Sophie Berceau est née peu de temps après la seconde guerre mondiale, la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie.
Mais à l'école, on ne lui en parlait pas trop de tout ça. C'était pas bien d'en parler. Il fallait être content, joyeux, et écouter les yéyés à la télé. Et même des fois Maurice Chevalier, un gusse surréaliste, complètement débile.
Il fallait s'avaler du Louis de Funès jusqu'à l'overdose. Sophie Berceau ne l'aimait pas celui là, elle avait l'impression qu'il surjouait, mais elle ne savait pas pourquoi il en faisait des tonnes.
Les parents de Sophie Berceau n'avaient accès à aucune autre culture, de par leur appartenance à la classe ouvrière pauvre. Mais ils tenaient à ce que Sophie travaille bien à l'école, sinon gare !!!!
En 1965 il y a eu des élections, et le papa de Sophie n'était pas content parce que De Gaulle avait encore gagné.
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_fran%C3%A7aise_de_1965
Celui qui est arrivé quatrième à la course du vote, s'appelait Jean-Louis Tixier-Vignancour et son pote était Jean Marie Le Pen.
Le papa de Sophie disait qu'il y avait encore des fascistes dans le pays. Il avait été appelé deux fois pour se battre en Algérie, mais ne voulait jamais en parler parce que ça l'avait traumatisé. Il était contre.
Puis il y a eu le peace and love and sex and drugs and rock and roll. L'insouciance programmée, conseillée, adoptée.
Pendant ce temps, les fascistes ne chômaient pas, ils bossaient à leur retour en force.
Sophie, aujourd'hui, est lasse. Elle sait qu'elle a été entrainée plus ou moins dans des bonheurs à pattes d'eph, à chaussures de cagole, puis à sabots en bois, puis à baskets et tricot long plus guitare, puis à mioches. On ne refait pas l'histoire. (sauf les révisionnistes qui ne s'en privent pas, avec la bénédiction des chaines télé).
Elle a appris récemment que dans les ruelles de Marseille où elle faisait toute petite les "commissions" pour ses parents, avait eu lieu une rafle en 1943, et Sophie est stupéfaite parce qu'elle n'en avait jamais entendu parler. Ni elle ni ses parents. Quand même une rafle ça n'est pas rien.
Sophie appartient à un espace temps, celui de la deuxième moitié du XXème siècle. Celui d'après la seconde guerre mondiale. Celui d'une France qui n'a toujours pas fait son travail de mémoire.
Baby boom, lady boom, old boom et bientôt dead boom.
That's all.