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Billet de blog 13 mars 2022

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L'espérance de vie a cessé d'augmenter - la retraite à 65 ans n'est pas justifiée

Augmenter l'âge de la retraite à 65 ans est une mesure anti pauvres, fondée sur une idée fausse que l'espérance de vie continue à augmenter. Elle va priver le milieu associatif de centaines de milliers de bénévoles et nuire à la cohésion territoriale.

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L'espérance de vie a cessé d'augmenter

Les hommes politiques qui souhaitent allonger l'âge du départ à la retraite se fondent en permanence sur l'augmentation de l'espérance de vie. Hors, en moyenne sur les 5 dernières années, l'espérance de vie à 60 ans a cessé d'augmenter en France et vient même de reculer.

Illustration 1
variation annuelle espérance de vie

L'augmentation est très faible sur les 10 dernières années, de seulement 4 mois pour les hommes et d'à peine plus d'un mois pour les femmes. Le taux de variation annuelle d'augmentation de l'espérance de vie n'a cessé de baisser depuis 20 ans.

Illustration 2
Espérance de vie à la naissance homme
Illustration 3
Espèrence de vie à la naissance femmes

De nombreux facteurs laissent penser que l'espérance de vie ne va pas repartir à la hausse sur la durée

Comment imaginer que l’espérance de vie reparte à la hausse en demandant aux français de travailler de plus en plus tard ce qui est déjà engagé par la dernière réforme des retraites ?

Les constats suivants peuvent plutôt amener à penser que l’espérance de vie ne va plus augmenter :

▪ Le stress et la fatigue au travail vont continuer à augmenter en lien avec:

    ▫ Le recul de l’âge de la retraite lié à la réforme en cours

    ▫ Le travail accru en soirée, de nuit et le week-end

    ▫ La perte de sens de certaines missions

    ▫ Les périodes d'activité fragmentées

    ▫ Le cumul de plusieurs activités et les heures supplémentaires pour ceux qui gagnent le moins et qui ont des emplois précaires

    ▫ Les difficultés d'accès aux soins pour les personnes les plus pauvres

▪ Les activités physiques pénibles sont plus usantes pour les personnes de plus de 60 ans

▪ Le changement climatique avec ses évènements de plus en violents comme les canicules de plus en plus fréquentes accroissent les décès de personnes âgées

▪ Les cancers du poumon augmentent chez les femmes

▪ L’obésité augmente dans la population

▪ L'impact des virus, bactéries et l'antibiorésistance va impacter à la hausse le taux de mortalité certaines années

▪ Les personnes qui ont des mauvaises couvertures santé ou absolument besoin de travailler hésitent à se faire soigner lorsqu'ils sont malades

▪ La vies est de plus en plus compliquée pour une partie des français qui  ont de plus en plus de mal à accéder à leurs droits à cause de la numérisation à outrance des services publics et la disparition des accueils physiques.

Près de 2 millions de personnes se tuent au travail dans le monde par an

Ce sont les données de l'organisation mondiale de la santé et de l'organisation internationale du travail. Le rapport indique que la cause principale est l’exposition à de longues heures de travail . Plus on demande à des personnes âgées de travailler dans des métiers difficiles soumis au stress, au bruit, aux vibrations, à l'effort physique et aux polluants et plus on va entraîner des risques sur leur santé qui vont diminuer leur espérance de vie.

Les plus pauvres seront les premiers touchés par l'augmentation de l'âge de la retraite

Cette mesure ne touchera pas la population la plus riche qui en général a fait des études supérieures et qui ne pourra pas percevoir sa retraite à taux plein avant 66 ou 67 ans (43 ans de cotisation pour un bac +5 pour des personnes qui sortent des études à 22-23 ans). Cette mesure touchera la population la plus pauvre qui a fait le moins d'études, qui a commencé à travailler avant 22 ans et qui exerce en général les métiers les plus pénibles.

Le 7 février dernier l'INSEE publiait une étude qui montrait qu'entre 2012 et 2016, l'espérance de vie à la naissances des 5 % des hommes les pauvres était de 71,7 ans soit un écart de plus de 13 ans avec les 5 % des hommes qui ont le plus de revenus et pour qui l'espérance de vie est estimée à 84,4 ans. Pour les femmes cet écart était de plus de 8 ans avec respectivement 80 ans pour les 5 % des femmes avec les plus faibles revenus et 88,3 ans pour les 5 % des femmes les plus riches.

Illustration 4
Différence d'espérance de vie à la naissance suivant les revenus

Les plus pauvres vont travailler plus longtemps et auront une retraite plus courte.

Ce sont aussi ceux qui gagnent le moins, qui passent beaucoup d'énergie pour accéder à leurs droits et qui ont les métiers les plus pénibles qui abiment leur santé.

Une espérance de vie en bonne santé qui tourne autour des 65 ans

Notons également que selon une autre étude de l'INSEE, l'espérance de vie en bonne santé était en France de 64,4 ans pour les hommes et 65,3 ans pour les femmes. Ce qui est proposé par certains candidats c'est donc que l'on parte en retraite non seulement avec une santé dégradée mais avec une retraite moindre pour ceux qui sont obligés de s'arrêter plus tôt.

Un impact prévisible à la baisse sur le bénévolat en France – un danger pour la cohésion territoriale

Selon une étude de France Bénévolat (page 5) le constat est également d'un engagement moindre au niveau bénévolat des plus de 50 ans dont une explication serait l'augmentation actuelle de l'âge de départ en retraite. Le passage à 65 ans, va avoir un impact énorme sur l'engagement des jeunes retraités qui jouent un rôle indispensable dans le milieu associatif de notre pays et qui ont un rôle important dans la cohésion territoriale. Les associations pourraient ainsi manquer de plusieurs centaines de milliers de personnes bénévoles par an d'une part par le maintien en activité jusqu'à 65 ans d'une partie de la population mais aussi au regard des problèmes de santé qui feront qu'ils auront de moins en moins envie de s'engager après 65 ans.

La priorité c’est de lutter contre le chômage et la pauvreté et pas de demander aux français de travailler encore plus longtemps.

C'est ce que demande la loi :

"La lutte contre la pauvreté et les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation". (Article 115-1 du code de l'action sociale et de la santé)

Si l'on se projette d'ici 2030, avec l'augmentation de la durée des cotisations qui passe progressivement à 43 ans et des études qui font rentrer dans la vie active plus tard, il n'y a donc aucune raison de changer quoi que ce soit au système actuel. Il oblige déjà les français à partir de plus en vieux ou à percevoir moins de retraites en partant plus tôt.

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