1961 : Bretagne. Je nais d'une maman (blanche) et d'un père (marron) absent mais pas renié.
Dans ma famille, donc, tout le monde est “blanc” et ma couleur noisette ne me valut jamais d’être traité autrement. C'est l'école primaire — ah ! douce innocence de l’enfance — qui s’est chargée de me faire comprendre que j’étais un “noir”. Mais ?! Je suis marron clair...
Daltoniens ?
Élevé au son de Piaf, Brel, Ferré, Brassens, mes grands-mères me faisaient des crêpes, des galettes et des ris de veau en vol au vent et, en dessert, une incroyable charlotte aux abricots (j’en salive encore). Je danse le Plinn, le Laridé et autres danses bretonnes mais souvent, au cours d'anodines conversations, je fus gratifié d’un subtil : “Chez vous au moins il fait beau...", voire d’un sibyllin : “Ah, vous, le rythme...”.
J’ai cherché un refuge homochrome, mais là on me fit souvent remarquer que je n’étais pas “noir”.
À l'instar d'un gros chez les maigres, j'ai avant tout été une apparence aux yeux de mes congénères. Je me suis senti proche des "Autres" : des filles dans un monde de mecs, des vieux dans un monde de jeunes, des ménagères de 50 ans chez celles qui le valent bien... Vous n'êtes pas pareil ?
Moi non plus.
2013 : La crise ?... La peur.
Et soudain la parole, brutale, accuse, stigmatise l’autre
Rom, homo, noir, arabe, musulman, juif, étranger, immigré...
Longue liste jamais à jour des responsables de nos problèmes
Le verbe devient banane, singe, voleur, fanatique, complot...
Diabolisant celui que l’on voue au gémonies
Diable a eu bien d’autres noms mais, par-delà le temps et les cultures, il reste le bouc émissaire, l’exclu, l’archétype de l’Adversaire, du Mal, l’ultime responsable de ce qui ne va pas.
(D’aucun prétendent que même Dieu serait de cet avis)
Je n’ai pas envie de dénoncer, singeant celui qui condamne
Je n’ai pas envie de combattre, utilisant l’arme de celui qui blesse
Je veux partager
Interroger l’altérité, la discrimination, la ségrégation, l’exclusion Partager avec vous le point de vue d’un autre
Aller à la rencontre de l’AUTRE.
Alors j’ai écrit “Le Maître des Ténèbres, Confessions d’un Ange Déçu”
... En gardant la banane
J’ai tenu à être au plus près de ce que l’on peut prétendre savoir de l’histoire de cet autre, éternel.
J’ai cherché sa parole. Cette parole étonne parfois, au point que l'on en vient à se demander
Si l’autre-là ne serait pas un peu comme nous.
Si nous ne serions pas un peu cet autre-là
Alors, doucement, sans en avoir vraiment conscience, sans souffrir
Nous voici sur l’autre rive....
J’ai eu la joie de jouer ce spectacle plus de deux cent cinquante fois. C’est une balade poétique, émouvante, truculente, au coeur de l’intime d’un Autre, un cri d’amour dans l’humour.
Un spectateur a écrit : “Ça fait du bien là où ça fait mal”.
On est tous la minorité de quelqu’un
Vincent Byrd Le Sage
http://www.byrdlesage.com