Dix sept ans, dont les six premières où je ne savais pas. Où je n'avais pu que constater sans comprendre, des changements de comportement, une peur nouvelle qui ne collait pas avec sa nature antérieure d'enfant épanouie et douce.
C'est long six ans sans savoir, en essayant de réparer je ne sais quoi à l'aveuglette. Redoubler de vigilance, de présence, d'écoute, rester à temps partiel pour être présente le plus souvent possible, veiller au plus près à la scolarité, excellente par ailleurs, malgré des petits harcèlements au collège et une timidité notoire, entrainant une adolescence quelque peu ratée, au sens relationnel.
Et puis l'été de ses 15 ans, elle me raconte, en pleine nuit, en vomissant, pleurant, ce qui lui était arrivé lorsqu'elle avait 9 ans.
Sur l'échelle de Richter, qui s'arrête à dix je crois, on va mettre sept ou huit.
Les secousses, dès le matin suivant, ont été innombrables et ont touché la famille et l'entourage à divers degrés, et chacun a choisi sa propre issue de secours, sa propre fuite, sa propre réaction, faute d'éclairage sur une attitude commune à adopter.
Un désastre relationnel, affligeant, mais c'était avant. En 2010, la parole libérée en était à sa période crétacée.
Les ondes sismiques durent encore.
Le cheminement entre son récit et aujourd'hui, a duré onze ans.
Les dégâts sur la famille sont considérables.
C'est long onze ans, très long. Onze ans de secousses, quoi qu'on fasse. Onze ans d'effets secondaires, de contre-indications, sans prise en charge sérieuse pour autant, pour aucun de nous.
Mais notre tête aujourd'hui est haute, aussi haute que le temps a été long.
Je remercie Médiapart , les journalistes, et le témoignage d'Adèle Haenel qui m'a beaucoup aidée, en tant que mère.
Je parle en mon nom, mon point de vue, pas celui de ma fille, parce que je ne me permets pas de ressentir quoi que ce soit à sa place.
Je la soutiens, c'est tout. Mais je tiens à préciser que les galères vécues dans ce contexte, ont fait de moi une personne qui adhère plus au discours de Virginie Despentes qu'à celui de Catherine Deneuve.
L'heure tourne, il est temps de se préparer pour aller affronter l'OPJ de la brigade des mineurs.
Quelle que soit l'issue de la démarche, la patate chaude est dans les mains de la république française ou ce qu'il en reste, et n'est plus sur nos épaules fatiguées.
Alea jacta est.
Bien à vous, chers lecteurs et commentateurs avisés.