Lorsque le Président de l'Observatoire de la Laïcité explique dans le rapport d'étape que la Laïcité est « une notion complexe et finalement assez méconnue de nos concitoyens, des responsables d'entreprises et même parfois des élus », il ne se contente pas d'afficher un mépris d'oligarque à l'égard du peuple au sens le plus large, il nie purement et simplement l'existence de la laïcité à la française, telle que le peuple s'est approprié la séparation des Eglises et de l'Etat et le droit à la liberté de conscience et/ou religieuse comme bon lui a semblé.
Elle n'a par exemple rien à voir avec la laïcité déclinée aux USA, pays mis sous la protection divine et, où depuis les années 1950 la monnaie rappelle « in God We Trust ». Il n'y est pas de bon goût de se dire athée*. La laïcité n'est pas pensée comme une liberté de conscience pleine et entière de croire ou pas mais comme la capacité, voire l'ardente obligation, de croire en Dieu selon l'Eglise de son choix. Le témoin dans une affaire de justice, s'attachera à désigner un Livre Saint sur lequel jurer pour ne pas risquer de voir son témoignage discrédité par avance. Les créationnistes sont hyperactifs et écoutés. Le Président Bush junior a, selon ses mots, fait une « guerre sainte » . Si Dieu reste présent dans quasiment tous les discours d'Obama, il est cependant le premier à avoir reconnu l'existence légitime de non-croyants parmi les américains qui auparavant étaient assimilés à des traîtres à la patrie.
On voit là que la séparation juridiques des Eglises et de l'Etat et sa neutralité l'égard des religions ne peuvent définir seules la laïcité : là-bas une théocratie multiconfessionnelle où la pression sociale reste forte pour stigmatiser les non-croyants, où l'écriture des lois est soumise à la pression constante des groupes radicaux des différentes Eglises et où la charité fait office de politique sociale, ici la laïcité à la française (attaquée notamment par les radicaux des différentes religions) où le rapport à Dieu relève de l'intime , où les Eglises n'ont pas à dicter la loi et où il existe (encore?) une politique sociale déconnectée de l'existence ou l'inexistence d'une attache religieuse.
Qu'ils soient croyants de toutes religions (qui rappelons-le ne se limitent pas aux religions du Livre), athées, agnostiques ou indifférents à la question divine, les français restent majoritairement attachés à leur laïcité. Sauf les intégristes des différentes religions. Sauf les ultra-néo-libéraux qui les rejoignent bien que leur question première ne soit pas l'existence de Dieu mais celle de savoir « Si les Eglises ne s'occupent pas des pauvres, qui le fera? ». Sauf quelques descendants des porteurs historiques de notre laïcité qui s'obstinent désormais à faire l'amalgame entre défense de la laïcité à la française et racisme et restent aveugles à la montée en puissance, dans la brèche qu'ils gardent ouverte, de tous les intégrismes de toutes les religions, et abandonnent une pseudo défense de la laïcité aux xénophobes.
Civitas, bras activiste de la Confrérie Saint Pie X, qui n'a pas manqué de radicaliser la « manif pour tous », a vandalisé cet été la statue du Chevalier de la Barre pour montrer son souhait de réintroduire la notion de blasphème. Une exposition de peinture a encore était annulée cet été (Toulouse) sous la pression de radicaux chrétiens. Après Port-Royal, c'est à Tenon que des intégristes chrétiens veulent faire obstacle au droit à l'avortement. Les Evangélistes, radicaux protestants, se développent et font un lobbying pressant en faveur du créationnisme y compris dans nos universités, une protestante responsable au sein d'un service public n'hésite plus à faire du prosélytisme sur son lieu de travail. L'Education Nationale a cédé aux intégristes juifs refusant d'être surveillés par une femme à l'occasion des épreuves du bac 2013 …. Le voile islamique ne masque pas que les femmes qu'il couvre ! Faut-il oublier que Nicolas Sarkozy à tenter, entre beaucoup d'autres écarts, d'intégrer au sein de l'institution constitutionnelle qu'est le Conseil Economique Social et Environnemental des personnalités en raison de leur appartenance religieuse ?
La plus grosse part de la population française, de toutes origines culturelles et cultuelles, est respectueuse et attachée à la laïcité qui est la nôtre et n'a pas envie d'adopter celle du voisin. Pour elle la laïcité « ouverte » que l'on veut lui imposer au fil de ces dernières années et souvent à coup d'insultes, n'est qu'une laïcité diminuée dont elle ne veut pas.
Vouloir méconnaître, mépriser et saper cette laïcité n'est pas une erreur, c'est une faute grave. Le vivre ensemble ne se construit pas plus avec les franges intégristes des religions qui veulent imposer leurs exigences et soumettre autant leurs coreligionnaires que la société qu'avec ceux qui rêvent de détruire tous temples. Il se construit avec le plus grand nombre qu'on refuse d'entendre mais qui s'exaspère peu à peu de subir l'anathème pour défendre la position d'équilibre qu'est la laïcité à la française : Elle est faite de la vraie liberté pour chacun de croire ou être hors du champ de la croyance sans conséquence sur ses droits civiques et sociaux, sans assignation à résidence cultuelle et/ou culturelle en raison des choix des générations précédentes, elle est faite de la liberté pour les croyants d'exercer le culte de leur choix avec la communauté des croyants de leur choix dans les lieux dédiés, de leur capacité à solliciter ponctuellement le droit d'occuper l'espace public pour se rassembler comme toutes les associations. Parce que la liberté de chacun s'arrête ou commence celle de l'autre, elle est aussi faite de la vraie liberté citoyenne d'une vie et d'un espace publics au sens large dégager de la confrontation permanente au rapport de l'autre au divin.
Nous n'avons pas besoin d'une nième loi protégeant espace par espace du fondamentalisme religieux particulier d'une religion.
Nous avons besoin de voir réaffirmer à l'ensemble des franges religieuses anti-laïcité et à leurs soutiens divers aux motivations parfois spécieuses, qui rêvent de faire de notre pays une théocratie multiconfessionnelle qu'il en est hors de question.
Nous rappelons
que lorsque, candidat à l'élection présidentielle, François Hollande s'est engagé à réaffirmer la laïcité il était question de la laïcité à la française et de nulle autre forme de laïcité diminuée,
et à l'Observatoire de la Laïcité que son rôle n'est pas d'ignorer avec suffisance notre bien commun en insultant le peuple dans son ensemble pour lui imposer ce dont il ne veut pas.
En France l'appartenance religieuse relève de l'intime et les croyances des uns n'ont pas à s'imposer à toutes et tous ni par la Loi ni dans la vie quotidienne. C'est ici la clé du vivre ensemble des hommes et des femmes de bonne volonté. Entendez-les.
(à suivre : Jours fériés : pour une solution juste et compatible avec la laïcité)
*Un article de Libération qui évoque le cas des athées aux USA
http://www.liberation.fr/monde/2011/10/29/impies-soient-ils-etats-unis_771168