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Billet de blog 10 mars 2017

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Guatemala: justice pour les 36 filles mortes dans l'incendie d'un foyer

Qui a mis le feu? Qui les a enfermées? Qui les a violées? qui les a affamées? Qui les a mises enceintes? Crient 400 manifestants rassemblés devant le palais présidentiel ce 10 mars. Le 8 mars, les filles d´un foyer de Guatemala City se sont rebellées pour dénoncer les sévices qu´elles subissaient. Elles ont été enfermées. Le foyer a été incendié et 36 d´entre elles ont péri.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce post est la traduction d´un reportage paru dans la revue guatémaltèque Nomada

https://nomada.gt/las-razones-del-amotinamiento-de-las-ninas-del-hogar-seguro/

Pourquoi les filles du foyer se sont rebellées

Par Gabriel Woltke et Martin Rodriguez Pellecer-  nomada.gt

Le 8 mars 2017 des filles hébergées dans un foyer d´accueil se sont rebellées. Enfermées dans plusieurs chambres, elles auraient mis le feu à des matelas pour qu´on les laisse sortir.

Trente -six filles sont mortes dans l´incendie du foyer Hogar Seguro Virgen de la Asunción- « Foyer sûr Vierge de l´Ascension ».

Situé dans un quartier résidentiel de Guatemala City, à six kilomètres de la route qui mène au Salvador, le foyer se trouve au sommet d´une colline. Le paysage de forêts et de ravins a sans doute favorisé la fugue de centaine de filles et de garçons de ce foyer.  

 Pour quels crimes ont été enfermés ces filles et ces garçons ?

Certains avaient été recrutés par des gangs pour voler, racketter et assassiner. D´autres vivaient dans la rue ou au sein d´une famille violente. Des filles avaient échappé à des réseaux de traite. Il y avait aussi des enfants handicapés. D´autres enfants y étaient nés, fruits de viols des adolescentes du foyer par leurs camarades de classe ou des professeurs ou encore des employés du ministère des affaires sociales (…) 800 bébés, enfants et adolescents vivaient au Hogar Seguro Virgen de la Asuncion  alors que le foyer ne pouvait en accueillir que cinq-cents

Ce mercredi 8 mars à onze heures du matin des proches sont venus aux nouvelles. Une femme les a rejoint, elle a les yeux gonflés. Nous lui demandons si elle recherche un enfant et elle répond que non, qu´elle est venue en voisine. Elle ajoute que la veille elle était déjà passée car on lui avait signalé une émeute au foyer : « Les filles jetaient des pierres aux professeurs et aux policiers en leur criant : Violez-nous ici devant tout le monde. Violez- nous donc ici si vous voulez remettre ça ! »

Elle poursuit : « Les filles se rebellaient. Ceux qui vivent dans les parages savent bien que ce foyer est un enfer. »

Quatre mois avant l´incendie, dans l´édition d´octobre 2016 de Plaza Publica, un reportage de José David Lopez dénonçait les violences sexuelles qui avaient lieu dans ce même foyer.

Reportage à lire en espagnol: www.plazapublica.com.gt/content/el-refugio-del-que-los-ninos-huyen

« Vous ne sortirez pas d´ici tant que vous ne m´aurez pas taillé une pipe ». Ainsi s´est adressé le professeur Edgar Rolando Dieguez Ispache à ses élèves de douze et treize ans. Aucun n´a réussi à sortir de la classe située dans le foyer sans avoir subi les sévices. D´après ce reportage ce même professeur demandait à ses élèves filles et garçons de marcher nus devant tout le monde.

Le reporter a consulté les vingt huit plaintes qui avaient été déposées, on peut y lire que le maçon José Roberto Arias Perez a violé une fillette handicapée, qu´un travailleur dénommé Joseph sortait des filles du foyer pour les violer.

Le professeur Dieguez Ispache est en attente d´être jugé. Arias Perez a été condamné à huit ans de prison. Joseph serait encore employé par le foyer (…) 

« Hier on m´a autorisé à rendre visite à ma fille. C´est dans le bus que j´ai appris qu´ils les ont brûlées. » Socorro s´est appuyée contre une voiture de police. Elle est arrivée au moment où les pompiers sortaient les corps. Cela fait trois heures qu´elle est sur place et personne ne lui encore donné de nouvelles.

Un travailleur social est venu prendre les noms des proches. Il revient avec ceux des victimes, parfois avec une photo. Un homme saoul qui tient à peine debout lâche : Pourquoi l´appelaient-ils le foyer Seguro ? S´ils n´ont pas pu prendre soin de mon fils?

Les proches des victimes viennent de familles pauvres souvent dysfonctionnelles : A un mètre à peine du ravin, deux enfants d´un an et demi jouent pendant que leurs parents qui n´ont pas plus de 18 ans parlent d´un match du FC Barcelone. L´un des enfants tombe, se cogne la tête contre une voiture et pleure. Ses parents ont assisté à la scène mais ils continuent leur discussion. L´autre enfant qui marche à peine, l´entoure de ses bras et l´aide à se relever.

Le soir même une conférence de presse se tient au palais présidentiel : Les adolescentes étaient punies pour extorsion. Elles avaient des objets coupants cachés dans leurs cheveux. Nous avons épuisé toutes les tentatives de dialogue avec ces filles. Nous ne pouvons pas accepter le rapport qui affirme que ce foyer est un poulailler où l´on torture les enfants. La mauvaise nourriture qui a provoqué l´émeute, n´était pas une cause valide. Il n´y a pas eu de négligence. En tant que ministre des affaires sociales, je ne vais pas présenter ma démission. Hier soir, le président a ordonné à la police de ramener les soixante adolescents qui ont fugué du foyer. Le problème c´est que les juges confondent les enfants délinquants avec les enfants abandonnés. Nous demandons à la justice d´enquêter mais pour l´instant nous n´accusons personne. Le Président n´est pas venu à la conférence, il devait régler d´autres d´affaires plus urgentes pour la nation. Je déclare cette conférence de presse terminée.   (…)

Douze heures après le drame des femmes se sont réunies sur la place de la Constitution pour le 8 mars. 770 femmes ont été assassinées en un an, pour chacunes elles ont allumé des bougies. Pendant ce temps à l´hôpital, trois filles du foyer succombent à leurs brûlures.   

 A lire aussi en espagnol: https://nomada.gt/el-primer-velorio-y-todas-las-preguntas-sin-respuesta-nosfaltan36/

www.plazapublica.com.gt/content/el-refugio-del-que-los-ninos-huyen

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#Nosfaltan36 © @nomadagt

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