DOCUMENT HISTORIQUE TRADUIT PAR MA FILLE DECRIVANT LE LIEU OU A ETE DETENU MON GRAND PERE EN 44.
Un sous camp de Neuengamme fut établi à Hannovre-Mitsburg à la fin du mois de juin 1944 pour fournir de la main-d’œuvre au Syndicat des nouvelles raffineries de pétrole allemandes de la firme des sociétés par actions/ sociétés publiques (Deurag-Nerag). Essentielle à l’effort de guerre des Allemands, Deurag-Nerag produisait du pétrole et du carburant d’aviation. Un raid aérien des alliés endommagea gravement la raffinerie de pétrole de Mitsburg-Deurag le 20 juin 1944. Par conséquent, les négociations furent accélérées entre l’administration de Deurag-Nerag et l’administration du Siège des Affaires SS (WVHA) afin d’introduire des détenus des camps de concentration dans la force ouvrière. Une semaine seulement sépara la destruction partielle de la raffinerie – et le besoin aigu/accru de travailleurs qui en a résulté – de l’arrivée du groupe initial des prisonniers de Neuengamme à Mitsburg.
Le premier groupe, qui était composé d’environ 500 détenus de Neuengamme, fut transporté à Misburg le 25 ou le 26 juin 1944, et fut employé pour dégager/nettoyer les décombres du bombardement de l’usine de Deurag-Nerag, mais aussi pour débuter la construction du camp. Les SS sélectionnèrent des prisonniers pour les transports initiaux à Neuengamme, en formant trois groupes : les prisonniers fraichement/récemment arrivés (des Français pour la plupart, qui avaient été déportés à Neuengamme entre mai et juin 1944), des prisonniers se rétablissant dans les blocs de convalescence (les Schonungblocks, « blocs de ménage ») qui avaient été assignés à « du travail allégé », et des Allemands du Reich (des ressortissants allemands) qui continuaient à servir en tant que Kapos et détenus en chef / supérieur des détenus ( ?) (Blockalteste) à Misburg. Les détenus commencèrent à construire le camp peu après leur arrivée. Ils dormaient dans de grandes tentes fournies par la Wehrmacht jusqu’à ce que les casernes/quartiers soient construits.
Le chantier du camp se situait à environ 91 mètres (100 yard) à l’ouest de la raffinerie de Deurag-Nerag. Comme dans d’autres camps, les zones de prisonniers étaient bouclées des zones extérieures du sous-camp de Misburg. La zone intérieure des prisonniers était entourée de fil barbelé et comprenait quatre baraquements comme lieux de vie des prisonniers avec une infirmerie attenante à l’un d’entre eux, un baraquement de cuisine, une zone d’appel nominal, deux toilettes, et une zone de douches de fortune/rudimentaires. Quatre tours de surveillance/miradors furent construits aux angles de la zone des prisonniers. La zone extérieure comprenait les baraquements administratifs, le bureau du commandant, et les lieux de vie des gardes. La construction du camp fut achevée au bout de plusieurs mois, malgré de fréquentes attaques aériennes tout au long de l’hiver 1944-1945. Des bunkers furent construits pour abriter les gardes durant les raids aériens, et de petites tranchées couvertes étaient disponibles pour les prisonniers.
A la suite de l’arrivée du groupe initial de prisonniers à Misburg, des transports supplémentaires arrivèrent tout au long des mois d’été. Le 14 juillet 1944, 500 autres prisonniers furent transportés à Neuengamme, et, le 23 juillet, 200 arrivèrent de Buchenwald. Jusqu’à septembre 1944, il y avait quasiment 1600 prisonniers dans le camp. Le nombre total de prisonniers à Misburg fluctuait car les prisonniers affaiblis étaient souvent échangés contre des prisonniers « sains » venant de Neuengamme. Tous les prisonniers étaient des hommes, et leurs pays d’origine reflétait les groupes nationaux/groupes de nationalités détenus à Neuengamme et Buchenwald : des prisonniers de guerre soviétiques (les POW’s), des Ukrainiens, des Polonais, des Français qui avaient été emprisonnés à Compiègne pour des raisons politiques et ensuite déportés à Neuengamme, et 38 allemands du Reich qui occupaient pour la plupart des postes de fonctionnaires à l’interieur du camp, de 20 à 25 allemands, 15 belges et 30 danois qui demeurèrent à Misburg du 20 février à la mi-mars 1945, jusqu’à ce qu’ils soient transférés au camp de Hannover-Stocken (l’Accumulatoren-Fabrik). Les quelques juifs emprisonnés à Misburg y étaient en raison de leurs actes de résistance ou de leur affiliation politique, et non pas pour des raisons raciales. La moitié de l’ensemble des prisonniers de Misburg avaient moins de 30 ans, et seulement 20% d’entre eux avaient plus de 40 ans.
Dans le camp de Misburg, les prisonniers furent divisés dans différents commandos de travail, déployés pour la plupart dans la firme de Deurag Nerag. L’administration de Deurag Nerag recrutait des travailleurs sur la base de listes établies par le chef de l’appel nominal Heinrich H. Généralement, les prisonniers n’étaient pas responsables du travail qualifié à Deurag Nerag mais avaient l’habitude de nettoyer les débris dans les zones bombardées. Les heures de travail s’étendaient habituellement de 10 à 12 heures. Un garde au minimum supervisait chaque commando, en fonction du nombre de prisonniers dans le groupe. Les kapos supervisaient également les prisonniers durant leur travail. Afin d’assurer un rythme de travail soutenu des prisonniers dans les commandos, les Kapos battaient les détenus, ce qui avait souvent pour conséquences de graves blessures ou la mort. Certains commandos étaient plus dangereux que d’autres. L’une des missions particulièrement dangereuses était le Abruchkommando, pour laquelle les prisonniers devaient enlever les gravats, ou le Bombensuchkommando, durant laquelle les prisonniers devaient désamorcer des bombes qui n’avaient pas encore explosé. Il y avait de nombreux accidents causés et de blessures occasionnées, et les prisonniers n’étaient équipés d’aucun vêtement ou de chaussures de sécurité, ou d’aucune autre sorte de protection contre les risques de leur travail. De même, les prisonniers étaient également peu protégés lors des fréquents raids aériens.
En plus des Kapos qui supervisaient les prisonniers au travail, les SS et d’autres unités de gardes patrouillaient dans le camp. Des officiers de police accompagnèrent le premier transport de prisonniers à Neuengamme, sous la direction d’un lieutenant de police. Un officier de la Wehrmacht qui servit à Misburg pendant 3 semaines remplaça le lieutenant. Il existe peu d’information à propos de ces deux premiers commandants de Misburg. Entre l’arrivée des transports les 14 et 23 juillet 1944, le SS-Oberstrurmfuhrer Max Pauly nomma le SS-Obersturmfuhrer Karl Wiedemann commandant de Misburg. Wiedemann, qui entra dans la SS en 1933, arriva à Misburg le 20 juillet 1944. Il demeura à Misburg jusqu’à la mi-septembre 1944, où il devint commandant du camp de base de Hamburg, puis commandant du sous-camp de Drutte près de Salzgitter. Wiedemann fut remplacé par le SS-Hauptscharfuhrer Hans Gehrt, qui supervisa Misburg jusqu’à son évacuation en avril 1945. Les quelques hommes SS dans le camp, environ 15 au total, servaient en tant que membres du personnel du commandant, et supervisaient la cuisine et le stock de la cave à vin. Le plus grand groupe de gardes à Misburg, constitué d’entre 50 et 80 hommes, était composé de gardes territoriaux.
Les conditions de vie au camp de Misburg étaient dures. Les prisonniers enduraient un travail éreintant, des rations de nourriture minimales, un abri rudimentaire, des conditions sanitaires pauvres, les poux, les maladies, et les abus fréquents infligés par les gardes. Leur routine quotidienne misérable entravait la résistance locale ou les tentatives d’évasion. Cependant, l’ancien détenu Jean Pierre Renouard s’est souvenu que certains individus avaient tenté de fuir, et le registre de la Gestapo de Misburg confirme l’évasion du POW soviétique Victor K. D’après le témoignage du procès de Karl Wiedemann, un autre détenu soviétique se nommant Romanko s’évada d’un détachement de travail en juin ou juillet 1944. Ceux qui étaient attrapés durant leur évasion étaient ramenés au camp, où ils étaient exécutés.
Le nombre exact de morts dans le sous-camp de Misburg est difficile à reconstituer. Le taux de décès des détenus varia au cours de la période d’opération de 10 mois du camp. D’après l’analyse de l’historien Rainer Frobe, entre juin 1944 et le 7 avril 1945, 55 prisonniers moururent. Toutefois, ce nombre ne représente pas la totalité des morts, la centaine de prisonniers malades et affaiblis qui furent déportés à Neuengamme en échange de prisonniers « sains » en novembre 1944, et ceux qui succombèrent d’épuisement ou qui furent assassinés durant l’évacuation du camp.
Le camp de Misburg fut évacué à partir du 7 avril 1945. Les SS envoyèrent ceux qui étaient capables de marcher dans une marche de la mort vers Bergen Belsen. Le 8 avril, les 214 prisonniers restants furent rassemblés dans un fourgon à destination de Bergen Belsen. Il n’existe pas de nombres exacts concernant le nombre de survivants de ce transport.
Après la guerre, un tribunal militaire belge jugea le Landesschutzen Richard W. pour les meurtres de détenus belges et français en février 1945, et fut condamné à mort par fusillade en 1949. Cependant, il fut libéré en 1954 après une courte peine de prison car sa sentence fut modifiée. En 1967, un nouveau procès fut engagé contre W. par la Landeskriminalamt (Bureau de la Police Criminelle d’Etat, LKA) à Nordhein-Westfalen, mais W. mourut avant qu’un verdict soit atteint. En lien avec ce même incident, l’ancien Rapportfuhrer Heinrich H. fut jugé ; lui aussi mourut durant la procédure judiciaire, et le 4 avril 1978, l’affaire fut classée. Wiedemann fut jugé en 1946 par un tribunal militaire britannique. Il fut condamné à une peine de 15 ans de prison, mais il fut libéré en 1955. Il mourut en 1968.