Nous en étions à « est-ce que ça vaut la peine de continuer à se battre ».
Cette semaine l’âne qu’on doit faire bouger est en voyage au Maroc avec, dans ses valises - ses avions en fait - un nombre assez impressionnants de repris de justice, des vieilles badernes post pensantes et d'indignes en tout genres, il ne remuera pas un orteil pour dévier sa route vers sa déshonorante déchéance. Aurait-il dix kilos piment rouge dans le fondement qu'il ne donnerait pour rien au monde l'impression que ça pique. Comment partant de ça, garder un peu d'espoir ? Du fond de ma noirceur fondamentale l'envie de baisser les bras est grande. C'est peut-être un objectif planifié.
Continuer à se battre ?
Barnier qu'on présentait comme l'équilibre central est le fossoyeur final de la séquence Macron/génie de la finance, Macron/acteur de venu banquier, Macron/écrivain qui n'a pas publié, Macron/Mozart troisième prix du conservatoire Municipal d'Amiens. La somme de tous les perdants n'a jamais fait un gagnant, pas plus que la somme de toutes les looses. Tous ces calculs puent la fausse monnaie depuis 2017. On avait prévenu mais baste...
Se battre donc... mais contre quoi au fond ? L’exemple des manifs plus que massives contre la réforme des retraites plaide pour l’inutilité de la baston. Ni le nombre, ni le bruit ne peuvent faire bouger l’âne bâté que la peur fige et entête. Le combat est donc plus large et on en revient à la Lutte des classes évoquée hier. C’est pour ça qu’on se chicote depuis toujours et un peu plus durement depuis l’avènement de la société industrielle. C’est durant cette période que la lutte des classes a pris sa forme définitive. On est dedans. Plus que jamais. Quelle est la classe qui est au Maroc avec le ravi de l'Élysée ? Les ouvriers, les employés ?
Il faut relire Howard Zinn, “Une histoire populaire des États-Unis, de 1492 à nos jours“. Il évoque la révolte dite de Bacon, au printemps 1676, en Virginie (États-Unis), cette révolte illustre bien le moment que nous vivons. Le gouverneur Berkeley se lamente sur son sort de gouverneur septuagénaire, que visiblement cette révolte saoule, en disant : « […] malheureux homme qui gouverne un peuple dont au moins six individus sur sept sont pauvres, endettés, mécontents et armés ». Six individus sur sept, cela suggère qu’il existât une classe supérieure aisée - pas “les gens d’en bas“ donc - qui vivait bien et qui ne voulait rien lâcher de ses privilèges à ceux qui vivaient mal. Cette révolte est une révolte de Colons certes, elle n’est pas « juste » au sens social c’est un fait, elle est réprimée dans le sang et Berkeley gagne in fine mais ... Elle mène à la révolution américaine.
Un combat semblant aujourd’hui perdu pour une victoire future plus globale ? C’est l’ordinaire de la lutte des classes et son banal, sa routine.
Il faut attendre Adam Smith, “La Richesse des nations“ en 1776, pour théoriser définitivement cette notion de “classe“ et la faire admettre comme naturelle au même titre que la gravitation universelle, l’expansion de l’univers et la théorie « dès qu’on met un gigot au four, les emmerdeurs débarquent » (Le Cave se rebiffe ; Grangier, 1961)
Adam Smith est un chien de la casse, mais malin, il divise la population en trois classes : les capitalistes, les rentiers, les travailleurs. L’idée générale est que le capitaliste donne un salaire au travailleur juste suffisant pour qu’il mange et se loge, mais surtout pas qu’il épargne. La théorie qui perdure reste que la somme des égoïsmes crée la richesse de tous. Une belle arnaque. Mais une fois ce truc gravé dans le marbre et martelé dans les écoles de commerce, les sciences humaines, la philosophie comme allant de soi, fastoche pour les plus riches de faire valoir aux moins nantis « qu’ainsi vont les choses ma pauv’dame, qu’esse tu veux y faire, c’est la nature humaine »
La suite ? Karl Marx qui théorise l’exploitation qui sert de base à la lutte que se mènent ces classes. Depuis, on en est là. Ça ne bouge pas beaucoup. Le combat continue, et la classe dominante a le dessus. Pour l’instant.
Alors se battre encore et toujours où baisser pavillon, that is la question. Depuis le temps qu’on entend « ça va péter », la tentation de larguer la banderole et de partir à la campagne cultiver des moutons est grande. L’idée que moins ils sont à posséder les richesses, plus ils seraient nombreux de l’autre côté à se révolter n’est pas évidente à faire croquer.
Pour que le nombre l’emporte, il faudrait que les classes intermédiaires – les pas riches du tout mais pas trop pauvres quand même – basculent dans le camp des très pauvres. Rien n’est plus difficile à obtenir. Une forme perverse de corsetage de l’esprit est à l’oeuvre : le mépris de classe. Diffusé et entretenu par la partie supérieure de la classe intermédiaire - la plus encline à se soumettre aux plus puissants, et à laquelle appartient entre autre les travailleurs médiatiques - ce mépris paralyse. Le bougre se dit : « Et s’ils avaient raison, si je n’étais finalement qu’un « qui ne sont rien », un « gens d’en bas » si bas que regarder vers le haut provoque des torticolis douloureux et si... baisser la tête était finalement plus naturel, confortable et surtout plus conforme à ce qu’on attend de moi ? Ne serais-je pas plus efficace en étant bien poli, en étant « raisonnable », en réclamant peu et pas trop souvent j’aurais peut-être moins que rien mais ça serait déjà pas mal d’obtenir un sourire du maître ! Voilàààà c’est ça ! je vais adhérer au Parti Socialiste ! (Pardon aux socialistes qui résistent encore à la vieille garde des Hollandais, je plaisante. À peine). Ajouter avec constance la sottise à l’asservissement n’est pas un talent inné, cela s’enseigne dans les “écoles de journalisme“ en même temps que le sens du timing, afin que les commentaires soient toujours en phase avec la communication gouvernementale. Parfois et chez certains, le zèle déployé est à saluer comme un exploit sportif handisport catégorie amputé de l’occiput. Regardez et écoutez les commentaires sur "ce voyage de réconciliation" au Maroc.
Dire que les “braillards“ ne comprennent pas la complexité du monde : c’est du mépris. Aucun de ceux qui manifestent leur colère n’aspirent pas à devenir ministre des Finances, ils espèrent et souhaitent simplement qu’une personne, ayant la connaissance de la complexité du monde et les compétences pour occuper ce poste, agisse avec la conscience des difficultés et des injustices subies, et prenne les mesures fiscales justes qui permettent la redistribution des richesses sous forme de services publics efficients. Pourquoi ? Parce que c’est le contrat social que nous avons "signé" avec la France en naissant et en vivant ici. Vivre décemment avec son salaire, ce n’est pas réclamer une Mercedes par famille et 10 000 euros mensuels à rien foutre. Un acteur aussi célèbre que stupide avait dit ça à l’époque des Gilets Jaunes. (Les artistes sont de la classe intermédiaire qui ne bascule que rarement dans le camp de la classe la plus défavorisée : ils savent que quel que soit le régime, ils vivront bien… s’ils sont d’accord avec le régime).
Cette lutte est en cours et ne cessera jamais, le vainqueur du jour devient parfois l’oppresseur du lendemain créant ainsi la continuité de la lutte. Il ne peut y avoir que des rémissions pour les plus défavorisés dans cette bagarre, des périodes de mieux. Des cycles de moins pire.
Se battre est donc utile, c’est faire grandir la possibilité d’une révolte. Elle se précise. Quelles que soient les mesures prises à la hâte par les autorités apeurées comme ignorer une élection, additionner les résultats de tous les perdants pour désigner un vainqueur ou manipuler une constitution jusqu'à l'absurde. Ce qui est formulé dans ce moment, c’est l’expression de la conscience de classe. Pour les privilégiés qui s’impatientent de voir les choses rentrer dans l’ordre, c’est même une peur de classe. Le mur artificiel que tente de dresser les gardes-chiourmes entre les pauvres et les à peine moins pauvres, pour qu’ils ne fassent jamais cause commune contre les maîtres, est un mur en carton qui finit toujours par céder.
Amen.