Camille Lefèvre (avatar)

Camille Lefèvre

Abonné·e de Mediapart

76 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 février 2012

Camille Lefèvre (avatar)

Camille Lefèvre

Abonné·e de Mediapart

LE GRAND DOSSIER DE L'ULTRALIBERALISME, IV , Le Thatchérisme, deuxième partie

Camille Lefèvre (avatar)

Camille Lefèvre

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le tournant néo-libéral : Le tatchérisme (2e partie)


On voit donc bien que les Blundell et autres Thiériot tronquent, sciemment ou non, l'ampleur réelle de la pauvreté, de l'inégalité par des arguments fallacieux, par une réthorique dictée par l'idéologie et sans commune mesure avec la vie concrète des existences de ceux qui la subissent. Nous venons de le voir pour la pauvreté, nous allons le voir maintenant dans différents domaines, au travers des actions du gouvernement conservateur de Thatcher, de manière chronologique : - 1979, 12 juin : le gouvernement Thatcher baissent le taux d'imposition des plus hauts salaires. Il passe de 83 à 60 % (et plus tard il passera à 40 %) et les plus bas de 33 à 30 % (et plus tard, jusqu'à 20 %) et établit une TVA à 15 %. L'impôt sur les sociétés passera de 53 à 33 %. Dès le départ, Thatcher donne le ton libéral de sa politique : Enrichir les riches et faire payer les humbles avec un impôt inégalitaire comme la TVA. "Durant les années 80, 1 % des contribuables recevait 29 % de tous les bénéfices dus aux diminutions d'impôts, de telle sorte qu'un célibataire gagnant la moitié du salaire moyen voyait ses impôts augmenter de 7 %, alors qu'un célibataire gagnant 10 fois le salaire moyen avait une réduction de 21 %."


extrait de : http://www.france.attac.org/spip.php?article407


Cette réforme de la fiscalité a été en partie inspirée par Arthur Laffer, professeur d'économie à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA). En 1974, il explique à ses étudiants au cours d'un repas qu'un taux fiscal élevé conduit, à partir d'un certain seuil, une diminution des recettes fiscales. Sur une serviette en tissu il dessine une courbe devenue célèbre sous le nom de courbe de Laffer, mais dont le principe avait été théorisé au moins depuis Ibn Khaldûn au XIVe siècle.

"A la fin des années 1970, Arthur Laffer a tenté de théoriser ce qu’il appelle « l’allergie fiscale ». Le principe est simple. A partir d’un seuil de prélèvement, les citoyens ont le sentiment de travailler plus pour l’Etat que pour leur compte personnel et par voie de conséquence, réduisent leur activité d’où, et c’est aisé à comprendre, une baisse des recettes. C’est ce qu’on appelle un effet paradoxal. En voulant augmenter l’assiette des impôts, l’Etat finira par avoir des recettes réduites. Cette démonstration est hélas fallacieuse car elle ne tient pas compte de multiples contextes. D’abord la rationalité infaillible des agents économiques. Ensuite, l’ouverture des frontières ainsi que la structure du marché du travail encadré. Prélèvements ou pas, le salarié qui a signé pour 35 heures en fera 35. La « démonstration » de Laffer a plus servi une rhétorique offensive contre les impôts et la puissance de l’Etat que comme un outil de gestion politique efficace. D’ailleurs, qui connaît ce seuil ? A une époque récente, certains pays scandinaves ont prospéré avec un taux de prélèvements approchant les 70 %. En plus, aucun consensus ne règne parmi les économistes et un certain Joseph Stiglitz est près de penser que cette courbe de Laffer est une vaste fumisterie, sans fondements empiriques. Partout dans le monde, on trouvera quelques situations allant dans ce sens. Sous Reagan et sous Thatcher, la baisse des tranches d’impôt maximales fut associée à une petite remontée des recettes fiscales. Encore faut-il savoir quelle est la politique fiscale complète. En France, admettons que je baisse les tranches d’imposition supérieures. Ensuite, un point d’augmentation de la TVA et hop, le tour est joué, les recettes ont augmenté. Le président Sarkozy semble s’accommoder du « principe de Laffer » et s’en inspirer."


extrait de : http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-avenir-s-est-noye-dans-les-39377

- 1979 -1990 : 20 % de la population active, selon l'OCDE, ne sont plus couverts par des conventions colectives.

- 1980 : Employment Act (Loi sur l'emploi) : Il réglemente la pratique des piquets de grève , les ateliers fermés (closed shop), et interdit les grèves de solidarité (impossibilité d'associer aux grèves des salariés d'une autre entreprise).

Housing Act (Loi sur l'emploi), dont le but était de créer une démocratie de propriétaires (property-owning democracy) : "Un des piliers de cette stratégie a été l’application de la loi sur le logement votée en 1980 (Housing Act) qui introduisit le tristement célèbre droit de rachat du logement social par leur locataire (right to buy). Le " right to buy " encouragea alors vivement les collectivités locales à mettre en vente une partie de leur stock immobilier en accordant aux locataires en place des prix de faveur et des facilités de paiement afin d’accéder à la propriété. Ce droit fut renforcé en 1986, où l’on autorisa la vente de tous les logements publics. Le succès fut considérable. De 1979 à 1997, 1 284 000 logements, soit 24,6 % du parc immobilier public, furent ainsi privatisés. La part des logements locatifs publics dans le stock immobilier total passa ainsi de 33 % à 20,6 % entre 1980 et 1996. Ces ventes ont inégalement touché les différents ensembles de logements sociaux, en révélant une véritable hiérarchie. Les logements les mieux situés (qualité du bâti, environnement social…) retinrent le suffrage de leurs locataires qui se les approprièrent à des prix très accessibles. En revanche, ceux situés dans les quartiers en pleine " dépression " restèrent dans le domaine public et sont devenus des lieux où se " gère " la pauvreté. Couplée à la loi sur le logement de 1988 qui dérégula les prix de la location dans le secteur privé, Londres, par exemple, vit les prix de ses logements doubler entre 1985 et 1989. Dans le même temps, les subventions aux collectivités locales versées par le gouvernement pour financer la construction de nouvelles habitations publiques se réduisirent vertigineusement. Le " Housing Act " de 1980 eut aussi pour conséquence de laminer le montant des subventions qui chutèrent de 1 667 millions à 464 millions de livres entre 1979 et 1987. Par conséquent, la construction annuelle de logements sociaux s’effondra entre 1979 (79 000 logements bâtis) et 1993 (1 200 logements bâtis). Le marché du logement est alors devenu de plus en plus inégalitaire, la part de la population la plus démunie continuant de se loger dans les établissements gérés par la ville, faute de mieux*. Notons aussi la poussée symptomatique de ces " Housing Associations ", organismes à but non lucratif qui ont été désignés par les gouvernements conservateurs comme le " troisième bras " du secteur immobilier, aux côtés des formes publiques (Council Houses) et privée du " propriétariat ". Elles tendent à remplacer le secteur en déclin de la location privée, qui traditionnellement offrait des loyers abordables aux personnes de peu de revenus. Ce renversement s’est effectué suite à une loi de 1974 qui autorisa l’allocation de fonds publics à ce secteur. Entre charité et privatisation du logement social, les Housing Associations, qui ne peuvent proposer des loyers du niveau où se situaient ceux du public, possèdent aujourd’hui près de 10 % du parc immobilier national alors qu’elles ne comptaient que pour 1 % en 1980. * 1,5 million de personnes sur liste d'attente en 1987 pour les logements publics. Les loyers municipaux augmentèrent de 109% de 1979 à 1983 (Townsend soulignait en 1979 " les pauvres paient plus que les riches pour leur logement "), NDE Enfin, pour nombre de ménages, le rêve d’accéder au statut de propriétaire de son logement est devenu un piège financier insoutenable. L’instabilité économique, la difficulté de garder un emploi à plein temps sur une longue période ont conduit les familles à ne plus pouvoir tenir leurs engagements financiers. En 1996, on a comptabilisé 40 000 situations de familles endettées au point de ne plus pouvoir rembourser leur prêt sur hypothèques. Plus grave encore, on a évalué en 1981 à 3 000 cas le nombre de réappropriation de logement par les sociétés de crédit (Building Societies). En 1991, cette débâcle touche 75 000 personnes. Ainsi, entre 1991 et 1994, les Building Societies se sont réapproprié au total 250 000 habitations de ménages débiteurs. En d’autres termes, ce sont 600 000 personnes qui ont perdu leur lieu de vie. L’exemple anglais exposé ci-dessus nous amène à considérer autrement les propositions de MM. Bartolone et Madelin. Car s’il paraît juste de faciliter l’accès à la propriété d’un locataire d’un logement HLM, cette privatisation réduit le parc de logements publics. Cette réduction a pour conséquences d’entretenir le mythe de l’accession à la propriété comme panacée, d’accentuer une ségrégation socio-spatiale révoltante, d’encourager la spéculation foncière et immobilière. Enfin, il deviendra de plus en plus difficile de choisir le mode d’occupation de son logement. Soit on sera contraint d’accepter un logement social dégradé dans des poches d’exclusion, soit on sera obligé de se placer, aussi bien en accession à la propriété ou en locatif, dans un marché libéral du logement, aux prix prohibitifs et aux critères de sélections inavouables."


extrait d'un article de l'Humanité du 06 novembre 2001, signé de William Le Goff, chercheur au Centre de recherches sur les espaces et les sociétés (CRESO), université de Caen et Sylvain Delaloy, chercheur à l’Institut français d’urbanisme (IFU), Paris-VIII, édité sur le site web du journal à l'adresse : http://www.humanite.fr/2001-11-06_Tribune-libre_-Logement-social-le-modele-Thatcher-Par-William-Le-Goff-et
- De 1980 à 1986 : Affaiblissement progressif des Wages Councils (Conseils Salariaux). Ceux-ci, "instaurés
par le gouvernement libéral en 1909 avaient le pouvoir de fixer des minima salariaux ainsi que des régimes d’heures supplémentaires ou de congés payés, dans certains secteurs où les salaires étaient reconnus comme « exceptionnellement bas », notamment dans le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, mais aussi l’agriculture."
extrait : http://www.ires-fr.org/IMG/File/C103-8ru.pdf


Thatcher supprime les minima salariaux, empêche de poursuivre en justice un employeur pratiquant des salaires inférieurs à ceux fixés par les Conseils. En 1986, les salaires des moins de 21 ans sont aussi dérèglementés. Hormis l'agriculture, les Conseils Salariaux sont dissous. Les syndicats ont participé largement à ce démantèlement, pensant longtemps que le salaire minimum était une mauvaise chose. Cette flexibilité accrue du travail va certes faire diminuer le chômage, mais certainement pas les inégalités, dont voici un tableau parlant (sur la base du coefficient reconnu de Gini, du nom d'un statisticien italien, Corrado Gini) , aussi bien pour la période conservatrice que les suivantes, travaillistes, et néanmoins dignes successeurs et continuateurs du démantèlement de l'Etat et pourvoyeurs d'injustice sociale :

graphique extrait de : http://www.ires-fr.org/IMG/File/C103-8ru.pdf

- 1981 : premières grèves générales de la fonction publique de plusieurs semaines, pour défendre les salaires : Le gouvernement dénonce le conflit d'arbitrage qui permettait de négocier bon an mal an les salaires : 6 % d'augmentation obtenus alors que celle du coût de la vie était passée de 18 % en 1980 et 11,9% en 1981. Pour les fonctionnaires de l'Etat, Thatcher promeut le mérite l'augmentation individuels, les services rendus au sein des administrations publiques, la concurrence du privé.

- 1982 : loi réprimant les grèves sauvages : la loi met en place tout un arsenal pour permettre aux employeurs d'empêcher, de limiter ou de retarder les actions revendicatives. Les amendes pleuvent sur les syndicats qui se mettent en porte-à-faux avec la législation : de mai 1983 à juillet 1985, ils ont payé plus d'un million et demi de livres de dommages et d'amende.

- 1983 : Le gouvernement Thatcher dénonce la convention 94 du BIT (Bureau International du Travail) établie en 1949 et relative à la protection des travailleurs du secteur public. Il abolit la Résolution sur l'équité des salaires (Fare wages resolution), adoptée par le Parlement en 1893. Guerre des Malouines (Falklands War).

- 1984 : Trade Union Act, loi qui exige de voter à bulletin secret pour décider de la grève, choisir les dirigeants syndicaux, décider du don des fonds des syndicats aux partis politiques. Cette loi oblige aussi les dirigeants syndicaux à renouveler leur mandat tous les cinq ans auprès de leur base. Privatisations massives : International Power, Enterprise Oil, British Telecom, Sealink, Jaguar, Landrover,
British Nuclear Fuels, une partie de British Steel et de British Shipbuilders, etc.

- 1986 : Wages Act (Loi sur les salaires), le gouvernement Thatcher dénonce la convention 26 de l'OIT (Organisation Internationale du Travail). La loi exclue du domaine de compétence des conseils les salariés de moins de 21 ans, "ne permet aux conseils que d'imposer un seul taux de salaire minimum sur la base du temps de travail hebdomadaire, un seul taux d'heures supplémentaires et une limite pour les frais divers (accommodation charge). Une procédure simplifiée pour la suppression des conseils a été inscrite dans la loi. (...) Une étude réalisée neuf semaines après la suppression des conseils en août 1993 a montré qu'il y avait eu une érosion substantielle des salaires minima payés dans les secteurs qui étaient préalablement soumis aux directives des conseils (Note 34). Un employeur qui ne se conformait pas à une ordonnance était passible après condamnation de payer jusqu'à deux années d'arriérés de paie aux travailleurs lésés et une amende supérieure à 200 livres. Bien que la mise en oeuvre de ces dispositions relevait de l'Inspection salariale, du Département de l'emploi, en réalité, les sanctions étaient très peu appliquées. Il a été souligné que très peu d'employeurs étaient poursuivis et que les «sous-payeurs» n'étaient habituellement pas poursuivis pour leur première infraction. Le nombre d'inspecteurs des salaires a été réduit après 1979, et il a été estimé qu'en conséquence un établissement assujetti à la directive d'un conseil des salaires pouvait s'attendre à une inspection tous les 12 à 14 ans. Aussi, même avant la suppression officielle des conseils des salaires en août 1993, les gouvernements conservateurs des Premiers ministres Thatcher et Major avaient pris certaines dispositions pour limiter leurs pouvoirs en amendant la législation et en réduisant les moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches(Note 35).
extrait de : http://ilo-mirror.library.cornell.edu/public/french/dialogue/govlab/admitra/papers/1998/consult/uk/ch3.htm
Note 34:
«What price abolition?: A survey of pay rates in former Wages Council sectors», Low Pay Network, Low Pay Unit, Manchester (non daté). Note 35:
M. Terry, L. Dickens: Communautés européennes. Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail. Glossaire du droit du travail et des relations du travail au Royaume-Uni et au Luxembourg (Londres, Sweet and Maxwell, 1991), pp. 218-219.
Social Security Act ou Fowler Act (Loi Fowler) : Le secrétaire d'état à la santé Norman Fowler veut supprimer le système de retraite (State Earnings Related Pension - SERPS, assurances vieillesse) mais son coût public exorbitant le fait reculer. A la place, il permettra aux employeurs de ne pas affilier leurs employés à ce système et il ouvre la porte des retraites complémentaires qui peuvent prendre différentes formes (contracted-out shemes) : c'est le début du système par capitalisation, cher aux libéraux, nous y reviendrons. Par ailleurs les pensions de retraite sont désormais calculées sur la base du salaire moyen de toute la période d'activité d'un salarié et non plus en fonction des 20 meilleures années travaillées. Par ailleurs, les travailleurs qui souscrivent à des fonds de pensions privés bénéficient d'abattements fiscaux : Faibles montants des pensions de vieillesse, capitalisation de leurs fonds, encore une fois : on a là un système minimaliste dit beveridgien (du nom de Lord Beveridge, qui en a la paternité) ou encore résiduel. "Lorsque Thatcher et les conservateurs arrivèrent au pouvoir, en 1979, l’une de leurs premières mesures fut d’indexer le montant de la retraite d’État non plus sur le salaire moyen mais sur l’indice des prix. Au cours des années suivantes, les indices officiels firent l’objet de diverses manipulations, tant et si bien que cette mesure apparemment anodine, entraîna une réduction de la valeur de la retraite d’État de 23 % du salaire moyen en 1978 à 16 % aujourd’hui (car les travaillistes se sont bien gardés de rétablir l’indexation de la retraite d’État après leur retour au pouvoir), soit une réduction de pouvoir d’achat d’un tiers en vingt ans d’après la Convention Nationale des Retraités, une organisation de retraités militante présidée par l’ancien leader du syndicat des Transports, Jack Jones. En outre, avec le chômage et la généralisation du travail précaire, la proportion des retraités qui n’ont pas assez d’années de travail (une année ne compte que si elle est entièrement travaillée) pour toucher le taux maximum augmente."
extrait : http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/grande-bretagne-main-basse-sur-les

"Dans les secteurs sociaux comme la protection sociale, l’éducation, la santé, les réformes thatchériennes ont visé à introduire des marchés internes ou des mécanismes de type marché au sein des organisations. Le but était d’augmenter le choix du consommateur souverain. Les prestations monétaires ont ainsi été remplacées par la distribution de « bons » (vouchers), afin de donner au consommateur la possibilité de choisir son fournisseur, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé. Bien que largement débattue, cette mesure a en réalité été peu appliquée."

http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2007-2-page-116.htm


La situation se dégrade pour les familles monoparentales car la loi remplace certaines allocations par des prêts. Le Fonds Social créé (Social Fund) à cet effet oblige les femmes inscrites aux bureaux d'assistance à se présenter le lendemain de l'offre d'un poste vacant et à prouver qu'une tierce personne peut s'occuper immédiatement de leurs enfants en bas âge : Ces contraintes ont fait disparaître artificiellement plus de 100.000 femmes du nombre des chômeurs. En 1988, le Social Security Act supprime le droit à l'income support pour tout jeune qui refuserait de s'inscrire à une formation (Young Training Scheme) et en 1989, à tout chômeur refusant un emploi, même pour salaire insuffisant.
Nicolas Duvoux, Maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Descartes, membre du Cerlis - Centre de recherche sur les liens sociaux (Paris Descartes / CNRS), évoque cette politique paupérisante en écho à la réforme française du RSA : "A plus long terme, ne risque-t-on pas d’évoluer (de dériver ?), comme cela a été le cas au Royaume-Uni depuis le début des années 1980, vers une forme d’assistance déguisée par la diffusion très importante du statut d’handicapé social, alors même que cette évolution est en contradiction totale avec la rhétorique conservatrice qui l’a accompagnée, notamment sous les mandats de Margaret Thatcher ?

extrait de : http://www.laviedesidees.fr/Les-impenses-d-une-reforme.html


1988 : Education Reform Act (ou Baker Act, du nom de Kenneth Baker ministre de l'Éducation) : Il n'y a aucune raison que ce qui s'applique à la santé, à l'emploi, au logement, etc. ne s'applique pas aussi à l'éducation. Pour les ultralibéraux, il y a d'un côté les fournisseurs (providers) d'éducation et de l'autre les consommateurs (consumers), l'école est un marché comme un autre où on doit pouvoir mesurer les performances, sanctionner les mauvais acteurs, récompenser les meilleurs, au travers d'un palmarès (league tables) calculé lors de tests nationaux. Corrélé à cela, la suppression de la carte scolaire permet aux parents consommateurs de choisir l'établissement de leur choix : le client est roi, n'est-ce pas ? Selon une logique de marché et de rentabilité, toujours, Thatcher avait freiné dès 1981 les budgets des universités (de 15% sur trois ans) et commencé à rationnaliser leur fonctionnement de la même manière qu'on le fait d'une entreprise : autonomie, concurrence, suppressions de formations non-rentables, politique managériale de recrutement, augmentation progressive des frais d'inscription, d'abord des étudiants étrangers, puis des étudiants britanniques, qui aboutit à une sélection par l'argent et non par les aptitudes. Le nouveau Conseil du Financement Universitaire (Universities Funding Council) contrôle le budget des universités et il est composé par moitié de non-universitaires : c'est une manière de lutter contre un corporatisme, après avoir lutté contre les syndicats. Des contrats sont établis entre l'Etat et les Universités mises en concurrence dans des appels d'offre ( Exercice d’Evaluation de la Recherche (Research Assessment Exercise), depuis 1986) et ces dernières sont appelées à chercher des sources de financement publiques ou privées pour leurs recherches, sans compter le développement du lobbying à leur profit au sein des institutions européennes, pour combler le manque à gagner des budgets publics. La précarisation commence à toucher aussi les universitaires : ils n'ont plus d'emploi stable mais des contrats à durée déterminée : les embauches courtes et à temps partiel se développent et précarisent. La culture du résultat et de la performance se développe : les étudiants dans la recherche sont incités à noter leurs professeurs et la qualité de leur enseignement.

Devant ces constats, nous pouvons maintenant revenir à la réthorique de Blundell et de Thiériot, si emblématiques du discours ultralibéral ou néocapitaliste entendu un peu partout. Leur discours est en fait une caricature de la réalité : puisque les chômeurs sont bien moindres, et que les gens travaillent, puisque la croissance est soutenue, que le capitalisme est devenu populaire, qu'il y a plus de libertés, de responsabilités individuelles, c'est que le pays va mieux. Or, ce n'est pas le cas pour des millions de gens, et l'idéologie libérale n'y voit aucun inconvénient. Nous l'avons dit, les ultra-libéraux l'avouent en substance, rarement de façon brutale : la pauvreté n'a rien de choquant, l'inégalité est naturelle, nécessaire. Notre brave ministre du budget Eric Woerth ne le disait-il pas en aparté à Cécile Duflot (selon les propos de cette dernière sur France Inter, le 11/05/10) ? La secrétaire nationale des Verts et chef de file d'Europe Ecologie, rapporte que le ministre affirmait, en substance, "qu'il y a des gens qui ont les yeux bleus, d'autres les yeux noirs, il y a des riches, il y a des pauvres, c'est comme ça." Il y a des moments où le langage du coeur vaut tous les discours, tous les pesants essais didactiques. Vous n'entendrez jamais le néolibéral oser avouer ainsi le fond de sa pensée à des millions de gens devant leur écran cathodique. Mais au travers de tous ses efforts, tout son lobbying, toute son action, elle transparaîtra d'une manière ou d'une autre.

Sources :

- http://www.canalacademie.com/Margaret-Thatcher.html

- http://www.france.attac.org/spip.php?article407

- http://www.voltairenet.org/article12761.html#nb5

- http://www.alternatives-economiques.fr/margaret-thatcher-ou-la-dame-de-fer-et-du-laisser-faire_fr_art_834_42844.html

- http://www.innovation-democratique.org/Margaret-Thatcher.html - http://www.clesactu.com/Archives/FXB/Delaprecarite2.htm

- http://www.evadoc.com/doc/1854/madame-thatcher-par-philippe-chassaigne

-http://www.miroirsocial.com/actualite/comment-les-entrepreneurs-de-croissance-plus-se-verraient-ils-gerer-les-effectifs-sans-code-du-travail

- http://www.humanite.fr/1993-07-03_Articles_-Les-annees-Thatcher - http://www.ires-fr.org/IMG/File/C103-8ru.pdf

- http://agreg-ink.net/sahai/povechro.html - http://www.travail-solidarite.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/34_2875.pdf

- http://www.helsinki.fi/science/xantippa/wle/wlf22.html - http://www.economie-politique.org/SO09/retraite%20europe.pdf

- http://www.polyconomics.com/gallery/Napkin003.jpg (serviette de Laffer) Le phénomène Thatcher, de Jacques Leruez Volume 28 de Questions au XXe siècle,  Editions Complexe, 1991

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.