Alors que la quasi-totalité des pays du monde ont au début du XXIème siècle une législation sur le divorce (plus ou moins libérale), jusqu'en 2004, rien dans la loi chilienne ne prévoyait une possibilité pour les couples mariés de divorcer. La transition démocratique et l'arrivée au pouvoir de la gauche ont permis d'avancer, mais tardivement... et insuffisamment.
Dès 1991, des propositions de loi ont été déposées auprès des députés et des sénateurs. Deux élues au Parlement engagées sur le terrain de l'égalité se sont particulièrement battues dans les années 90 pour faire adopter des textes de lois permettant aux femmes de divorcer : Laure Rodriguez, féministe et Marie Antonieta Saa du Parti Démocratique, présidente de la commission de la famille à la chambre des députés. En 1997, une nouvelle loi sur le mariage civil est votée à l'Assemblée. S'engage alors une réel débat public sur le divorce et donc sur la liberté des femmes.
S'il faut attendre encore 7 ans à partir de cette date pour que la loi sur le divorce soit votée, c'est principalement en raison de l'opposition farouche de l'Eglise catholique chilienne. Contrairement à d'autres pays latino-américains, comme l'Argentine, où l'Eglise, inféodée à la dictature, a perdu beaucoup de crédit avec l'avènement de la démocratie, au Chili, elle a été partie prenante de nombreuses luttes sociales pendant l'ère Pinochet. Elle garde aujourd'hui une aura importante et une influence très forte sur la vie politique du pays.
Dans la doctrine de l'Eglise, le divorce n'est pas envisageable. « Ce que Dieu a unit... ». Les arguments avancés sont les mêmes que partout ailleurs dans le monde, sur ce sujet comme sur tous ceux ayant trait à la famille. Si on autorise le divorce, celui-ci va se répandre comme une traînée de poudre et engendrer une désagrégation de la société. Le divorce offre par ailleurs la possibilité à une personne de refaire sa vie alors que celle-ci (je cite) « a fourni la preuve de son inaptitude à fonder une famille ». Ces arguments sont repris dans les débats parlementaires par les députés de droite, conservateurs.
Ils sont en décalage avec la société chilienne qui est majoritairement favorable à une législation en faveur du divorce, argument avancé par les députés de gauche. La loi votée en 2004 est une avancée importante pour les femmes chiliennes. Mais elle n'a pu l'être qu'avec l'accord des députés du parti démocrate-chrétien, ce qui explique son insuffisance. Selon le texte, il est nécessaire de prouver une faute pour obtenir l'autorisation de divorcer. La procédure est par ailleurs tellement coûteuse que de nombreuses femmes issues des milieux populaires ne peuvent y avoir accès.
En août 2005, la CEDAW (convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes), organisme de l'ONU, félicite le Chili pour la loi de 2004.
Deux articles m'ont permis de réaliser cette note :
- Le Chili : les femmes et la gauche. Une relation amicale ?, par Bérangère Marques-Pereira, disponible sur Cairn
- Le Chili et ses femmes : un jaguar à l'allure de dinosaure, par Nathalie Jammet et Gwenoline Juhet, disponible ici
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