Formation des stagiaires
Lettre au recteur - journées de formation des stagiairesSource SNES 47
Premier témoignage
cri.jpg« Je vous adresse le présent courrier pour vous faire part du
contenu discutable et du traitement intolérable qui a été réservé aux
professeurs stagiaires hier, vendredi 03/12/10, au lycée Gustave Eiffel,
à Bordeaux. Non contentes de nous avoir fait passer le matinée à écouter
le détail des missions du recteur et du fonctionnement du système
éducatif français, les autorités compétentes ont décidé de consacrer
l'après midi au thème de l'enseignement de défense et à la présentation
des différents types de coopération possibles entre l'armée et
l'éducation nationale.
Je ne doute pas que ce soit là un programme d'information adapté aux néo
fonctionnaires que nous sommes. En revanche, je doute fortement de la
pertinence de nous faire assister à cette journée alors même qu'aucun
d'entre nous n'a commencé sa formation disciplinaire ce qui, de l'avis
de tous, est une urgence bien réelle.
D'autre part, j'ai été profondément choqué par le choix des thèmes
abordés et encore plus par le choix de certaines images. On peut, en
effet, se questionner quant à l'intérêt d'une propagande de l'insécurité
sur fond de Twin Towers en flammes ! Aussi, il serait surement
préférable, au moment où l'on tente de convaincre les jeunes professeurs
qu'il ne faut pas hésiter à orienter leurs élèves vers l'armée, de ne
pas leur montrer une image d'un jeune tenant un fusil d'assaut en joue,
lors de sa JAPD.
Dans un autre registre, je tiens également à vous faire part de la façon
dont on nous a traités. Je n'excuse pas le retard de certains de mes
camarades, mais ce n'est pas une raison pour se laisser aller à des
règlements de compte au micro, en questionnant notre "posture
professionnelle", notre respect de la déontologie ou bien encore en
affirmant la supériorité du corps militaire face aux réflexions stériles
menées par des intellectuels en salle des profs ! Il me semble que la
tournure exacte était "Les discussions entre militaires ça n'a rien à
voir avec les discussions entre intellectuels qu'on entend en salle des
profs. [...] Nous il nous faut des décisions rapides car ça débouche sur
de l'action."
Face à l'inutilité relative du contenu et l'hostilité palpable qui nous
a été témoignée, nombre d'entre nous n'avons pas assisté à l'intégralité
de la présentation l'après-midi. Nos collègues des Landes ont, eux
aussi, témoigné leur mécontentement envers le choix thématique de la
formation en quittant massivement les lieux. Il faut rappeler que nous
ne sommes pas une bande d'élèves dissipés (comme nos intervenants de
Bordeaux l'ont cru), mais bien des professeurs et que si nous en
arrivons à ce genre d'attitude il doit bien y avoir des raisons. Le
temps de la remise en question est peut-être venu !
Je ne serai certainement pas le seul à vous écrire à ce sujet et
j'espère que vous ferez part de notre message à qui de droit.
Je vous prie également de bien vouloir respecter l'anonymat de mes propos.
Un stagiaire en colère. »
Deuxième témoignage
« Cher collègue,
Je me permets de vous envoyer ce mail car je voudrais témoigner
directement de ce que vivent les professeurs stagiaires lors de leurs
formations organisées par le corps d’inspection.
Lors de la réunion de « formation » du vendredi 3 décembre, qui s’est
tenue au lycée Gustave Eiffel à Bordeaux, les professeurs stagiaires ont
été conviés à suivre un cours magistral de 9h30 à 12h30. Les
interventions successives n’ont répondu en rien à nos demandes les plus
pressantes et à nos inquiétudes. La première traitait de l’organisation
interne d’un rectorat, avec toutes ses strates de responsabilités, la
seconde expliquait avec un tableau obsolète comment les IPR décident
d’une note pédagogique lors de leurs visites etc… A la fin de la
troisième intervention détaillant les droits et devoirs du
fonctionnaire, un responsable des ressources humaines nous a rappelé que
nous « devions » 35 heures par semaine à l’Etat et que nous n’étions pas
une profession libérale et que nous dépendions d’une hiérarchie
structurée. Inutile de vous préciser que beaucoup d’entre nous ont très
mal apprécié ce « petit rappel » qui, en plus de résulter d’un postulat
douteux, prouve encore une fois (et c’est peut être le plus grave) que
les autorités sont bien loin de la réalité de ce que vivent les
professeurs stagiaires !
D’ailleurs à la fin de l’intervention, un collègue a posé la question
suivante : « tout ce que vous nous dites est certes intéressant et je
suis d’accord qu’en tant que fonctionnaire, nous nous devons de
connaître le fonctionnement de notre institution mais qu’en est-il de
notre droit à la formation disciplinaire ? Nous n’avons encore eu à ce
jour aucune formation ! » A cette invective fortement applaudie par
tous, une inspectrice a pris la parole et a répondu : « Il faut savoir
qu’il est du devoir de tout enseignant de s’auto former et les tuteurs
sont aussi là pour vous aider… ».
Pour la matinée de ce vendredi 3 décembre je regrette tout simplement
que le contenu de la formation soit non pertinent par rapport à nos
nombreuses attentes.
Ce problème de formation des profs stagiaires est un problème maintenant
connu et je n’aurais pas pris la peine de vous écrire pour quelque chose
que vous connaissez déjà. En fait, je voudrais surtout vous rendre
compte de ce qui s’est passé l’après midi de cette « formation ».
A notre grande surprise, à 14h, lorsque la réunion a repris, nous avons
vu se succéder à la tribune deux militaires, un major et un colonel (si
je me souviens bien) accompagné d’un IPR d’histoire géographie et d’un
professeur agrégé d’histoire, commandant de réserve.
Les thèmes abordés ont été alors plus exotiques les uns que les autres,
« l’enseignement de la défense », « la défense aujourd’hui : nouvelles
menaces, nouvelles configurations, les enjeux », « un exemple de
partenariat Défense/lycée », « le recensement et la JAPD » etc.
Tous ces thèmes ont été servis avec une sauce idéologique
particulièrement intéressante : « Grâce à dieu, grâce à dieu, grâce à
dieu nous connaissons la paix en Europe depuis plus de 60 ans ». « La
paix a été préservée grâce à la bombe nucléaire », etc… Nous avons aussi
été incités à orienter nos élèves en difficulté vers des carrières
militaires !! Tout ça avec en arrière plan des images de jeunes
militaires avec des armes à la main en exercice de tirs, etc…
Nous avons été plusieurs à nous demander si ce n’était pas une mauvaise
blague avec une caméra cachée…
Evidemment beaucoup de nos collègues furieux que l’on se moque de leurs
préoccupations quotidiennes (apprendre à construire des séquences de
cours ou évaluer les élèves par exemple) ont déjà commencé à quitter
massivement les lieux… l’IPR, irrité, alors lâche quelques remarques
injurieuses allant jusqu’à remettre en doute notre posture
professionnelle. Peut être aurait-il dû se féliciter d’avoir devant lui
des enseignants avec un esprit critique !
La fin de la séance a été épique, l’IPR nous a interpelés en nous
interpellant : « Bon… nous sommes en retard mais … A qui la faute ? » …
Il a ensuite apostrophé une professeur stagiaire qui était en train de
se diriger vers la sortie et lui a dit « Mademoiselle, vous n’avez pas
le droit de quitter la salle, vous êtes payée pour suivre ces formations
»… A la professeur stagiaire de lui rétorquer courageusement « j’ai un
train à prendre, il est 16h 31 et je ne suis payée que jusqu’à 16h30 ».
Face à l’hostilité généralisée et réciproque, beaucoup ont quitté la
salle. Le commandant de réserve, visiblement en colère se permet une
comparaison hasardeuse : «En salle des profs, on entend des
conversations d’intellectuels qui ne servent à rien alors que nous dans
l’armée on est dans l’action pour la nation » et enfin, un autre gradé
de l’armée prend la suite en affirmant de manière décomplexée qu’il n’y
a pas de déontologie dans l’éducation nationale !
Pour conclure, nous nous sommes tous sentis insultés tant par le choix
des thèmes abordés qui témoignent d’une ignorance totale de nos
problèmes quotidiens que par des propos inacceptables à notre égard et
sur l’ensemble de la profession que, quelque part nous représentions ce
jour là. »