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Billet de blog 7 décembre 2015

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C'est quoi le plan ?

Les soirées électorales passent et se ressemblent. Comme à chaque fois, dimanche soir, j'ai été frappée par l'incapacité des responsables politiques comme des médias, des expertes et des experts, de toutes celles et ceux qui jouent un rôle social dans notre pays, à se remettre en cause.

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Au pouvoir depuis 2012, dirigeants depuis 6 ans la quasi-totalité des régions, les socialistes n'auraient pas de responsabilités dans la situation politique déprimante du pays. Aux manettes pendant 10 ans et, depuis 2012, dans une opposition qui copie-colle le programme du FN, la droite n'aurait aucune responsabilité dans les scores hallucinants d'un parti raciste et sexiste. Acteurs structurants du débat public, les médias, qui ont ouvert leurs plateaux et leurs colonnes aux facistes bien au-délà de ce qu'ils méritaient, n'auraient aucune responsabilité dans la "dédiabolisation" de cette organisation politique. Le Front de Gauche et Europe-Ecologie Les Verts, enfermés dans des paralysies d'appareil, enchaînant les "il faut", "y a qu"à", "faut qu'on", incapables de construire ensemble une alternative politique enthousiasmante n'auraient rien à voir dans le fait que les électeurs et électrices, notamment les jeunes, restent chez eux ou aillent donner leurs voix à un parti qui dit incarner cette alternative.

Vous pourriez me dire à juste titre que les premiers responsables de la montée du FN sont celles et ceux qui votent FN. Vous auriez évidemment raison. Mais le dire, est-ce suffisant ? Comment faire reculer ce vote si l'on n'en analyse pas les ressorts et que l'on se renvoie les responsabilités au fil des plateaux télés ? 

Hier soir, c'était frappant : les partis, les élu-e-s, les journalistes, les syndicats, les associations, les expertes et les experts, les écrivaines et les écrivains, ... ce n'est de la faute de personne. 

Et bien, je le dis : le score du Front National, c'est beaucoup de leur faute. Et aussi un peu de la mienne. Parce que, comme beaucoup, j'ai vu le mur arriver. Et que j'ai le sentiment de ne pas avoir assez fait pour l'éviter.

J'ai vu le mur arriver en 2011, quand, pendant la campagne, nous disions que 10 ans de droite au pouvoir avaient en profondeur (dé)structuré les mentalités et le débat public. Que l'ensemble de l'échiquier politique était peu à peu tiré vers la droite et l'extrême-droite à coups de "travailler plus pour gagner plus", de bouclier fiscal, de "débat" sur l'identité nationale, etc... Nous expliquions d'ailleurs chaque semaine que le Président de la République de l'époque était responsable de l'état politique et social du pays (pourquoi cela aurait-il changé ?).

J'ai vu le mur arriver en 2012. Quand François Hollande a, dès le mois de mai, renoncé à son principal engagement de campagne, la réorientation de l'Europe par la renégociation du traité de stabilité européen (TSCG). Quand il a offert des milliards d'euros aux entreprises sans aucune contrepartie (le CICE), puis qu'il a enterré successivement la réforme fiscale, le récépissé pour lutter contre le contrôle au faciès, le droit de vote des étrangers, il a fait progresser l'idée que les promesses n'engageaient que les imbéciles, comme nous, qui y avions cru (même qu'un peu). En reprenant à son compte les thèmes du "ras-le-bol fiscal", du "coût du travail", des "roms qui ne s'intègreraient pas", en hésitant 3 mois avant de (ne pas) virer Cahuzac, lui et son Premier ministre ont ouvert un boulevard à l'idée que les responsables politiques se valaient toutes et tous. Et ils ont, sans doute malgré eux (j'en arrive parfois à douter), validé les thèses de ceux que nous combattions.

J'ai vu le mur arriver en 2013. Quand la réforme des retraites a commencé à se dessiner. Comment donner confiance dans la chose politique si, une fois élu-e-s, nous mettons en oeuvre des réformes contre lesquelles nous nous étions mobilisé-e-s 3 ans auparavant ?

J'ai vu le mur arriver en 2014. Quand, au lendemain des élections départementales, les responsables politiques ont dit, sur tous les plateaux, que "le message avait été entendu" et qu'il fallait "amplifier les réformes". Comment prendre les gens pour des abrutis, avec le sourire en plus.

J'ai vu le mur arriver en 2015. Quand, au lendemain d'attentats terribles et meurtriers, nos parlementaires (à l'exception de 6 d'entre eux) ont validé des mesures de restrictions des libertés au nom de nos libertés. Quand le gouvernement a repris à son compte une proposition tirée  du programme de l'extrême-droite, comme la déchéance de la nationalité. Quand on a laissé l'état d'urgence devenir un grand n'importe quoi et ouvert les vannes à l'islamophobie, au racisme, à la misogynie, à l'emprisonnement de militants écologistes.

Le mur est là, tout près. Si on s'y met, on peut peut-être virer de bord et éviter le crash en 2017. Cette reconstruction impliquera sans aucun doute un changement de nos pratiques, un renouvellement de nos mots, de nos propositions, des têtes qui nous représentent, une capacité à nous remettre en question, à ouvrir les portes, les fenêtres à celles et ceux que nous avons exclus. Ca ne sera sans doute pas tous les jours agréables. Mais quel procressus de refondation l'est ?

Il nous reste 514 jours pour construire une alternative et que Marine Le Pen ne soit pas Présidente de la République.

Qui en est ? 

Caroline De Haas

Mise à jour : Florence Pelissier, militante féministe et écologiste, dans un commentaire sur Facebook, me fait très justement remarquer que je ne dis pas un mot des enjeux climatiques. J'avoue, en lisant son post, j'ai essayé 5 secondes de me trouver une excuse. Mais en fait, même en cherchant pas il n'y en a pas. Aucune excuse (en plus en pleine COP21) pour écrire un texte qui cite les enjeux économiques, sociaux, d'égalité sans parler de l'urgence climatique.

La seule explication, c'est que cette question ne fait pas (encore) complètement partie de ma colonne vertébrale intellectuelle et militante. Et c'est un sacré problème. Certes, je me forme, je lis, je surveille ma consommation, mes comportements, je télécharge 90 jours (merci @Elliotgazouille). Mais force est de constater que l'écologie n'a pas encore atteint, dans mon engagement militant, la place qu'occupe le féminisme, qui est devenu il y a 10 ans, une grille de lecture de l'ensemble de la société.

La bonne nouvelle, c'est que j'ai des ami-e-s pour me le rappeler : merci Florence !

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