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Billet de blog 15 novembre 2022

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PRENDRE LE LARGE AVEC MERCEDES 13

Avec Titin le vieux loup de mer

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Je ne saurais pas dire l'âge qu'avait Titin tant sa peau était tannée par le soleil et érodée par les embruns.

Il habitait une maison vétuste dans un petit village de pêcheurs, où nous étions toujours les bienvenus pour la saison estivale. Il n'avait pas d'enfant et considérait mon père comme son fils, avec tout le devoir de transmission des savoirs que cela sous entend.

Une année, je devais avoir neuf ans, il fut décidé que Mercedes changerait de port pour la saison estivale, direction Carro.

Préparatifs pour la grande traversée... gaz oil, vivres, eau, fusées de détresse parce qu'on ne sait jamais, maillot parce qu'on sait toujours (qu'on va sauter à l'eau).

Je faisais partie de l'équipage. Titin mon père et moi.

Titin, dès qu'il y avait quelques vagues disait toujours "Oh Jeannot ! On est en perdition ! " Et mon père de la rassurer en riant...  que voulez vous, c'était un loup de mer courageux mais pas téméraire !

Il fallait une journée pour faire 40 km en barquette.

Nous quittâmes le vieux port de Marseille et mon père envoya bâbord toute pour entrer dans le port autonome qui longe la cote. Il s'approchait le plus près possible des navires et ferries à quai pour me montrer l'immensité de ces bâtiments flottants vus de la ligne de flottaison, et la taille de leurs hélices.

Gigantesque...

Adrénaline et curiosité.

Mais pas peur parce que mon père était très détendu et se marrait...

C'était au petit matin et les ouvriers s'agitaient sur les docks... certains faisaient partie de ma famille. Les odeurs étaient diverses, de l'iode au gaz oil, et l'air était doux. Les pilotines allaient et venaient devant nous, et j'éprouvais une admiration sans limite pour les capitaines de ces bolides des mers capables de tracter un ferry...

J'aurais adoré conduire une pilotine....

Vers l'Estaque nous sortîmes des docks et commença le périple en "haute mer" inconnue, profonde, et j'avais le droit de me mettre  à cheval sur la proue.

Air marin sur ma peau. Embruns. Frissons. Bonheur.

La cote bleue, vous la connaissez peut-être par les films ou les photos. Cela suffira, car c'est un lieu où personne ici n'a envie de voir défiler des cars de touristes. C'est à nous, point. Vous n'en saurez pas plus, ça vous apprendra.

A la mi journée le moteur de Mercedes cria famine et s'arrêta, il fallut donc relever les pans pour lui filer de la benzine du jerricane, en visant bien parce que ça bougeait un peu, vu que la Largade s'était levée. Et puis j'avais envie de sauter à l'eau alors mon pater m'attacha la taille avec une corde assez longue et m'invita à sauter à la baye... Fallut pas me le dire deux fois, mon papa tenait la corde à l'autre extrémité des fois qu'un poulpe géant m'attaque.

Bain sandwich et on redémarre, cap à l'ouest. L'arrivée au petit port de Carro fut pour moi triomphale !

Cette journée passée pour atteindre un lieu qui est à maxi quarante minutes de Marseille en voiture m'a marquée très positivement, et je ne sais pas vraiment pourquoi.

Je n'avais pas de jeu ni livre, juste rien mais j'avais tout.

Aujourd'hui cela fait trente ans que mon père est décédé, il avait soixante ans à sa mort.

Merci encore papa, un bisou à Titin...

Carlita V.

Illustration 1
papa et Titin à gauche © Carlita

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