’y sont pas !

L’ancienne ligne de chemin de fer Haguenau - Rœschwoog - Rastatt dans le Bas-Rhin fait l’objet d'attention toute particulière d'élu·e·s qui pensent « qu’à l’avenir est peut-être un maillon essentiel du trafic fret pour limiter les camions sur nos routes ». Ils ont raison. Le ferroutage est un espace des possibles. Y associer une mobilité douce/active et l'on deviendrait bon. Mais...

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– mise à jour, samedi 3 décembre 2022

Illustration 1

Emmanuel Macron a expliqué dimanche dans une nouvelle vidéo en réponse à des questions d'internautes sur sa politique écologique, vouloir soutenir la mise en place de "RER" dans les 10 métropoles françaises.

L'annonce donne l'illusion d'un président volontariste. La réalité est tout autre.

– à lire : « RER régionaux » : une annonce qui masque la débâcle des transports publics

...

« La réalité est tout autre », d'une part parce que les métropoles n'ont pas attendu le Président. Aujourd'hui, le seul point positif serait de voir l'État apporter des financements complémentaires. Parce que d'autre part, c'est justement le manque de budget qui pénalise le développement des mobilités alternatives au tout-routier.

À Strasbourg, c'est ce qui se passe avec la mise en service à la mi-décembre du REME.


Beaucoup d'effet d'annonce au niveau national ou régional sur les mobilités, laisse croire à une réelle prise de conscience de l'importance d'avoir une offre modale à nos déplacements quotidiens efficiente pour troquer sa voiture au transport en commun. La réalité dans les faits est plutôt inquiétante et je sais de quoi je parle, puisque engagé dans la bataille anti GCO à Strasbourg, mais également membre de la coalition nationale La Déroute des Routes, la question des alternatives est au cœur de nos revendications à la logique du tout-routier.

L'arrivée prochaine du REME (réseau express métropolitain européen) sur la région strasbourgeoise, est une bonne nouvelle. Mais ramené à l'échelle de l'Alsace, voire de la Région, on se rend vite compte qu'en matière de mobilités alternatives au tout-routier, les comptes n'y sont pas.

Illustration 2
« L’ancienne ligne de chemin de fer Haguenau - Rœschwoog - Rastatt est l’objet de toute notre attention car nous pensons qu’à l’avenir est peut être un maillon essentiel du trafic fret pour limiter les camions sur nos routes » écrivent les conseillés départementaux Christelle Isselé et Michel Lorentz dans une publication Facebook daté du 23 novembre 2022

Mobilité du quotidien : entre les discours d’intention et la réalité du terrain, les comptes n’y sont pas !

Je soutiens cette idée qu'il vaut mieux avoir un trafic de fret sur train pour limiter les camions sur nos routes. Une réflexion que nous avons eue avec GCO NON MERCI et développé dans notre livret  « 10 solutions pour faire sauter les bouchons ».

Défendre les lignes de chemin de fer mise à l'arrêt par la SNCF faute d'avoir des finances suffisantes pour l'entretien et son fonctionnement, est essentiel dans le développement des possibles en matière de mobilités au plus près des habitants de nos campagnes et transport des marchandises. Ne rien faire constituerait une erreur stratégique, d'autant qu'il est essentiel que nos décideurs politiques aient une vision des mobilités qui intègre, non seulement les transports en commun au plus près zone de vie, mais également le vélo.  

L'Etat est le premier fautif 

En juillet 2022, le patron de la SNCF Jean-Pierre Farandou a évalué le besoin d'investissement dans le ferroviaire à environ 100 milliards d'euros supplémentaires sur 15 ans afin de contribuer à la décarbonation des transports en doublant la part du train1. Face à cela, l'État, par l'intermédiaire de son ministre des Transports, parle beaucoup, brasse de l'air, occupe le champ médiatique, mais à l'arrivée, quand il s'agit de mettre la main aux portes feuille, les moyens financiers engagés demeurent largement insuffisants.

Sur le terrain, la réalité est que d'un côté la SNCF Réseaux dit ne pas avoir les financements suffisants pour mettre en œuvre les demandes des Régions compétentes dans le train du quotidien et de l'autre, ces mêmes Régions n'ont pas un budget extensible pour compenser. C'est d'ailleurs souvent son premier poste de dépense. À titre d'exemple, dans son budget 2023, le conseil régional Grand Est prévoit d’investir plus de 1,4 milliard d’euros l’année prochaine et 8 milliards d’ici 2028. Pour autant, les groupes d'opposition ne partagent pas les analyses de l'exécutif sur le caractère approprié des orientations budgétaires annoncées. Ce qui pose problèmes, ce sont les choix stratégiques.

Dans les politiques de mobilités à mettre en œuvre, l'autre aspect qui est un frein à son développement est l'éclatement des compétences et le manque d'échanges qui nuit à l'intermodalité, notamment en matière de politique vélo.

Une stratégie en berne

En Alsace, l’exemple de la ligne Bollwiller-Guebwiller2 est symptomatique du décalage entre les discours d’intention en faveur des mobilités du quotidien et le blocage institutionnel à son développement, couplé au manque d’investissements de SNCF Réseaux qui a privilégié durant plusieurs décennies les grandes lignes au détriment de son réseau secondaire et régional.

Ces manques d’investissement se font criant sur la ligne Lauterbourg-Strasbourg qui n’intègre pas pour le moment, le réseau express métropolitain européen (REME) qui va ouvrir d’ici mi-décembre sur la région strasbourgeoise. Là encore, une association d’usagers tirent la sonnette d'alarme des manquements financiers entre les ambitions annoncées pour la mise en œuvre du REME et les risques de dysfonctionnements qui pourraient pénaliser son attractivité2-3

Alors qu’il devient urgent d’apporter des solutions alternatives dans les déplacements du quotidien, au regard des faits, que ce soit en en matière de transport en commun ou d'une politique vélo, une évidence se dégage : les comptes n’y sont pas.

Pour ce qui de train, la région Grand Est a beau annoncer vouloir investir 8 milliards d’euros d’ici 2028, si la SNCF Réseaux n’oriente pas des lignes budgétaires sur l’entretien des lignes régionales existantes et ou sur la réhabilitation de lignes abandonnées, c’est toute une stratégie des mobilités actives qui se retrouve handicapée. Quid des choix de l’État dans les orientations-arbitrages de ses Contrat Plans Etat-Région (CPER).

Pour ce qui est des autres modes de déplacements : Bus, vélo, là aussi, les financements manquent, alors que le tout-routier bénéficie d'un aveuglement qui pénalise les politiques de mobilités.


  1. Ferroviaire : l'Etat réfléchit à des moyens complémentaires, alors que la SNCF demande 100 milliards d'euros
  2. Des habitants de la vallée de Guebwiller regroupés au sein d’une association, militent depuis de nombreuses années pour la réouverture de la ligne Bollwiller-Guebwiller. A titre d’exemple, l’association s’était mobilisée en juin 2021 au côté d’un collectif co-organisateur : « 50 ans sans train, ça suffit ! »
  3. Projet de RER à Strasbourg : le risque d'un faux départ
  4. L’ASTUS alerte sur un Réseau express métropolitain trop ambitieux et délétère pour les petites gares

--- complément :

Bollwiller-Guebwiller – Haguenau-Rœschwoog-Rastatt

Deux exemples de lignes de chemin de fer à l’abandon, Bollwiller-Guebwiller dans le Haut-Rhin et Haguenau-Rœschwoog-Rastatt dans le Bas-Rhin, montrent tout le paradoxe entre les discours d’intention de l’État sur la mise en œuvre des mobilités du quotidien ou du fret de marchandises, leur mise en œuvre locale et SNCF Réseaux qui a la gestion technique de ces lignes.

Illustration 3


En ce qui concerne la ligne Bollwiller-Guebwiller, les blocages à sa réouverture sont avant tout politiques. L’actuel président de la région Grand Est a les clés pour le faire, mais il ne le fait pas. Annoncer 1,4 milliard d'investissements de la Région pour le train est un bel effet d’annonce. Dans les faits, cet argent est mal investi.

Illustration 4


De l’autre, la ligne Haguenau-Rœschwoog-Rastatt est partiellement maintenue pour l’entreprise Roquette, mais SNCF Réseaux réclame des subventions supplémentaires aux collectivités, comme le soulignent les conseillés départementaux Christelle Isselé et Michel Lorentz dans une publication Facebook : « En attendant, nous sommes sollicités par SNCF Réseaux pour financer la rénovation des presque 5 km de cette ancienne ligne utilisée par l’entreprise Roquette de Beinheim entre Rœschwoog et l’embranchement privé de Roquette sur le ban de Beinheim. »

Ici, le manque de financement de l’État en direction de la filiale de la SNCF en charge des réseaux, montre la perversion d’un système étatique qui oblige les régions (compétentes) et les départements (volontaristes) à devoir dégager des lignes budgétaires d’argent qui va manquer ailleurs. Pour exemple, la Collectivité européenne d'Alsace manque d’argent pour la mise en œuvre d’une protection de la petite enfance efficace.

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