Ce soir, Valeurs Actuelles a publié un article expliquant que ma seule proposition pour lutter contre les violences était "d'élargir les trottoirs". Hum. A force de prendre ses lecteurs pour des imbéciles, on pourrait penser que le journal aurait coulé. Pensez-vous. L'article n'a réussi (c'était sans doute l'objectif) qu'à déclencher une série de tweets et de messages privés insultants. "Salope", "Connasse", "Va te faire violer" ...
Je suis fatiguée des insultes, des violences que ces militantes et militants d'extrême-droite déversent sur les réseaux sociaux. Lutter contre les violences faites aux femmes en insultant une femme. Les champions...
On est maintenant tellement habitué.e.s qu'on devrait arrêter de s'en étonner.
Depuis près de 10 ans, je milite dans des associations féministes pour lutter contre les violences à l'encontre des femmes. Depuis 4 ans, je forme des professionnel.le.s à comprendre l'ampleur des violences et à les faire reculer. Chaque 25 novembre, nous manifestons avec les organisations féministes contre ces violences qui tuent, abiment des milliers de femmes. Ces violences qui nous empêchent de nous déplacer sereinement, de travailler efficacement, de vivre tout simplement. Nous essayons de rendre le sujet visible dans un silence assourdissant des journalistes. Le 25 novembre dernier, quasiment aucun média n'a parlé de la thématique (c'était la primaire de la droite, vous comprenez, on a d'autres priorités). Même pas Olivier Truchot, de RMC, qui explique aujourd'hui qu'on entend pas assez les féministes. (Oui, être féministe, c'est s'entendre très souvent dire qu'on ne fait pas assez ceci ou qu'on fait trop souvent cela. En général, quand vous êtes féministes et que vous faites quelque chose, ça ne va jamais).
Suite à l'article du Parisien expliquant qu'un quartier de Paris (La Chapelle / Pajol) était interdit aux femmes (voir ici un témoignage un peu différent d'une femme de La Chapelle), plein de gens ont réagi.
La droite est bien entendu montée au créneau, Valérie Pécresse en tête. La présidente de la région Île-de-France a pourtant interrompu à son arrivée le programme de formation des étudiant.e.s travailleurs sociaux sur les violences sexuelles. Plusieurs milliers de futur.e.s travailleurs sociaux étaient formés, comme des milliers d'infirmier.e.s, à détecter, accompagner et orienter les femmes victimes de violences. Faute de moyens, la formation s'arrête. Personne n'a relevé la bizarrerie : manifestement, on peut raconter des trucs à la télé et faire exactement l'inverse dans la réalité...
J'ai de mon côté répondu aux questions de France 3. Lors de l'échange avec la journaliste, j'ai rappelé plusieurs choses :
1. D'abord, que les violences sexuelles à l'encontre des femmes ont lieu partout. Dans tous les pays du monde, dans tous les quartiers du monde, dans tous les immeubles du monde, dans tous les bureaux du monde. 230 femmes sont violées chaque jour. 1 sur 5 subit du harcèlement sexuel au travail. 100% des femmes ont été harcelées dans les transports en commun à Paris. Les violences sexistes et sexuelles sont massives.
2. Ensuite, j'ai proposé qu'on passe de l'indignation à l'action. Des dizaines de chercheuses et chercheurs, responsables d'associations, militantes et militants féministes ont travaillé sur le harcèlement, notamment le harcèlement de rue. On connaît les solutions, à La Chapelle comme ailleurs : 1. la prévention et l'éducation (les moyens ne cessent de se réduire du côté des centres sociaux) 2. les sanctions (elles existent mais ne sont jamais appliquées, essayez d'aller porter plainte pour harcèlement de rue) 3. l'aménagement de l'espace urbain (plus d'espace, de l'éclairage). Pourquoi ne les met on pas en place ?
3. Enfin, j'ai rappelé qu'à chaque fois que des citoyennes, citoyens ou partis politiques, expliquent (ou sous entendent) que les violences ne sont le fait que d'une catégorie de la population, non seulement ils mentent (les 230 femmes violées chaque jour le sont dans 80% des cas par un homme de leur entourage) mais ils alimentent le racisme. Ils n'apportent aucune solution aux violences que subissent les femmes et en plus, ajoutent la violence subit par les racisé.e.s.
On n'entend jamais la droite ou l'extrême-droite sur les violences que subissent les femmes. Sauf lorsque ces violences sont commises par des étrangers. Comme si lorsqu'un français violait, c'était moins grave. Une violence sexuelle est une violence sexuelle. Qu'elle soit subie à La Chapelle, à Bourg en Bresse ou à Bordeaux, qu'elle soit le fait d'un père, d'un voisin, d'un migrant ou d'un manager, elle est intolérable.
Caroline De Haas
NB : dans le cadre de la campagne des législatives, on mène une nouvelle action contre le harcèlement de rue. Si vous souhaitez participer, inscrivez-vous ici : https://formdivers.typeform.com/to/Lu25PQ