Pour ceux qui ont réagi et commenté le précédent billet et qui voudrait en savoir plus, voilà un rappel historique précis des aventures d'Eric Danel avec la Manufacture des Oeillets...
La Manufacture des Œillets :de la production industrielle à la création culturelle
Bref rappel historique des vingtdernières années de la vie d’un site
initialement voué à la destruction
1. L’attitudede la ville après le rachat des lieux par Monsieur DANEL (1989-1992)
En octobre 1989, Monsieur Eric DANEL, architecte, achète, avec le concours de la Banque Vernes (qui deviendra ensuite Vernes Artésia), la Manufacture des Œillets, bâtiment laissé à l’abandon et menacé de destruction ainsique la mairie d’Ivry-sur-Seine le fait savoir à Monsieur DANEL lorsqu’il s’ouvre de son projet d’acquisition auprès d’elle.
Une fois d’importants travaux de rénovation effectués, Monsieur DANEL cherche à revendre le bien. La ville exerce alors son droit de préemption pour un prix de moitié inférieur à celui qui était alors proposé à Monsieur DANEL.
- L’arrêté de préemption sera annulé par décision du Tribunal administratif de Paris le 8 juillet 1991.
Courant mars 1991, afin d’être bien certaine de décourager tout acquéreur potentiel, la ville fait déposer un écriteau sur les grilles de la Manufacture des Œillets et fait déposer, par trois fois, à l’aide de véhicules municipaux, des tonnes de gravats devant l’entrée du site.
- La ville sera condamnée cette fois-ci pour voies de fait par le Tribunal de Grande Instance de Créteil le 26février 1992, décision confirmée par la Cour d’appel de Paris le 6 juillet 1993.
Malgré ces deux procédures judiciaires défavorables, la ville a atteint son objectif consistant à rendre le bien invendable à quiconque d’autre qu’elle et ce tout particulièrement à un moment où la crise immobilière commence à se faire jour.
2. La transformation des lieux par Monsieur DANEL en un lieu culturel unique, sans la moindre aide publique (1993-1996)
Avec le soutien de la banque Vernes, Monsieur DANEL lance une importante campagne de travaux afin de transformer le site en lieu culturel :
Ø aménagement en 1993 du bâtiment américain pour lui permettre d’accueillir l’ENSAD (EcoleNationale Supérieure des Arts Décoratifs). Coût : 20 millions de francs ;
Ø aménagement en 1993 de la Grande Halle en lieu d’exposition et salle de répétition pour le Théâtre du Châtelet. Coût : 6 millions de francs ;
Ø création en 1996 d’un théâtre d’art et d’essais dans la Grande Halle. Coût : 6millions de francs ;
Ø travaux d’aménagements supplémentaires en 2001 pour y accueillir l’EPSAA (Ecole Professionnelle Supérieure d’Art graphique et d’Architecture). Coût : 2 millions de francs.
Il convient de noter que :
Ø tous ces travaux ont été menés avec le souci de créer un lieu d’enseignement artistique et de vie culturelle unique dans le respect d’un cadre architectural exceptionnel ;
Ø tous ces travaux, ainsi que les premiers travaux de rénovation du lieu, ont été financés par des emprunts contractés par la société de Monsieur DANEL, ce dernier étant associé et caution de celle-ci.
3. Les grands succès de la Manufacture des Œillets (1993-2003)
Les résultats tangibles des efforts acharnés de Monsieur DANEL :
Ø classementen 1996 à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques d’un bâtiment promis quelques années plus tôt à la destruction ;
Ø pendant dix ans, tout en hébergeant deux écoles d’art et une salle de répétition, la Manufacture des Œillets a accueilli :
- des spectacles de Patrice Chéreau, Olivier Py, Philippe Caubère, Jacques Doillon etc.
- des expositions de Gilles Caron, Aki Kuroda, Raymond Depardon ainsi que des expos-vente au profit d’associations (l’Hôpital Bichat, Arcat Sida, les Enfantsde la Source etc.) ;
- les programmations du Festival d'Automne, du Festival d'Ile de France de Musique Classique, du FRAC ;
- des concerts, des défilés de mode, des tournages, des opérations portes ouvertes pour les journées du Patrimoine etc.
Au fil des ans, ce sont des centaines de milliers de visiteurs, ivryens comme franciliens, qui ont pu bénéficier d’un libre accès à une offre culturelle ouverte et contemporaine sans précédent en France.
4. La rupture d’un équilibre financier par l’arrivée d’un nouvel intervenant qui mènera la société de Monsieur DANEL à la liquidation judiciaire (2002-2007)
A partir des années 2001/2002, grâce à ses revenus locatifs, la société de Monsieur DANEL exploitant la Manufacture des Œillets parvient enfin à équilibrer ses comptes ce qui, en permettant le remboursement des emprunts, permettait d’assurer la pérennité du lieu.
C’est le moment où la Marie d’Ivry, peut-être jalouse d’un succès populaire né d’une initiative privée, recommence à s’intéresser à la Manufacture des Œillets.
C’est également le moment où Dexia Banque Privée (aujourd’hui rachetée par BNP Paribas), également banque de la ville d’Ivry, succède à la banque Vernes Artésia et provoque l’exigibilité anticipée du crédit qui mènera la société de Monsieur DANEL au redressement (en 2005) puis à la liquidation judiciaire (en 2007) ainsi qu’à des poursuites sur l’intégralité de ses biens personnels en qualité de caution (saisie de tous ses biens mobiliers ainsi que de son domicile).
C’est dans le cadre de cette liquidation judiciaire que le bien (pourtant évalué par un expert judiciaire en 2006 à 21 millions d’Euros) sera vendu aux enchères en mars 2009 pour 7.150.000 €, prix auquel la villed’Ivry exercera son droit de préemption.
Comme le dit pudiquement la Ville dans son journal d’information locale, il s’agit effectivement d’une « belle opération ». Pour elle.
5. Le présent et l’avenir de la Manufacture des Œillets
La Manufacture des Œillets n’a plus d’activité culturelle depuis 2003 et se contente aujourd’hui d’abriter l’EPSAA ainsi que la salle de répétition du théâtre du Châtelet.
La ville projette l’établissement sur le site d’un Centre Dramatique National pour y installer à demeure le Théâtre des Quartiers d’Ivry, ce qui mettrait définitivement fin à la vocation ouverte et pluraliste de ce lieu tel que l’avait imaginé et mis en œuvre après quinze années d’efforts et d’invention, Monsieur DANEL, et ce sans qu’il n’en coûte rien à la collectivité publique.
On ne peut que ressentir un certain malaise à voir la Ville se présenter aujourd’hui comme la gardienne de « l’histoire ouvrière » d’un site qu’elle s’apprêtait à détruire et pour lequel elle n’a qu’un projet culturel incertain et assurément coûteux pour la collectivité.
Naturellement, le malaise grandit quand on sait que celui qui a porté seul et contre tous un autre projet culturel à bout de bras pendant quinze ans est aujourd’hui acculé à la ruine par une banque sans doute trop soucieuse des intérêts des collectivités locales.
Monsieur DANEL conserve l’espoir que les actions judiciaires en cours lui rendront justice