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Billet de blog 2 avril 2024

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Tahété'a Tahiti !!!

Promesses idylliques, paysages magnifiques...Tristes tropiques !!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Iaorana, bienvenue à Tahiti. Descente vers le lagon, nez collé aux turquoises multiples qui teintent le hublot.

Vingt cinq heures, plié sur un siège, vingt cinq heures d'un bourdonnement incessant, entrecoupées d'une escale étasunienne ; piétinement obligé entre deux barrières pour mériter voir celle de corail. Suspicion permanente des douaniers, contrôle continu au risque de perdre le sien. Quoiqu'il en coute, enfin se poser dans les îles, de l'autre coté du globe et...De l'autre coté de la carte postale...

Tiens, c'est encore le matin, bond en arrière de onze heures. Déjà chaud, déjà humide, déjà ailleurs. Pas de couloirs en plastique, pas de tapis roulants, juste les yeux écarquillés, les pieds à même le tarmac, le crane comme sous un grill. Colliers de fleurs offerts au son du ukulélé. Bye bye l'occident, doux rêve du moment...

Entrée dans l'aéroport, décorum connu, plus classique. Et l'enseigne "Macdo" qui me lance une grimace ironique genre : "Tu vois, je suis arrivé avant toi, et depuis un moment!!". Re-passage par les douanes, questions réponses habituelles puis sortie à l'air libre, à défaut d'être pur, coté parking...

Un... deux... trois....Dix pick-up, gros comme des locomotives, vrombissent devant le hall. Pas que, bien sûr, mais quand même !! Minusculement coincée entre deux monstres, la petite coréenne, Hyundai de son état, me fait signe de monter, plus exactement, son conducteur, le but premier de ce voyage étant une visite familiale, qu'on se le dise !!

Et nous voilà parti, pare chocs contre pare chocs, progressant lentement vers la sortie. Normal, sortie de parking. Et de s'engager enfin sur LA route. J'écris LA route car il n'y en a qu'une seule sur l'île...Et énormément de véhicules....Pare chocs contre pare chocs !! Environ une dizaine de kilomètres de bouchons prévus m'annonce mon conducteur, habitué et serein. L'occident me colle aux fesses, les sièges également. Un peu de clim ?? Bah, au point où on en est !!

Au fil du bitume nous menant vers notre logement, pas encore de plages paradisiaques, mais un défilé de tôles ondulées et rouillées, ponctué de vendeurs de fruits, à l'ombre de leurs camionnettes ou de leurs parasols, et puis....Des dizaines de supermarchés. Un tous les deux kilomètres. Achalandés comme chez nous. L'agroalimentaire est roi : États unis, Nouvelle Zélande, Australie, Europe, et bien entendu Chine. La bouffe de merde voyage plus facilement que les réfugiés, qu'ils soient climatiques ou politiques. Il nous faudra s'éloigner à plus de trente kilomètres de Papeete pour découvrir la vraie Polynésie, ses cocoteraies, ses plages blanches et ses magnifiques montagnes déversant leurs cascades perpétuelles.

Papeete !! Terrible... Ville nouvelle, construite il y a soixante ans, sans charme, sans âme. Du béton et de la tôle. Et le CO2 des véhicules cités plus haut. Embouteillages permanents, trottoirs défoncés, saleté criante, SDF broyés.

"Emmenez moi au bout de la terre" chantait l'autre..Tu parles !!

Mais avant tout, la gentillesse, gratuite, la nonchalance, reposante, la philosophie de vie, au jour le jour des Tahitiennes et Tahitiens. Les racines profondes, fortes, et immuables malgré la colonisation et l'horreur explosive exportée par la France sur ces petits confettis posés en plein milieu de cet océan, dit pacifique.

Et fatalement, une société à deux vitesses, voir trois.

Les touristes, souvent regroupés dans les fameux bungalows sur pilotis, fidèles aux dépliants touristiques des voyagistes. Les Américains et Australiens se montrant, sans surprise, les plus ignobles. Vus de mes propres yeux, si si...

Les popa'as, "roussis" en Tahitien, (souvent rouges en début de séjour)... Des métropolitains venus s'installer majoritairement pour quelques années, certains, à vie. Beaucoup de trentenaires/quarantenaires, pratiquant la coloc leur permettant de vivre dans les belles villas avec piscine et vue sur le lagon. Des salaires, également, souvent plus élevés que ceux des autochtones...

Et puis les locaux. Descendants des Maoris, arrivés en pirogues, guidés par les étoiles et le vol des oiseaux... Fiers de leurs îles, de leurs coutumes, de leurs dieux. Rattrapés par la concurrence du capitalisme, le nouveau dieu planétaire et malfaisant, venu les convertir à coups de cadeaux empoisonnés.

Loin de moi l'idée de les accabler, nous avons laissé la pieuvre prospérer dans nos contrées. Dommage et déprimant de retrouver cette abomination sur ces terres merveilleuses. Comme en Europe, une résistance existe, comme en Europe, minoritaire. Beaucoup de jeunes, beaucoup de laissés pour comptes, qui rejettent ce Babylone colonisateur. Peut être un espoir de ce coté là...

Un espoir également avec la centaine d'îles formant la Polynésie Française, d'une superficie de la taille de l'Europe. Tuamotu, Marquises, Gambiers, Australes," Les tropiques dans les tropiques"...Peu d'urbanisation, pas d’hôtels, moins de tourisme de masse. Juste quelques petites pensions, sans luxe ostentatoire et inutile, pour profiter pleinement des plages de sable rose, noir, blanc, (presque) vierges de toute pollution. Et les habitants de ces archipels bien décidés à ne pas succomber aux chants des sirènes destructrices, échaudés par l'exemple néfaste de Tahiti. Oui, des airs de paradis à sauver avant qu'ils ne soient perdus, absolument, de toute urgence, pendant qu'il en est encore temps.

J'écris, un peu désabusé, ce constat mitigé, presque indécent, contraire au "wahouuu!!" qui accompagne l'énoncé d'un voyage à Tahiti. Le questionnement aussi. Décortiquer le pourquoi d'aller si loin, si cher, si polluant. En tout cas, certainement pas via des agences de voyages et leurs complexes hôteliers, mannes financières pour de grands groupes, emplois sous payés pour les autres..

Un retour en demi teinte, mi figue mi raisin. Mi bananes mi mangues en l’occurrence, saveurs délicieuses, dégustées les pieds dans l'eau transparente, perdu au milieu de nulle part, souvent accompagnés de ukulélés perpétuant les chants Tahitiens d'hier ou de sound systems déversant les musiques d'aujourd'hui.

Un retour en demi teinte où les inégalités, la misère, les fumées des voitures obscurcissent le mythe de l'île tropicale fantasmée, comme un gage de belle vie, sereine, sous le soleil magique et apaisant.

Un retour riche des émotions, des rires, des danses, du partage, de ce peuple gentil, généreux, attachant. J'veux du love !!

Un retour riche de lieux magnifiques, incroyables, uniques.

Un retour qu'on ne désirerait jamais effectuer si......

Si le monde tournait autrement.

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