Je pensais ne plus retourner au Cinéma. En cause le cinéma français et ses exploitants....En dehors des Audiard, Kassowitz ou Hazanavicius, la production multiplie les divertissements ratés et surtout, surtout, les huis-clos surranés dans des appartements bourgeois où la dispute rivalise aux jeux de mots fatiguants... Le Prénom par exemple... Film où Patrick Bruel surjoue tellement un personnage que l'on sort du non-spectacle assailli de doutes sur la possibilité d'une possible relève tant cette génération se pense immortelle.....Et c'est sans compter sur les dégâts causés en partie par Canal Plus ou les Chabatepitreries devraient se jouer sans Chabat l'ancien talentueux cousin d'Alain Corneau.
Côté exploitants, c'est l'insupportable initiative de Pathé qui a réinventé la première classe où l'on paye plus cher les places selon que l'on allonge ou pas les pieds...nous privant ainsi du plaisir à se retrouver tous ensemble, nus, dans une salle obscure troublés, parfois, par la beauté des images.
"Mud" venu d'Amérique est singuliérement venu éclaircir mon horizon. Le hasard d'une affiche posé au fronton du cinéma des cinéastes m'a invité à recroiser les jambes face au grand écran. Et que ne fut pas mon émotion, mon bouleversement devant ce film réalisé par Jeff Nichols (34 ans) ou nous prenons à pleins poumons l'air au large des Bayous du pays cajun. Le philosophe américain protestataire et écologiste avant l'heure Thoreau (19ème siècle) n'est sans doute pas étranger à cette histoire d'enfants merveilleusement inerprétée par Tye Sheridan (Ellis) et Jacob Lofland (Neckbone). Travaillés par leur adolescence ils éprouvent jusqu'aux dernières extrémités la confiance que le monde des adultes leur inspirent. Et c'est là, dans le secret de l'île aux trésors, qu'ils vont rencontrer un fugitif: Mud. Le film aurait pu tourner court dans une espèce de confrontation où les poncifs de la peur auraient rivalisé avec la moquerie ou la cruauté des deux adolescents. C'était oublier l'extrême vérité des personnages, le Mississipi, le golfe du Mexique, la force du scénario qui sont venus apporté à Mud magnifiquement interprété par le "seanpennien" Matthew MacConaughey (44 ans) une folie, une épaisseur, un souffle romantique prémices, peut-être, d'une culture vaudoue blanche. Tout est vrai dans ce film. Les sentiments, la mise en scène qui redonne au cinéma son illusionisme l'espace de 210 minutes pendant lesquelles je me suis mis dans la peau de chacun des comédiens. Avec le très beau "Take shelter" réalisé l'an passé avec Michael Shannon (38 ans) et Jessica Chastain, Jeff Nichols explore les tréfons de l'âme et l'humanité faite de curiosité et de respect. Il redessine les images avec un fil à plomb où la caméra bouge souvent à la verticale pour s'ouvrir grand champ et nous donner le gout de l'intrusion dans la vie des personnages.
Jeff Nichols, enfin, a fait école puisque derrière lui un tout jeune cinéaste de 29 ans, Sean Durkin, en réalisant le très épuré "Martha Marcy May Malenen" avec Elizabeth Olsen (24 ans) nous a transporté dans l'univers des sectes. En mettant à l'écran Sarah Paulsen, soeur de Martha, actrice des nuances et de l'effacement, il nous fait douter jusqu'au bout de l'impossibilité qu'ont les âmes fragiles à sortir des griffes de leur "nouvelle famille". Sarah Paulsen se retrouve dans "Mud" aux côtés du très important Tom Blankenship joué par Sam Shepard (70 ans) l'inoubliable interprète de "l'affaire Pélican" tourné par Alan Pakula en 1983.
Cette nouvelle génération de cinéastes et d’acteurs américains m'a redonné le goût du large. Mais attention….Un nouvel Hollywood doit naitre enfin. Pour échapper aux éternelles Majors….Afin que ces cinéastes se sentent moins isolés les uns des autres…..Et ainsi ne plus jouer les francs-tireurs de génie comme Quentin Tarantino ou sombrer (temporairement) dans l’oubli comme James Gray auteur de "Two Lovers" consacré par les Inrockuptibles comme l’un des 100 films les plus importants de la décennie 2000/2010. Mais en ont ils seulement envie? Dans cette Amérique aux valeurs si sujettes à où le succès d'un film se juge aux millions de dollars qu'il rapporte en remplacement de la notion même de nombre d'entrées.......