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Billet de blog 13 mai 2016

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Violences sexuelles : le grand déni

La publication de la très complète enquête de Médiapart et France Inter concernant Denis Baupin et la façon dont elle a été reçue dans les médias et les responsables politiques montre que nous avons fait un bon bout de chemin. Elle révèle aussi celui qu’il nous reste à parcourir. Levons l'omerta.

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Entre 2011 et 2016, le traitement médiatique et politique des violences sexuelles commises par des responsables politiques a profondément changé. Certes, il reste ici ou là quelques individus de type préhistorique, à l’image de Pierre Lellouche (député Les Républicains), qui font un étalage crasse de leur imbécillité et de leur mépris des femmes. Mais nous sommes loin du grand déballage sexiste auquel nous avions assisté, médusées, au moment de l’affaire du Sofitel. La parole des huit femmes courageuses qui ont brisé l’omerta a peu été remise en cause. Elle a même été saluée par plusieurs responsables politiques qui ont souligné l’importance de ces témoignages pour lever la chape de plomb qui pèse sur les victimes de violences sexuelles.

Le sexisme n’a certes pas disparu, mais il s’affiche moins facilement. Et c’est déjà un progrès. Ne plus oser tenir en public, face caméra, des propos sexistes, c’est la première étape. Ensuite, on n’ose plus les tenir en privé, notamment devant les enfants. Et, à force de ne plus tenir ou entendre de propos sexistes, on finit par ne même plus les penser.

J’entends souvent quand j’anime des formations sur l’égalité professionnelle ou les discriminations, « C’est grave, on ne peut plus rien dire ! ». Au début, je me justifiais : « Mais si, n’exagérez pas… ». Maintenant, j’assume. Oui. On ne peut plus, autant qu’avant, tenir des propos racistes, antisémites, homophobes, lesbophobes, sexistes, etc…

Et alors ? C’est le signe que notre société progresse. Pas suffisamment d’ailleurs. Cette semaine, un député Les républicains a déposé un amendement raciste à l’Assemblée Nationale. Hier, Laurent Laffitte a expliqué que de dénoncer le viol d’une mineure de 13 ans, c’était du « puritanisme ».

Malheureusement, on « peut » donc encore dire trop de choses.

(Parenthèse : je ne suis pas en train de parler de lois ou règlements. Je pense même – nous sommes loin d’être d’accord sur ce sujet dans le mouvement féministe – qu’on devrait éviter de légiférer sur les propos. Pour moi, on combat une idée et des paroles en argumentant, écrivant, en parlant, en expliquant, en faisant de la politique, en la rendant « indisable » socialement, pas en l’interdisant juridiquement)

Ce changement entre 2011 et 2016 dans la parole de beaucoup de réponsables politiques ou de journalistes souligne en même temps cruellement le chemin qu’il reste à parcourir.

Parmi les propos qui m’ont le plus sidérée ces derniers jours, on trouve notamment les propos de l’Elysée et Matignon, tenus sans doute par des conseiller.e.s du Président et du Premier ministre. Pour les premiers, l’affaire Baupin est une affaire interne aux Verts. Pour les autres, il s’agirait d’une affaire privée.

J’en suis restée sans voix. Nous avons entendu depuis lundi des dizaines de témoignages de faits de violences sexuelles par des responsables. 1 femme sur 5 est victime de harcèlement sexuel au travail. 84 000 femmes sont violées chaque année en France. 1 femme sur 10 est victime de violence conjugale.

Une affaire « privée » ? Mais comment est-ce possible que dans l’entourage du Premier Ministre, on méconnaisse à ce point là le problème ?

Quand une institution – Matignon – censée incarner, notamment, le respect de l’ordre public explique qu’une violence sexuelle est une affaire personnelle, elle envoie clairement le message à toute la société que ce n’est pas son problème. « Violez tranquille, cela ne nous concerne pas ».

C’est l’exact inverse de ce qu’un Premier ministre devrait dire s’il veut en finir avec les violences contre les femmes et aider à lever l'omerta.

Caroline De Haas, militante féministe 

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