L’autre jour j’ai écouté à la radio Monsieur Ruffin et j’ai été assez surprise d’entendre cette phrase :
« Oui, je suis favorable aux retour des frontières sur capitaux, marchandises et personnes. »
Je vais pas me lancer dans une dissertation politique. Mais j’avoue que j’étais un peu déçue d’entendre ça de la bouche de quelqu’un qui disait aux employés des usines. « Est-ce de la faute des réfugiés et des émigrés si vous perdez vos emplois ? Non. C’est de la faute des actionnaires, des PDG, que vous ne voyez pas. » C’est un peu comme si Robin des Bois avait dit tout à coup : « Oui, on va voler aux riches pour donner aux pauvres ! mais on va quand même limiter notre action à Nottingham. On peut pas accueillir tout la misère d’Angleterre ! » Sur le coup je me suis dit « Il a bu ? » Où peut-être c’est une mauvaise blague comme celle qu’il avait fait deux minutes avant sur ses vacances de ski à Gstaad. Si vous avez écouté toute son interview vous voyez de quel moment je parle. Et Léa Salamé l’a en effet poussé à préciser que c’était une blague. Moi, j’avais pas compris. Je pensais qu’il allait vraiment skier à Gstaad. Mais moi je suis étrangère. Il faut toujours m’expliquer les choses lentement, sinon je comprends pas.
Je vais pas résumer Monsieur Ruffin à une phrase et j’ai aucune envie d’alimenter la polémique instantanée des passions malheureuses sur les réseaux sociaux. Néanmoins cette phrase est une occasion pour réfléchir sur la question et esquisser une pensée. Et après tout peu importe ce que je pense. Je n’ai toujours pas fait les démarches pour avoir la nationalité françaises alors au fond mon avis vaut ce qu’il vaut, je ne vote pas. Mais j’étudie pour devenir française. Et alors ce matin je suis tombé sur un discours d’Ernest Renan qui répond en partie à tous ceux qui veulent fermer les frontières. Comment je suis tombée sur un discours d’ Ernest Renan direz-vous ? Et bien je vous avoue que j’ai un livre chez moi qui s’appelle « Être français » avec tous les textes à ne pas louper pour être un vrai franchouillard républicain éclairé. Oui, je suis vraiment une première de la classe chiante. J’avoue. Bref, qu’est-ce qu’il nous dit notre bon Ernesto en 1882 ?

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« Ce n’est pas la terre plus que la race qui fait une nation. Une nation est une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol. [...] Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser : avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques. ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue […] Oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes ; car ils imposent des devoirs ; ils commandent l’effort en commun. »
Voilà, je lisais cela ce matin et je me suis dit : on a pas souffert tous ensemble tout au long de cette année 2020 ? Peut-être pas tous au même niveau, peut-être pas tous sur le même modèle de canapé, mais sûrement chacun renfermé dans son propre coin. Et alors, même sur cette souffrance commune, il n’y a toujours pas une base pour aller de l’avant ? Mais c’est nul ! Même après tout ça, on a pas un programme commun ? Je ne sais pas moi, sauver la planète de l’épuisement que l’on lui impose ? Retourner pouvoir vivre librement ? Picoler au comptoir ? Ou si vous êtes climato-sceptique, que vous vous en foutez de la liberté et que vous ne picolez pas, tout simplement, pouvoir à nouveau toucher quelqu’un sans avoir peur ?
Le seul côté positif de la mondialisation, ce ne serait pas d’avoir à faire face à des problèmes qui dépassent les frontières et donc d’avoir enfin la nécessité de créer une seule et unique nation d’humains qui luttent ensemble ? Alors est-ce que les fermetures de frontières serviront vraiment à quelque chose ? J’en doute, mais je suis étrangère et donc pas objective : les frontières c’est clair, moi je les aime pas. Elles me séparent toujours de ce que je désire. Heureusement les paroles d’Ernest me réconfortent encore une fois : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni des cours des fleuves, ni de la directions des chaînes des montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur crée une conscience morale qui s’appelle nation. »
Alors je vais rester bisounoursiquement confiante : la nation dite humaine va se créer, soit d’elle-même pour lutter contre ses problèmes globaux, soit engendrée de fait par la souffrance conséquente des problèmes qu’elle aura ignorés.
Mais personnellement, c’est la seule nation dont je ressens le besoin aujourd’hui.