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Billet de blog 4 mai 2022

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PRENDRE LE LARGE AVEC MERCEDES saison 2

"Demain je tire à terre"

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Illustration 1

Préparer Mercedes pour la belle saison.

A l'arrivée du printemps, il fallait "tirer le bateau à terre" et à minima refaire la "sous-marine", partie immergée de la barquette.  colonisée par des hordes de coquillages autochtones du vieux port, appelés balanes, fouling, ou plutôt "dents de chiens" et "chiendent" par les marseillais, le tout bien collé à la coque de Mercedes. Ces bestioles freinaient beaucoup l'aire du bateau,  les traversées Vieux Port-Frioul durant bien trente minutes (par mer belle). Le moteur faisait ce qu'il pouvait le pauvre, mais il ne fallait pas trop lui en demander...

"Demain je tire à terre" qu'il disait mon paternel.

La grue qui sortait le bateau de l'eau, pour une enfant, était un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte.

C'est lourd et massif, une barquette marseillaise.

Je surveillais les énormes sangles qui se tendaient contre Mercedes au fur et à mesure qu'elle quittait son élément marin, et que les formules d'Archimède laissaient la place à celles de Newton, deux sacrés mecs que je n'avais pas encore étudiés à l'école, et que j'allai admirer plus tard dans ma scolarité tout comme Lavoisier, sans parler de mon prof de physique chimie qui était mon idole en concurrence directe avec  Neil Young dans mes années bahut.

C'est comme ça parfois  la vie, tu as un beau prof tu es bonne en physique chimie, c'est tout.

Mais je m'égare, revenons sur le port. Le calage du bateau sur d'énormes charriots à roulettes se faisait en équipe, sous l'œil  écarquillé des touristes et badauds du Vieux Port. Je n'en ratais pas une miette, et attendait le feu vert de mon père pour avoir le droit de monter par l'échelle sur la barquette, histoire de frimer un peu devant les passants.

Si l'un d'eux par hasard me demandait "ce bateau est-il à vendre ?" je répondais : "nan !! c'est le bateau de mon papa !!"

Et puis ensuite on grattait, on brossait, on prenait le tuyau de "la pane" dont on pinçait le bout avec les doigts pour faire un jet puissant, du moins on croyait, j'y croyais.

Je pense avoir pincé le bout du tuyau de toutes les manières possibles, et j'en profitais pour arroser ceux qui passaient par là. Ce plaisir ne m'a jamais quitté, à bon entendeur salut. Je vous vois déjà râler pour le gaspillage de l'eau mais je n'en ai cure.

L'eau c'est la vie, avec une majuscule, et même deux.

L'eau c'est transparent, c'est beau, c'est magique et c'est bon.

Ma mère nous a transmis son amour infini de l'eau. Ses yeux étaient comme l'eau, merveilleux et changeants.

A la phase peinture, mon père maniait pinceaux et rouleaux en chantant inlassablement : "la peinture à l'huile c'est très difficile, mais c'est bien plus beau que la peinture à l'eau". Ne me demandez pas où il était allé pêcher cette chanson, je n'en sais fichtre rien. Il en avait quelques unes des comme ça, des chansons connues de lui seul...

J'allais acheter le matériel nécessaire pour la peinture dans les ruelles avoisinant la mairie de Marseille, quartier dont j'ai appris l'année dernière seulement qu'il y avait eu une rafle et un dynamitage en 1943 par les français et les allemands. Nous n'en avions jamais entendu parler. Ces rues, je les connais par cœur, je les ai arpentées en long en large et en travers, et pourtant je ne savais pas.... personne n'en parlait, sinon j'aurais retenu.

On retient ces choses-là quand on est au courant.

Je m'égare à nouveau.... retour à la pane.

Mercedes, pimpante et fringante, s'apprêtait  être remise à l'eau et flotter à nouveau, ne pas prendre l'eau, ne pas couler.

Archimède allait encore y mettre son grain de sel.

Et ça, pour une enfant ça n'est pas rien.

A suivre......

Et je vous mets de la doc sur la rafle de 1943.

rafle-a-marseille-en-1943-un-quartier-rase-et-le-petit-rire-de-petain (pdf, 3.8 MB)

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