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Billet de blog 11 mai 2023

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Mots doux susurrés à l'oreille d'un président cuit à point

Quand la jeunesse a grossi les cortèges, quand le gouvernement a constaté que les lycées et les universités bloquaient en dépit de la répression policière, alors il a cédé des miettes à la jeunesse. Le SNU ne sera pas obligatoire. Les bourses augmentent de 37 euros à la rentrée 2023. 37 euros ? 37 euros par mois, en échange de notre silence sur une politique écocide, capitaliste, autoritaire ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Emmanuel Macron, la jeunesse mobilisée ne craint ni ta philosophie libérale, ni ton amour du contrôle, ni ta folie policière. Non, ce que nous craignons est bien plus grand que toi. Nous craignons la montée des eaux, l'aridification des sols, la raréfaction des ressources vitales, le réchauffement climatique, la fonte des glaces, l'extinction de la biodiversité. Nous redoutons que nos enfants ne puissent plus respirer.

       Ce que nous ne craignons pas, c'est toi. Un aspirant despote est si vite renversé. Tu nous méprises du haut de ton palais présidentiel, tu ordonnes à tes troupes de ne pas voter les repas étudiants à un euro, tu tentes de nous dresser à grand renfort de SNU, tu tentes de dissoudre des collectifs écologistes pacifistes. Nous sommes feu. Nous sommes colère. Le martèlement des CRS contre leurs boucliers est l'étincelle qui nous embrase. Le sourire narquois d'un.e ministre est le jerrycan d'essence que l'on jette sur un feu naissant. Le cri d' une.e camarade qui se fait embarquer en garde à vue est l'électrochoc qui nous soulève. Ne te méprend pas. La violence nous déplaît. La violence nous horripile. Mais que nous reste t-il d'autres ? 

Nous sommes jeunes, et nous sommes nés au pays des Lumières. Nous sommes jeunes, et nous aspirons à la liberté. Le sang de Louise Michel, de Messali Hadj, de Jean Moulin coule dans nos veines. Nous sommes jeunes, et nous sommes épiés, contrôlés et méprisés. Les institutions qui nous entourent font tout pour nous décourager d’agir, pour nous dépolitiser. L’Etat, qui demande aux préfets de sévir, les préfets, qui demandent aux policiers de taper. Les policiers, qui tapent.  Nos facs, nos écoles, nos patrons qui menacent de nous virer en cas d’absences répétées ou de blocages. Pendant que les institutions frémissent de peur quand elles sentent le souffle de la jeunesse, nous bouillons de colère.

Emmanuel, tu es prévenu. Les gilets jaunes en 2017, c’était toi. L’œil, le bras, la jambe, la testicule perdus sous les tirs de la police, c’était toi. Alexandre Benalla, c’était toi. Les manifestations contre la réforme des retraites en 2020, c’était toi. Les centaines de milliers d’euros de salaire perdus en grève, c’était toi. Les manifestations pour protéger notre agriculture de l’industrie et de ses mégabassines, c’était toi.

Les blessés, le chaos, la panique, c’était toi. Les manifestations contre la réforme des retraites en 2023, c’est toi !

Emmanuel, tu es prévenu. Tu t’épuises à essayer d’anéantir un mouvement protestataire qui sort renforcé à chacune de tes interventions. Une révolution est si vite arrivée. Nos cerveaux lobotomisés par nos écrans ne se laisseront pas berner longtemps. La mascarade a bien trop duré, les consciences se réveillent. Si seulement tu savais ce que tu as allumé, tu le regretterais à jamais. Une génération entière se joint à ses aînés et se fabrique une conscience politique. Enfin, les jeunes comprennent le pouvoir de la rue.

Vas-y, passe ta réforme. Étouffe le cri de la colère sous des coups de matraque. Explique nous la démocratie haut et fort pour masquer l’écho de ta lâcheté. Nous sommes toute ouïe. Ton 49.3, nous l’avons entendu. Ton mépris, nous l’avons ressenti. Ton orgueil, nous l’écraserons. Emmanuel, tu es prévenu. Une révolution, c’est la réunion de plusieurs facteurs. La peur. La colère. La misère. L’injustice. Des erreurs politiques.

Comme un bel apprenti tyran, tu as réuni tous ces facteurs. La première sommation du peuple a pourtant tonné une première fois en 2017. Puis en 2019, puis en en 2023… Tu sais ce qu’il se passe, à la troisième sommation ? La charge. La violence. Les coups de matraque. Les gaz lacrymogènes, qui étouffent les poumons, brûlent la gorge, font pleurer les yeux, mais surtout, les cœurs. Les grenades de désencerclement, qui attisent les colères et font taire nos espoirs en la démocratie, nos rêves d’un monde meilleur.

Sais-tu ce que l’on ressent, lorsque que l’on fait face à des dizaines de policier.es surarmé.es, qui nous regardent à travers leurs visières et leurs masques à gaz, qui se cachent derrière des protections disproportionnées, couvert.es des pieds à la tête, protégé.es par leur boucliers transparents, qui portent les stigmates de la colère du peuple, alors que nous ne sommes armé.es que de nos drapeaux et de  nos chansons, protégé.es par notre espoir de vivre en démocratie, et qu’on se dit que non, iels ne chargeront jamais une trentaine de manifestant.es et de lycéen.nes pacifistes, qui dansent, le visage découvert ? On a mal. La douleur nous assaille. On comprend que ce qu’on apprend à l’école, que la liberté, l’égalité, la fraternité, les valeurs de la République, tout ça, c’est du vent. Et puis, soudain, retentit la dernière sommation. Les boucliers avancent, les matraques sortent. On entend des cris de colère, de peur, de douleur. Les coups pleuvent, les gens courent, certains foncent dans les boucliers, d’autres au contraire fuient et sèment la panique.

Le LBD contre nos rêves, les grenades contre nos drapeaux, les boucliers contre notre rage.

Emmanuel, c’est la troisième sommation. Nous aussi, on va passer en force, scandent les manifestant.es. Que te faut-il de plus ? Des morts ? C’est ça que tu attends, du sang ? Mais qui es tu ? Un banquier assoiffé de pouvoir ? Un énarque immunisé à la contradiction ? Un ancien ministre complexé ? Pourquoi infliges tu ça au pays ? A notre démocratie ?

La jeunesse gronde. Nous sommes les héritiers de 1789, de 1830, de 1848, de 1871, de 1968, de 1995, de 2005, de 2017. Le pouvoir peut vaciller. Le pouvoir vacillera, si tu t’obstines. Le peuple français t’as fait confiance pour empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir. En détruisant les services publics, en réduisant le nombres de fonctionnaires, en promulguant des lois scélérates sur le communautarisme et la sécurité, tu plantes les graines de l’extrême droite sur un terrain fertile, un contexte de crise que tu alimentes ; demain, nous nous réveillerons trop tard, et l’extrême droite aura fleuri partout.

Emmanuel, quand ton pouvoir ne tiendra plus qu’à un fil, à une poignée de policier.es et de militaires qui resteront obéissant.es, rappelle toi. C’est l’histoire d’une société qui tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…

Le problème ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.

Comment atterriras tu sur tes deux pieds, alors que le sol sous toi sera mouvant, brûlant, puissant ?

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