Presque un an, jour pour jour après les mises en demeure de victimes malades de la pollution au « rokash » à Samana en République Dominicaine, l’affaire est portée devant la justice Dominicaine. La première audience a eu lieu ce 5 mars 2019.
Tout avait commencé en 2004, à Arroyo Baril lorsque la multinationale Américaine AES avait déposé frauduleusement près des plages touristiques paradisiaques plus de 80 000 tonnes de déchets provenant de la combustion de charbon à Puerto RICO pour produire l’électricité. La fraude et la corruption avaient été reconnues puis sanctionnées en République Dominicaine mais l’indemnisation des victimes de la pollution (décès, cancers, avortements) avait été passée sous silence.
A l’époque les instances médicales, affolées par les malformations des nouveaux nés avaient même conseillé aux femmes de ne pas faire de bébé ou d’avorter.
Le rocash ou coal ash ou cendre volante est l’un trois déchets issus de la combustion dans les chaudières de centrales électriques au charbon. À échelle microscopique, ces cendres présentent un agglomérat de particules fines volantes extraites des gaz rejetés dans l’air. Elles sont capturées et stockées puis mises en décharge. Ces déchets contiennent arsenic, béryllium, bore, cadmium, chrome, chrome hexavalent, cobalt, plomb, manganèse, mercure, molybdène, sélénium, strontium, thallium et vanadium extrêmement toxiques pour la sante. Extrêmement volatiles, sans protection ils se mélangent à la terre, à la mer et vont dans les airs.
Le pire est qu’une partie a pu être utilisée pour le Béton (la cendre s’y substitue au sable ou au clinker), les Remblais et matériaux de comblement ou lissage (en construction routière principalement et pour combler des tranchées), les joints de carrelage, les remblais, les Clinkers de ciments (la cendre y remplace partiellement l'argile), les Matériaux de Comblement, les Sous-couche routière car c’est tout Samana qui serait contaminé.
Un premier groupe de 40 plaignants avait engagé une action en justice devant la justice Américaine, qui s’était solutionnée par un accord transactionnel de plusieurs dizaines millions de dollars en 2016 lorsque la valeur en bourse des actions AES avait commencé à dévisser de 18%. D’aucuns disent que suite à un accord secret c’est le gouvernement Dominicain qui aurait payé pour AES. L’affaire étouffée avait été peu médiatisée.
En 2018 après plusieurs décès d’adultes et d’enfants, un autre groupe de plusieurs centaines de victimes malades de cancer et autres affections dénoncent à nouveau le scandale Rokash et demandent indemnisation.
Les plaignants mettent en cause la société Américaine AES, responsable du traffic en son temps. Apres avoir hésité à porter le litige devant la justice Américaine, compte tenu de la politique nouvelle menée par le Président TRUMP, ils ont préféré engager leur action dans leur propre pays.
Les mises en demeure adressées aux compagnies sont restées lettre morte. Pourtant les Avocats Dominicains des victimes avaient fait alliance avec un cabinet New Yorkais, spécialisé dans ce genre d’affaires. Le cabinet New Yorkais “GRANT & EISENHOFER ” avait fait condamner à plus de 18 milliards de dollars des multinationales ces 10 dernières années.
Pour les plaignants les déchets sont responsables de leurs maladies, considérant que la contamination du rokash est un poison lent et certain qui a contaminé les airs, la terre, et la mer. Une procédure devrait aussi être aussi initiée prochainement devant la justice Française pour le préjudice par ricochet aux Antilles Françaises du fait des courants marins.
Le groupe AES est une multinationale Américaine, qui réalise 80 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an et provisionne 400 millions de dollars annuels pour indemniser les préjudices qu’elle occasionne.
En son temps elle avait été administrateur de la société AES Dominicaine qui produit 50% de l’électricité en République Dominicaine et compte comme administrateurs des vénézuéliens et comme associés les grandes familles Dominicaines et des sociétés basées dans les paradis fiscaux .
La société AES ANDRES BV, propriétaire entre autres du nom commercial « AES DOMINICANA », avait apporté à AES ANDRES DR (République Dominicaine) les contrats de concession d’import et de distribution de gaz et de production d’électricité signés le 4 aout 2000, le 11 aout 2000 et le 18 septembre 2000. Cette société Dominicaine est la succursale d’une société offshore domiciliée aux iles Cayman, cette dernière étant elle-même détenue par une société dont 8% du capital avait été acheté par le groupe Dominicain Estrela pour 98 millions de dollars.
Le 31 octobre 2014 la société AES ANDRES BV avait apporté ses actifs à sa filiale AES ANDRES DR SA pour un montant de 16 milliards. Presque immédiatement après cet apport la société avait réduit son capital social de 5 milliards, aussitôt payés à AES ANDRES BV. Les années suivantes, entre 2014 et 2017, la société AES avait versé 11 milliards de dollars à la société AES ANDRES BV dont le siège social est aux Iles Cayman.
La retenue à la source prévue par l’article 305 du code des Impôts Dominicains qui aurait normalement du être payée représente plus de 1 milliard de dollars.
L’énorme multinationale américaine HENRY HUB et le groupe Français ENGIE (ex GDF) sont aussi partenaires de AES Dominicaine. ENGIE SA est partenaire au terme d’un accord du 29 novembre 2016 validé le 17 mai 2017.
L’assignation en justice notifiée le 20 décembre 2018 sous le numéro 871/18 et enrôlée le 18 janvier 2019 sous le numéro 1901117 rappelle que le droit international et notamment la convention de Bale sont applicables en République Dominicaine, signataire de ces accords, que l’action n’est pas prescrite et que la charge de la preuve est inversée en ce domaine. Ce sera à AES de prouver que ses déchets ne sont pas responsables des préjudices aux victimes et non aux victimes à prouver que les déchets sont responsables de leur mal. Le cabinet d’Avocat explique que l’inversement de la charge de la preuve est fondamentale pour les victimes, toutes pauvres, car ce sera au groupe défendeur d’assumer toutes les expertises. Les victimes demandent 404 millions de dollars d’indemnisation, une goutte d’eau pour ce groupe, juste une provision annuelle.
Cette affaire n’est pas sans rappeler le film avec Julia Roberts tire d’une histoire vraie de pollution des eaux. Les avocats en charge de l’affaire, dont un Français, disent subir de nombreuses pressions pour leur interdire d’exercer et d’accomplir leur mission.
La première audience a eu lieu en mars mais aucun avocat n’a encore déclaré représenter en défense le groupe AES.
Les victimes souhaitent évoquer la question des centaines de millions de dollars de bénéfices envoyés chaque année vers les filiales offshores des Iles Cayman et des Iles Vierges, alors que le site contaminé continue de tuer.
L’article 47 du récent règlement Dominicain 155/2017 du 16 novembre 2017 et l’article 11 de la loi 155-17 anti blanchiment prévoient que le délit fiscal est considéré comme un blanchiment d’argent. Certaines victimes étant Françaises et certains partenaires d’AES étant Français elles envisagent de porter la question de l’évasion fiscale internationale de ce groupe devant le pôle financier Parisien.
La question préoccupante est de savoir si la santé des milliers de touristes qui viennent chaque année séjourner ou investir à Samana, lieu de pollution au Rokash, sera affectée.
Aucun procès des victimes n’ayant jamais été ouvert en République Dominicaine, cette action permettra peut-être de faire la lumière sur les responsabilités et surtout sur l’actualisation des risques de cette pollution.