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Billet de blog 8 avril 2014

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Le piège des Européennes

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Ah les Européennes, quelle fantastique élection, inutile par essence elle est pourtant considérée par la plupart des courants politiques comme une élection majeure et d'importance qui permettrait "d'exprimer" une adhésion ou un ras-le-bol de l'Union Européenne.
Pourtant il faut absolument déconstruire les mythes, liés à cette élection et entretenues par nos médias

1°/ Les Européennes sont une élection défouloir qui favorise les votes "protestataires".

Faux et archi-faux ! C'est une antienne régulièrement assénée et pourtant, lorsque l'on analyse les scores des formations dites de "protestation" lors de ces élections, on remarque qu'au pire elles stagnent, au mieux elles régressent par rapport aux gros scrutins nationaux (ce qui est souvent le cas du FN). La preuve par les chiffres.

Européenne de 1979 : Seule la gauche radicale peut prétendre au titre de mouvement contestataire lors de ces élections, l'extrême droite étant encore inexistante. La gauche radicale dans toutes ses composantes cumule 23,60% des exprimés (20,52% pour le PCF et 3,08% pour LO) soit un score légèrement inférieur aux législatives de 1978 où elles atteignent 23,88% des voix (20,61% pour le PCF et 3,27% pour l'extrême gauche.)

Européenne de 1984 : Probablement la baisse la plus tangible pour la gauche radicale où elle passe, des présidentielles de 81, de 18,76% des suffrages (15,35% PCF et 3,41% pour l'EXG) à 14,18% pour les Européennes (11,21% PCF, 2,97% EXG), à noter que lors de ces élections le FN apparaît sur la scène politique avec 10,85%, seule élection européenne où il pourra se targuer d'avoir réalisé une "percée".

Européenne de 1989 : Encore une fois, on a droit à une baisse par rapport aux présidentielles de 88 où la gauche radicale réunit 11,23% des voix (8,86% pour PCF et son dissident, 2,37% pour l'EXG) contre 10,16% pour les Européennes (8,13% pour le PCF et son dissident, 2,03% pour l'EXG). Le FN est aussi proie à une baisse de points vu qu'il n'atteint que 11,73% contre 14,38% aux présidentielles.

Européenne de 1994 : Après la déroute historique de la gauche aux législatives de 1993, elle ne se ressaisit pas vraiment pour ces Européennes. La gauche rouge fait 9,59%, (6,89% PCF, 2,70% EXG), aux législatives de 93, pourtant jugées catastrophiques, elles avaient réuni 10,88% (9,14% PCF, 1,74% EXG). Le FN diminue également son score passant de 12,67% aux législatives à 10,52% aux Européennes.

Européenne de 1999 : On suit toujours le même schéma, avec cette fois deux comparatifs nationaux (présidentiels de 95 et législatives de 97). Les rouges cumulent 13,94% en 95 (8,64% PCF, 5,30% LO) et 12,46% en 97 (9,94% PCF et 2,52% EXG), quant au FN il atteint 15% dans les deux élections. Aux Européennes l'extrême droite s'effondre avec 5,7% pour le FN, 3,28% pour Mégret et on peut également compter Miguet qui tenait un discours anti-impôts aux accents poujadiste qui réunit 1,77%, soit un total pour l'EXD de 10,75%. Les rouges eux font 11,96% (6,78% PCF, 5,18% LO). Par-ailleurs cette Européenne fut le premier coup d'essai des envies "indépendantistes" de Larrouturou ou il fit chou blanc en ne réunissant que 1% des voix.

Européenne de 2004 : On prend les mêmes et on recommence, le FN subit encore une déroute, alors qu'en 2002 il atteint le second tour des présidentielles et cumule avec le MNR à 19,20% ils tombent à 9,81% pour les Européennes, 12,22% en comptant les petits mouvements d'EXD. La gauche radicale ne fait pas vraiment mieux avec 9,21%, LO et le LCR qui cumulaient 9,97% en 2002 chutent à 2,56%, le PCF améliore un peu son score en faisant 5,88% contre 3,37% aux présidentielles.

Européenne de 2009 : L'exception confirme la règle, lors de ces élections la gauche radicale augmente son score par rapport aux présidentielles de 2007 où elles réunissaient 9% des voix. Pour les Européennes LO et NPA font 6,08% contre 5,41% pour la présidentielle. Le Front de Gauche créé il y a peu réalise 6,48% contre 1,93% pour Buffet en 2007. Au total pour ces Européennes la gauche radicale monte à 12,26%. Le FN diminue encore en %, passant de 10,44% en 2007 à 6,34% en 2009, si on compte le total de la "droite de la droite" elles avaient réuni 13,82% en 2007, (Nihous + De Villier 3,4%), alors qu'en 2009 l'ensemble est de 11,14% (4,8% pour MPF/CNPT)

Au vu de ces chiffres on ne peut en conclure que l'élément suivant : non les Européennes ne sont pas des élections sujettes à protestation, au contraire les Européennes sont plutôt favorables aux partis européistes en général, ce qui n'est pas étonnant étant donné que ce sont nos concitoyens les plus favorables à l'Europe qui s'y déplacent. D'ailleurs l'intérêt et la confiance de la population vis-à-vis de l'Europe sont étroitement liés à la participation, plus la méfiance envers l'Europe s'est accrue plus l'abstention monte. De 60% de participation en 1979, on passe 30 ans plus tard à 40%.

Enfin les Européennes peuvent être toutefois une opportunité pour faire connaître des partis ou mouvements affiliés aux grands partis nationaux (PS, UDF et RPR puis UMP) ou en dissidence avec ces derniers. Comme c'est le cas avec les Verts en 89, Tapie avec le PRG en 94 ainsi que De Villiers avec une liste UDF dissidente la même année, Pasqua en RPR dissident en 99 et EELV en 2009.

2°/ Le PS joue gros pour les Européennes à venir.

C'est en force le message qu'essaye de faire passer plus ou moins tout le monde, le PS va se prendre une raclée. Hélas il n'en est rien, le PS pourrait même par habilité tactique réaffirmer son statut de première et principale force à gauche. Explication.

En effet lors de ces Européennes le PS va probablement prendre en comparaison les résultats de 2009, hors que voit-on ? Que le PS a fait un score misérable (16,48%), l'un des plus faibles de son histoire. Il n'y a pas beaucoup de chance que le PS fasse moins, il risque même d'atteindre un score autour des 18/20% ce qui serait un score "correct" pour ces élections, en effet le PS y a toujours réalisé un score autour des 20% (cas à part en 94 avec Rocard et ses 14% et 2004 où le PS fait 28%). Au contraire le parti qui a le plus à perdre à gauche est EELV qui avait réunit 16,28% en 2009, il y a fort à parier qu'il ne fera même pas un score à deux chiffres pour ces élections-ci, le FG lui va probablement améliorer son score, mais ça risque malheureusement d'être à la marge. En soi le meilleur scénario possible pour le PS serait un bon 20% des suffrages et aucun autre parti à gauche avec un score au-dessus de 10%, le PS se posera alors en "leader" de fait de la gauche. Le PS pourra aussi jouer avec le score de l'UMP, ce dernier avait atteint en 2009, après deux ans de pouvoir sarkozien, 28%, faire un score inférieur en 2014 alors qu'il est censé être dans l'opposition risque bien d'être relevé par les pontes solfériniens.

3°/ Le FN va tout ravager sur son passage.

C'est ce qui nous est répété en boucle depuis un certain temps, sondages à l'appui, mais les analyses des scores aux Européennes précédentes ne vont pas vraiment dans ce sens, notamment parce que ce sont les plus européistes qui votent à ces élections mais aussi parce que l'abstention massive désavantage, plus qu'il n'avantage, le Front National. Bien sûr, il est possible que le FN réussisse à mobiliser son électorat, même la moitié de ses électeurs de la présidentielle de 2012 (6,5 M) serait suffisant pour réaliser un joli score si l'abstention est de 50% ou plus.

Bref en conclusion ces élections vont probablement voir naître une abstention gigantesque, où tout le monde se comptera et cherchera à s'imposer comme le "succès" de ces élections, les médias en feront des tonnes sur la non-participation et le score du FN, le FG tentera probablement de faire passer son score décevant en réussite et le marigot centriste en profitera pour encenser "L'Europe"... On n'est pas sorti de l'auberge !

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