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Billet de blog 22 février 2010

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Lettre ouverte aux ténors du PS tentés par le frêchisme

Chers François (Rebsamen), Gérard (Collomb) et quelques autres, Nous sommes languedociens, militants socialistes et même candidats de votre parti, de notre parti, dans la région Languedoc Roussillon.Depuis quelques temps, nous entendons beaucoup parler de notre région et de son président sortant dans les médias. Et de nous ? Du difficile combat que nous avons décidé de mener ? Pas vraiment...

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Chers François (Rebsamen), Gérard (Collomb) et quelques autres,

Nous sommes languedociens, militants socialistes et même candidats de votre parti, de notre parti, dans la région Languedoc Roussillon.
Depuis quelques temps, nous entendons beaucoup parler de notre région et de son président sortant dans les médias. Et de nous ? Du difficile combat que nous avons décidé de mener ? Pas vraiment...

Pourtant, cher François (Rebsamen), nous sommes bien là, sur le terrain, en campagne pour le parti socialiste, pour défendre, envers et contre tous, nos idées et nos valeurs communes. Communes ? Nous nous interrogeons depuis que tu as annoncé dans la presse vouloir venir soutenir Georges Frêche dans notre région.
Comme tu es loin de chez nous, nous avions envie de te parler de nous, de notre travail quotidien d'élus ou de simples militants en Languedoc Roussillon, et de te rafraîchir un peu la mémoire.

Nous sommes attachés à un parti qui met ses valeurs en pratique à travers ses élus, qui sont non seulement des acteurs de la vie locale, mais aussi des symboles. Symboles du respect dû à tous et à chacun, de l'attention portée aux minorités, aux plus vulnérables, aux plus défavorisés. Symboles d'une pensée de gauche, de l'antiracisme, de la lutte pour les droits des femmes, des étrangers, des homosexuels...
Georges Frêche se situe aujourd'hui à l'exact opposé des valeurs que nous voulons porter : dans ses propos, dans ses comportements et dans l'exercice du pouvoir.

Nous sommes scandalisés quand nous entendons un président de région se réclamant du socialisme qualifier de « sous-hommes » (terme renvoyant aux expressions utilisées par les doctrines raciales nazies) deux harkis, fussent-ils devenus ses opposants. Peu importe que cette insulte n'ait pas été proférée à l'encontre de toute la communauté harki, peu importe que ces deux personnes l'aient auparavant invectivé, peu importe que la justice l'ait relaxé pour un point de forme, soulignant par ailleurs dans ses attendus le caractère foncièrement raciste de ces propos.
Nous sommes effarés quand nous l'entendons, au cours de la même altercation, prononcer cette phrase, que d'ailleurs peu de médias ont relevée, mais qui est, ô combien, symbolique d'un système devenu sa marque de fabrique : « Moi je vous ai donné votre boulot de pompier, gardez-le et fermez votre gueule. Je vous ai trouvé un emploi et je suis bien remercié. » Cher François, comment appelles-tu cela ? Du « franc-parler » ? Ou du clientélisme ? Est-ce ainsi que tu gères ta ville de Dijon ? Et qu'en pensent tes administrés ?
Nous n'avons jamais compté le nombre de joueurs noirs dans une équipe de foot, car nous pensons que le fait d'être français ou de représenter la France n'avait strictement rien à voir avec la couleur de peau. Et quand bien même il n'y aurait que des joueurs noirs dans une équipe de France, cela ne nous dérangerait pas. Alors nous tombons des nues quand ce président de région, se réclamant toujours du socialisme, fait le compte du nombre de joueurs noirs et souligne « le manque de blancs » dans cette équipe. François, Gérard (Collomb), avez-vous déjà compté le nombre de joueurs de couleur dans vos équipes sportives de Bourgogne ou de Rhône-Alpes ?

Nous nous sentons salis, femmes et hommes confondus, lorsque nous entendons ce même président de région déclarer qu'il aurait dû se présenter à Toulouse parce qu'étudiant, « il a baisé 40 % des Toulousaines » (et donc qu'il n'aurait pas eu de mal à récolter leurs voix, eu égard, sûrement, au souvenir inoubliable qu'il leur a laissé). Et nous sommes stupéfaits de voir ses défenseurs rigoler à cette « bonne blague », fustigeant le langage « politiquement correct ». Cher Gérard, toi qui as déclaré vouloir venir soutenir Frêche avec femme et enfants, aurais-tu l'amabilité de demander à ton épouse ce qu'elle pense de ces propos, et si elle est toujours d'accord pour t'accompagner ?

Nous sommes offusqués qu'un représentant de la gauche et de notre région traite, en public, son ancienne collaboratrice de « conne », ou lance à un autre, qui le dérange : « Je vais te couper les couilles et tu ne t'en rendras même pas compte ». Cher François, cher Gérard, est-ce ainsi que vous vous adressez à vos collaborateurs ou à vos détracteurs ? Est-ce l'exemple que vous souhaitez donner en tant qu'élus du peuple ? Ou pensez-vous qu'il s'agit d'un particularisme local, un langage spécifique au Languedoc Roussillon ? La faconde du Sud, peut-être, comme dit Georges ?

Nous sommes abasourdis quand nous entendons Mr Frêche apporter son soutien à Brice Hortefeux après sa phrase désormais célèbre (« Un (Arabe... ou Auvergnat, selon les interprétations) ça va, c'est quand il y en a beaucoup que ça pose un problème ») ou voler au secours de Jean-Paul Fournier, maire UMP de Nîmes, lorsqu'il est condamné pour prise illégale d'intérêts (condamnation pour laquelle il a fait appel). François, Gérard, soutenez-vous de façon aussi appuyée vos adversaires de droite dans vos régions respectives ? Et diriez-vous, comme Mr Frêche, que vous ressemblez comme deux gouttes d'eau à Nicolas Sarkozy ?

Nous sommes mortifiés quand nous entendons le professeur Frêche expliquer à des étudiants qu'il « fait campagne auprès des cons - parce qu'il n'y a que 5 à 6 % de gens intelligents - et que là, il ramasse des voix en masse »... Cher François, cher Gérard, vous demandez-vous quel est le pourcentage de Dijonnais et de Lyonnais intelligents ? Et avez-vous, vous aussi, une stratégie pour vous adresser à vos électeurs « cons » ?

Nous avons été choqués en entendant le énième dérapage, celui qui a mis le feu aux poudres. Peu importe qu'il s'agisse de Laurent Fabius. Bien sûr, comme le répètent à l'envi Georges Frêche et ses fidèles, l'expression « pas très catholique » est une expression usuelle de la langue française. Mais qu'en est-il de « tronche » pas très catholique ? Ne sommes-nous pas très proches du délit de faciès ?

Ce rappel des faits (et nous aurions pu rajouter d'autres « dérapages ») vous conforte-t-il dans votre envie de venir soutenir Mr Frêche ?
Non, Mr Frêche n'est pas un personnage « haut en couleurs » qui « parle vrai ». C'est un populiste.
Non, il n'est pas un homme du sud sympathique victime du parisianisme et des bien-pensants. Il utilise cette posture pour multiplier les provocations et faire parler de lui.
Non, ses propos outranciers ne sont pas de « petites phrases sorties de leur contexte » et montées en épingle par les médias. Ils ont été prononcés et sont inacceptables de la part d'un responsable politique, quel que soit le contexte.

Depuis quelques jours, nous respirons. Martine Aubry et le bureau national, que nous remercions, ont décidé que nous devions désormais affronter celui qui est devenu un despote, méprisant et humiliant ses opposants ainsi que les collaborateurs qui lui résistent, régnant sans partage grâce à un système verrouillé par des obligés.
Certes, nous déplorons que cette décision soit intervenue si tardivement.
Mais une alternative est apparue, portée par une femme, Hélène Mandroux.
Nous avons relevé les manches et nous sommes lancés dans ce juste combat : garder la région à gauche, sans Georges Frêche.

François, Gérard, nous vous avons entendu reprendre les arguments des « pro-Frêche » : « Il a un bon bilan » et « Il est le seul à pouvoir battre la droite. »
Ainsi donc, il n'y aurait qu'un homme providentiel, le seul capable de mener une politique de gauche dans cette région pour compenser les dégâts faits par le gouvernement de Nicolas Sarkozy ? Ainsi donc, il faudrait reconduire à vie un élu, sous prétexte qu'il a, à un moment donné, accompli de bonnes choses ? Peu importent ses comportements et ses dérives injustifiables ? Tout est donc permis, pourvu que l'on conserve le pouvoir ?
François, Gérard, qu'en est-il de vos désirs de rénovation ? Où est passé votre souhait, si souvent exprimé, de changement de pratiques au sein du parti socialiste ?
Assez d'intox ! Cette région ne sera pas regagnée par la droite. Et il y a ici, comme partout en France, des hommes et des femmes de talent, capables de conjuguer l'efficacité et les valeurs, et désirant mettre en place un mode de gouvernance basé sur le respect de l'autre et la collégialité.

De plus, il nous semble que vous avez oublié un enjeu non négligeable de cette élection.
TOUS nos partenaires de gauche, sans exception, ont annoncé depuis longtemps qu'en aucun cas, ils ne feraient d'alliance avec les listes Frêche au second tour. Comment, dans ces conditions, organiser le rassemblement de la gauche, qui est l'une des bases de notre action et de nos valeurs ?
Ce qui se joue aujourd'hui, au-delà de cette élection, c'est la rénovation en profondeur d'un parti localement sclérosé par des pratiques d'un autre temps, d'un parti qui fonctionne, en Languedoc Roussillon, sur un système de baronnie et de clans.

Alors cher François, cher Gérard, et tous les responsables socialistes qui seraient tentés de faire machine arrière, par exemple à la lecture d'un sondage plus que discutable, rappelez-vous que des socialistes mènent aujourd'hui une rude bataille en Languedoc Roussillon pour représenter avec honneur notre parti. Votre parti.
Partisans des motions Royal, Aubry, Delanoë, Hamon, nous sommes réunis aujourd'hui dans cette région pour défendre nos valeurs et une autre conception de la politique.
Quoi qu'il arrive, nous aurons gagné. Avec ou sans vous, selon le choix que vous ferez.

Les colistiers d'Hélène Mandroux dans le département du Gard

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