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Billet de blog 9 août 2011

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A l'origine de la crise de 2008, la répression salariale et la disparition de la "répression financière"

Commentaire de l'article de Martine Orange: "Crise: l'occasion ratée de 2008". Merci pour cet article intéressant de Martine Orange sur les origines de la crise et l'inaction des gouvernements, si ce n'est les promesses non suivies d'effet. Je note cepandant que selon Martine Orange, l'origine du problème serait une création monétaire incontrôlée sous la forme d'une expansion débridée du crédit soit directement comme aux Etats-Unis, soit indirectement via l'Etat et les transferts sociaux en Europe.

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Commentaire de l'article de Martine Orange: "Crise: l'occasion ratée de 2008". Merci pour cet article intéressant de Martine Orange sur les origines de la crise et l'inaction des gouvernements, si ce n'est les promesses non suivies d'effet. Je note cepandant que selon Martine Orange, l'origine du problème serait une création monétaire incontrôlée sous la forme d'une expansion débridée du crédit soit directement comme aux Etats-Unis, soit indirectement via l'Etat et les transferts sociaux en Europe. Sur ce dernier point, j'espère d'ailleurs qu'il ne s'agit pas d'une critique implicite de ces systèmes sociaux qui seraient accusés d'avoir contribué à "vivre à crédit", au "dessus de ses moyens", d'avoir "creusé les déficits" comme on l'entend trop souvent quand on veut masquer les baisses massives de cotisations sociales dont les entreprises profitent.

Mais j'en reviens à l'objectif de l'article, présenter l'origine de la crise. Je sais que les causes sont multiples et que Martine orange ne peut toutes les présenter.

Mais à aucun moment l'article ne mentionne la désindexation des salaires nominaux de la hausse des prix et de la productivité à partir de la fin des années 1970 ou les années 1980 selon les pays et qui se reflète dans le recul de la part des revenus du travail dans le revenu national. Ce recul est universel et largment documenté (voir notamment les nombreux articles de Michel Husson) et même admis par le FMI, la Banque des Règlements Internationaux, et la Banque Centrale Européenne.Cette attaque sans précédent contre les revenus du travail a poussé les salariés à s'endetter pour tenter de maintenir leur niveau de vie ou tout simplement satisfaire leurs besoins vitaux.Ils ont été incités à le faire par les idéologues du néo-libéralisme et l'industrie financière qui y avait intérêt à les pousser au surendettement et à faire croire que l'augmentation de la dette pouvait se substituer à la hausse des salaires, ou bien qu'en devenant tous actionnaires le "capitalisme patrimonial" allait tous nous enrichir. Les syndicats étaient censés devoir changer de stratégie en demandant plus d'actions et une place dans le conseil d'administration des fonds de pension et autres fonds de participation au lieu de s'obstiner à réclamer des hausses de salaires qualifiées de ringardes.

L'essor de la finance, c'est aussi cela, et pas seulement la déréglementation de l'industrie financière.

Si l'on ne prend pas en compte cet événement majeur, on s'en remet à une dénonciation abstraite de la création monétaire dont l'origine ne s'expliquerait que par l'écroulement du système de Bretton Woods. La disparition de ce système est certes importante mais ne délivre qu'une partie de l'histoire. S'en tenir à un seul aspect du problème conduit à n'envisager qu'une partie des solutions. On doit certes annuler une grande partie des dettes après avoir procédé à un audit pour savoir qui porte la responsabilité de la forte croissance de la dette publique dans chaque pays; il faut reprendre le contrôle de la finance en interdisant tout un ensemble d'activités, de produits et de marchés financiers sans aucune utilité publique mais seulement un intérêt privé pour ceux qui les utilisent pour s'enrichir. Il faut enfin introduire une taxe sur toutes les transactions financières à un niveau suffisamment élevé pour casser la spéculation et générer des recettes fiscales à la hauteur des besoins de financementde divers ordres.C'est ce que Kenneth Roggof et autres néolibéraux appellent la "répression financière". Expression qui en dit long sur l'infamie que représente pour eux l'intervention publique qui ne peut être que répressive quand elle limite la liberté de spéculer.C'est pourtant cette voie qu'il faut emprunter et sur ce sujet l'article de Martine Orange est très timide. Je note aussi une contradiction entre la dénonciation de l'excès de création monétaire dénoncé au début de l'article et la proposition d'une action concertée des banques centrales pour noyer la spéculation sous un torrent de liquidités. Plutôt que sans remettre à des solutions incertaines qui vont encore accroître l'excès de capitaux flottants, un retour à l'encadrement de la finance par la puissance publique tel qu'il existait dans les années d'après-guerre me semble bien plus efficace. Et pour finir, si on n'accepte pas l'idée de bon sens que l'économie dite "réelle" ne peut pas fonctionner sans que le pouvoir d'achat de la majorité de la population augmente, on entrera inévitablement à nouveau dans un processus de déconnexion entre l'économie "réelle" et la finance et à une succcession de récessions entrecoupées de timides reprises qui ne compensent pas les dégâts occasionés.

voici quelques commentaires partiels d'un article stimulant par ailleurs,

bien cordialement,

Bruno Jetin

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