– mise à jour le 27 mars à 10h02
Ce samedi 25 mars, c'est plus de 30 000 personnes qui se sont réunies près de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, "à l'appel de la Confédération paysanne, Bassines Non Merci et les Soulèvements de la Terre mais aussi de plus de 100 organisations associatives et syndicales pour enfoncer le clou d'une mobilisation populaire grandissante et mettre un terme aux chantiers de mégas-bassines(3)", pour reprendre des propos des organisateurs.

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« J’y étais ! »
Défendre l’eau comme un bien commun face à quelques industrialo-agriculteurs qui se disent agriculteurs. Des personnes sans scrupules soutenues par un Président hors-sol (cf propos d’Emmanuel Macron lors du salon de l’agriculture) et un gouvernement à la solde de qui… de quoi ? Nous ne voulons pas d’une guerre de l’eau et pourtant ils nous y emmènent. Est-ce que je veux ça ? Bien sûr que non ! Mais qui suis-je pour laisser mes enfants crever demain ?
La violence des manifestants à Sainte Soline existe dans l’imaginaire de celles ou ceux qui veulent y croire et ne savent pas. Des médias relatent à chaud une information tronquée sur la base d'éléments fournis par un camp (l’État) sans chercher à nuancer ces éléments. Pourquoi ?
« Mais les bassines, on en veut pas !
Et l’eau, elle est à qui ? Elle est à nous ! »
J’ai fait plusieurs centaines de kilomètres depuis Strasbourg pour être sur ce territoire des Deux-Sèvres, proches de Sainte Soline. J’y étais. Une manifestation interdite n’est pas pour autant illégale. J’étais au cœur des combats. L’État avait décidé de militariser la bassine en travaux. Une simple butte de terre. Nous étions 30 000 personnes arrivées ensemble au pied du chantier que nous avons encerclé avec les forces de l'ordre arc-boutées autour de son périmètre. Plus de 3 000 militaires face à nous !

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Nous voulions prendre la bassine. En 1789, la Bastille n’a pas été prise avec des fleurs. Il faut à un moment sortir de votre monde de bisounours. L'eau est un bien commun et nous ne pouvons pas laisser quelques-uns vouloir se accaparer cette ressource au détriment des populations. Pendant que des milliers de personnes avançaient en se tenant par la main, d’autres se sont approchées en groupe pour arracher les grilles.
« Repoussée par les militaires
au prix d’un effort aux lourdes conséquences »
La réponse militaire a été d’une violence inouïe. Les forces de l’ordre (ou du désordre) n’ont pas hésité à tirer des grenades au milieu de la foule. J’étais dans cette foule. J’étais au plus près des groupes qui ont tenté de pénétrer la bassine. Ils ont réussi à faire une incursion. Elle a été repoussée par les militaires au prix d’un effort aux lourdes conséquences.
Plusieurs grenades ont explosé autour de moi. Avec copain, nous étions à 150 ou 200 mètres de ces grilles. Peut-être un peu plus. Une grenade est tombée à deux ou trois mètres de moi laissant un petit cratère d’environ 40 cm de diamètre (juste pour dire que ces engins de guerre ne sont pas des lacrymo). J’étais à Bure lorsque les grilles de l’Andra sont tombées. Les forces de l’ordre n’avaient pas tiré aussi loin, aussi fort.

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J'ai mangé deux fois les lacrymogènes. C'était chaud et les gendarmes plutôt des malades dans les tirs. Le donneur d'ordre a voulu chercher à séparer la foule qui ne faisait qu'un autour de la position tenu par les militaires. On parle de plus de 4 000 grenades tirées. Rémi Fraisse a été tué par l'une d'elles. Je n'oublie pas.
« La bataille a duré… j’en ai perdu la notion du temps »
Les conséquences ont été dramatiques. On déplore un blessé parmi nos camarades du bus (1). Un parmi les 200 blessés répertoriés par le team Médic et rapporté par les organisateurs dans un communiqué (2). Un d’entre eux a son pronostic vital engagé (apprendra-t-on plus tard). Les ambulances ont mis du temps avant de pouvoir venir sur la zone. En attendant, j’en ai vu passer des blessés autour de moi. Et les violents ça serait nous . Eux avec leurs blindés et véhicules militaires sur zone, avec leur équipement et canons à eau. Et que dire de ces quads qui ont pris à revers la foule en tirant grenades et lacrymo sans distinction ?
Arrivé sur la zone vers 12h30, notre groupe alsacien s’était dispersé dans la foule immense encerclant la bassine. Toujours en binôme a minima, nous nous étions donné la consigne de jamais resté seul. La bataille a duré… j’en ai perdu la notion du temps.

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« Les Français doivent prendre conscience que certains veulent s’accaparer l'eau à leur détriment »
En fin d’après-midi, nous avons commencé à nous regrouper plus en arrière du champ de bataille. Puis, nous avons commencé à revenir vers le camp de base. Il était peu avant 16 h. Sous l’œil d’un hélicoptère nous avons refait le chemin retour de la longue procession du matin. Des centaines de personnes tout autour de nous, comme nous, souvent venu en petit groupe. Aucune amertume dans les rangs. Les discussions étaient bon enfant. Ne pas avoir pu pénétrer dans le bassin en construction n'a pas ébranlé le moral des manifestants. Les raisons de satisfaction étaient multiples.
Dans nos rangs alsaciens, toutes et tous avaient en mémoire la violence policière que nous venions de subir. Pour autant, l’ambiance n’était pas dans l’amertume. Les discussions étaient nombreuses. Certains autours des raisons du combat avec l’expertise d’un ou l’autre de la Confédération Paysanne d’Alsace. D’autres, autour des violences. On ne peut pas se résoudre à la banaliser, mais on ne peut pas non plus laisser dire tout et n’importe quoi sur cette journée de mobilisation. L’heure est grave alors qu’une nouvelle sécheresse s’annonce et que les réserves d’eau potable sont en déficit d’une pluviométrie qui a manqué durant cet hiver.
Les Français doivent prendre conscience que certains veulent s’accaparer l'eau à leur détriment. La bataille de l’eau qu’ils (certains industrialo-agriculteurs et l’Etat) nous imposent doit nous faire réagir. Nous devons être solidaire.
Parmi les nombreuses messages d’ami(e)s (merci à toutes et tous), je reprendrais celui-ci : « Solidarité, en particulier avec les blessé·es et gratitude pour toutes les gardiennes et les gardiens de la terre qui ont fait le déplacement. »
Les bassines on en veut pas. L’eau, est à qui ? Elle est à nous !

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(1) Le copain va bien. Son retour en Alsace sera assuré par la solidarité d'autres Alsaciens venus en voiture.
(2) CP « 30 000 personnes manifestent à Sainte-Soline malgré la brutalité policière pour une avancée déterminante vers la fin des méga-bassines » à lire ici. Lire également le communiqué à j+1 ici (capture ci-dessous).

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(3) Les bassines non merci est un diaporama :

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