Lorsque l'on travaille, milite, discute de l'égalité entre les sexes, le premier frein auquel on se heurte est l'illusion de l'égalité. Ce sentiment, qu'au fond, on a tellement avancé ces dernières décennies qu'on aurait presque gagné. "Franchement, ça va, tu vas pas te plaindre quand même". Comme si le fait que la situation des femmes en France, en 2017, était meilleure qu'en 1917 suffisait. Comme si le fait qu'on soit passé de 0% de femmes maires à 16%, c'était bien assez. Comme si le fait qu'on soit à 24% d'écart de salaire et pas à 45%, sincèrement, c'était pas si grave.
Le principal résultat de cette illusion de l'égalité, les politiques publiques comme la mobilisation de la société, des entreprises ou des syndicats sur le sujet restent à des niveaux insuffisants.
L'autre conséquence, c'est que nous minimisons systématiquement la réalité. En essayant de montrer que tout va bien. Pour se rassurer ? Pour éviter de travailler sur les inégalités de sa structures ? Par naïveté ? En tous cas, ça marche à tous les coups.
Tu soulignes une inégalité, et là, on t'explique qu'en fait, t'as pas bien compris.
Vendredi matin, j'ai donc souligné l'absence de femmes dans un colloque organisé par la Fondation Jean Jaurès sur "Socialisme et culture". Réponse immédiate de la militante féministe Marlène Schiappa :
Chaque fond qu'on me dit que j'exagère, au fond de moi, une petite voix me dit systématiquement "Ils ont raison, Caro, tu vas trop loin".
Quand j'entends cette petite voix, je sors ma calculatrice. La calculette, c'est le meilleur outil de travail de toute militante ou tout militant de l'égalité. Parce qu'elle permet de montrer la réalité. Pas l'illusion de l'égalité, la réalité.
Lorsque l'on va sur le site de la Fondation Jean Jaurès (https://jean-jaures.org/), la réalité est très facile à calculer.
Sur les 9 derniers événements de la Fondation Jean Jaurès, 99 hommes ont pris la parole, 38 femmes (27,7%)
Sur le blog de la Fondation Jean Jaurès, on trouve 65 articles écrits depuis 9 mois. 53 signés par des hommes, 12 par des femmes (18.4%). Sur les articles écrits par les femmes, 33% concernent... les droits des femmes. Côté hommes, c'est 1.8%.
Bref, la caricature, ce n'est pas moi. C'est la société et la façon dont, de manière totalement anodine, elle fait disparaître les femmes des espaces de pouvoir et de débats. Et le plus fort, c'est qu'elle réussit à nous faire croire le contraire.