Le 4 février dernier, lors d’un cours de droit public à Draguignan (Var), Hélène Hurpy, maîtresse de conférence à l’Université de Toulon, autrice d’ouvrages et d’articles sur la protection juridique du corps, commente un tract trouvé sur son bureau, émanant du syndicat "La Cocarde étudiante".
Il s’agit d’une organisation classée à l’extrême droite, qui milite notamment pour la suppression des bourses d’excellence accordées aux étudiants étrangers.
L’universitaire analyse cette revendication comme allant à l’encontre de plusieurs textes fondamentaux, notamment l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er de la Constitution française. Et conclut "C’est pour cela qu’il y a des partis politiques qui sont à traiter en l’occurrence différemment d’autres partis politiques" -- un commentaire juridique à chaud, immédiat et professionnellement éclairé, des discriminations auxquelles ce tract appelle.
Alors qu’Hélène Hurpy ne mentionne pas le Rassemblement National, quelques heures plus tard, la députée RN du Var, Laure Lavalette, publie sur X (ex-Twitter) un extrait audio de ce cours, enregistré sans le consentement de l’universitaire, affirmant avoir reçu des signalements d’étudiants "scandalisés".
Sa publication déclenche une vague de cyberharcèlement à laquelle l’Université de Toulon réagit en accordant la protection fonctionnelle à l’enseignante ciblée, en réponse à la dangerosité de ses attaquants, tout autant qu’à l’illégitimité de leurs attaques.
On retrouve là une manière de procéder répandue à l’extrême droite : passage de relais entre les milieux étudiants fascisants et les réseaux fascistes, puis montée au créneau de députés d’extrême droite. Cette manière d’opérer est devenue une véritable stratégie d’occupation du terrain et d’intimidation au sein des milieux enseignants et universitaires.
Une fois de plus, on constate une atteinte aux libertés académiques d’une universitaire, qui était libre de procéder à une analyse critique du discours de ce tract, agissant en parfaite cohérence avec son champ de compétences, en tant qu’enseignante-chercheuse spécialisée en droit public.
Mais comment ne pas mettre en parallèle la violence de ces attaques contre une enseignante montrant l’illégalité de l’appel aux discriminations, et les propos récents d’un ministre de l’Intérieur, affirmant, dans un entretien de septembre 2024 au Journal Du Dimanche, le caractère « non sacré » et « non intangible » de l’État de droit ?
Dans ces conditions, enseigner le droit pourrait désormais impliquer de renoncer à la défense des droits, si l’on établit la convergence entre les attaques fascistes en faveur des discriminations, les menaces directes contre les enseignants qui transmettent l’esprit des lois républicaines et un ministère de l’Intérieur qui soutient, labellise, absout et blanchit par avance la violence de ces menaces par sa communication médiatique et ses directives