Le résultat d'hier confirme (une fois de plus) qu'une gauche qui se fourvoie et trahit ne peut amener que la droite et l'extrême droite au pouvoir. Des mesures qui font baisser les protections collectives, des discours qui abîment la cohésion sociale ou des lois qui font régresser nos conditions de travail n'amènent pas le pays à demander plus de droits collectifs ou de service public. Que ces cinq années débouchent sur le visage de Marine Le Pen sur nos écrans illustre, si besoin était, le désastre des politiques menées par François Hollande et ses allié.e.s.
La poussée spectaculaire de Jean-Luc Mélenchon, qui a réussi à tracer une perspective majoritaire à gauche, n'a pas permis d'inverser la donne.
Paradoxe étrange : nous avons détesté ce quinquennat et nous mettons en tête de nos suffrages un de ceux qui, avec François Hollande et Manuel Valls, l'incarne le mieux. Le décalage entre la France d'il y a un an, qui se mobilisait en masse contre la Loi travail et celle d'aujourd'hui, qui a placé en tête l'un de ses plus farouche partisan semble abyssal.
Dimanche soir, j'ai eu du mal à passer les étapes du deuil.
Plusieurs internautes m'ont répondu, à juste titre, qu'il manquait la phase 4 : l'action.
Donc, que faire ? (comme disait l'autre)
Depuis dimanche soir, j'ai lu nombre de mes ami.e.s échanger (parfois s'écharper) sur la conduite à tenir. Le sentiment partagé est qu'aller voter pour quelqu'un qui mènera une politique économique qui va favoriser le FN n'a aucun sens. Les politiques économiques menées depuis 5 ans, avec le soutien plein et entier d'Emmanuel Macron ont échoué à faire reculer le chômage et les inégalités. Elles ont laissé penser que la gauche et la droite n'avaient pas tant de différences que cela (refrain allègrement repris dans la campagne d'En Marche). Elles ont fait le beurre du FN.
Mettre dans l'urne un bulletin portant le nom d'un candidat qui veut déréguler le code du travail, est favorable au nucléaire, veut supprimer des postes de fonctionnaires ou gouverner par ordonnances est un non sens absolu.
C'est vrai. Et c'est pour cette raison qu'une grande partie de moi comprend mes ami.e.s qui n'iront pas voter. Mes ami.e.s qui disent qu'on leur a déjà fait le coup. Qui en ont assez de ces chantages au FN quand nous ne sommes pas responsables de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Qui ont le sentiment qu'en votant Macron, on va maintenir sous perfusion un système politique qui marche sur la tête et nous amène dans le mur.
Je suis d'accord avec elles et avec eux. Mais...
Mon attitude le 7 mai ne répondra pas uniquement à la question : "Est-ce que Emmanuel Macron est un bon choix pour mon pays ?". Mon vote du 7 mai répondra aussi à la question : "Quel est le résultat qui me permettra demain de mener la bataille ?".
Dans quelles conditions est-ce que je pourrais le mieux résister ? Dans quelles conditions les combats féministes, antiracistes, écologistes, syndicalistes seront-ils moins difficiles à mener ? Malgré l'immensité des désaccords que j'ai avec Emmanuel Macron, son accession à l'Elysée n'aura pas les mêmes conséquences sur les conditions des mobilisations que l'accession de Marine Le Pen. Cette dernière remettra en cause l'État de droit qui permet notamment aux contre pouvoirs d'exister et de résister (justice, média, société civile, opposition politique). La victoire de Macron ne créera pas les mêmes conditions pour reconstruire un mouvement de gauche et écologiste majoritaire dans notre pays.
Je réponds donc à la question qui m'est posée : dans un pays qui a éliminé la gauche et les écologistes du second tour, comment créer les meilleures conditions possibles de la défense de nos droits et de la reconquête ?
La première étape est de faire reculer le Front national.
La deuxième étape est de construire un mouvement social et politique à vocation majoritaire.
Le score de Jean-Luc Mélenchon est un formidable appui pour que ce mouvement se développe, convainque, éduque, recrute, résiste, mène les batailles, en gagne certaines et prépare l'avenir.
Dans les semaines qui viennent, nous pourrons le faire dans la rue (RDV le 1er mai). Nous pourrons aussi le faire dans les urnes, les 11 et 18 juin. Emmanuel Macron, s'il est président, n'aura pas automatiquement de majorité.
A nous de réussir, partout en France, à faire élire des député.e.s pour résister, jouer le rôle de lanceurs d'alerte et soutenir les mobilisations sociales. Plus nous serons nombreuses et nombreux à l'Assemblée, plus nous aurons les moyens de résister à la Loi travail 2, aux reculs sur l'écologie ou à la suppression de postes de fonctionnaires.
C'est notamment pour cela que je me présente à l'élection législative dans le 18ème arrondissement, entourée de dizaines de citoyennes et citoyens, militant.e.s ou non, écologistes, communistes, insoumis ou hamonistes. Nous aurions préféré faire campagne pour participer à une majorité politique. Nous ferons campagne pour faire entendre à l'Assemblée les voix de celles et ceux que Macron ou Le Pen n'incarnent pas. Toutes celles et ceux qui se sont retrouvés dans le vote Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon ou Philippe Poutou. Celles et ceux qui n'ont pas voté, dégouté d'un système politique qui ne les représente plus. Et aussi celles et ceux qui ont voté Macron en pensant "vote utile" mais qui ont manifesté l'an dernier contre la Loi travail.
Des candidatures qui nous rassemblent et qui nous ressemblent ont émergé un peu partout en France. Elles sont la condition sine qua none pour réussir à envoyer à l'Assemblée des député.e.s qui mettront au coeur de leur action l'intérêt général.
Toutes et tous, nous sommes animés par cette détermination à construire un chemin qui nous donnera les moyens de transformer en profondeur la société. Nous sommes tristes et en colère. Mais nous allons repartir à la bataille, très vite, avec notre enthousiasme et notre volonté.
Nous ne lâcherons pas.
Caroline De Haas, militante féministe, candidate aux législatives (http://la18citoyenne.fr)
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