Une campagne publicitaire qui prend de la hauteur
Vous avez sans doute déjà vu à la télé cette campagne publicitaire sur « mon espace santé » avec un cosmonaute qui vante les mérites de ce nouvel « espace »
Maintenant, pour mieux gérer votre santé, tout se passe dans l’espace, nous dit-on. Pas l’espace intersidéral, avec les planètes, les soleils et la voie lactée, non… C’est ce merveilleux espace santé où l’on peut ranger ses infos médicales et accéder à de nouveaux services. Ici, le maître mot est « sécurisé ». La pub se termine alors sur cette promesse irrésistible : « mon espace santé, vous avez la main sur votre santé ».
Hum…
Sécurisé, vraiment ?
Nous garderons la main sur cet espace, vraiment ?
Bientôt, on ne pourra plus s’en passer…
C’est vrai que ça a l’air bien pratique, cette affaire. J’ai perdu mes dernières analyses ? Aucun problème. Elles seront à disposition dans le nouvel espace santé.
Je souffre d’une maladie chronique et voudrais savoir où j’en suis ? Pas de panique. Le nouvel espace santé va retracer mes ordonnances, traitements, consultations, hospitalisations… De A jusqu’à Z !
Je suis médecin et j’ignore les allergies dont souffre ce nouveau patient arrivé complètement comateux dans mon hôpital ? Miracle ! Le nouvel espace santé va répondre à toutes mes attentes.
Alors, me direz-vous, pourquoi refuser un outil aussi exceptionnel, puisqu’il s’agit d’un espace sécurisé où aucun être cupide et avide de données de santé ne pourra venir fourrer son nez ?
Avant tout, un peu d’histoire.
Ce n’est pas la première fois que les pouvoirs publics tentent de faire accepter à la population un espace informatisé de recueil des actes médicaux. Mais bizarrement, jusqu’ici, nos concitoyens n’ont pas été emballés par le concept. On se demande bien pourquoi.
Tout a commencé en 2004 avec Philippe Douste-Blazy et son « carnet de santé automatisé ». Echec. Puis, en 2018, ça a été le « dossier médical partagé » qui, là encore, n’a pas soulevé l’enthousiasme. Seuls 10 millions de patients ont accepté d’y souscrire. Un peu mieux, mais pas brillant quand même.
Jusqu’ici, la souscription aux systèmes de recueils de données numériques se faisait sur la base du volontariat. Il fallait choisir d’y entrer. Avec « Mon espace santé », l’autorisation de l’usager n’est plus requise. Il est ouvert automatiquement pour chaque personne ayant une assurance maladie. Ceux qui n’en veulent pas auront six semaines pour s’y opposer. On appelle ça le système du « opt out » (choisir de sortir).
On dit aussi : « qui ne dit mot consent ».
Fabriquez-moi un super « opt out » et je vais vous faire entrer vite fait bien fait tous ces citoyens récalcitrants dans le monde merveilleux du numérique !
Oui mais « choisir de sortir » n’est pas forcément « accepter d’y entrer ». Et « qui ne dit mot » ne « consent » pas forcément ! La notion de « consentement libre et éclairé » en prend un sacré coup !
Et le secret médical, dans tout ça ?
Rassurez-vous, braves gens, ce nouvel espace est un véritable coffre-fort numérique !
Sauf que…
Sauf que ce n’est pas la première fois que des petits malins ou des sociétés ayant pignon sur rue pillent ou tentent de piller allègrement nos données de santé.
Car ces données de santé valent de l’or !
- Parlons déjà du vol de données par des hackers du laboratoire français Labio en 2015…
- Parlons aussi des hackers qui, en 2018, ont volé un million et demi de dossiers médicaux à Singapour et rendu public le dossier médical du premier ministre.
- Sans oublier « l’affaire IQVIA », révélée par « Cash investigation » où l’on apprend que la moitié des pharmacies en France transmettent les infos de notre carte vitale à la plus grosse entreprise au monde de collecte de données de santé : la société américaine IQVIA.
- … Et plus récemment, la plainte d’un collectif de professionnels de santé contre le partenariat entre le gouvernement français et Doctolib pour les prises de rendez-vous de vaccination contre la Covid 19 (Doctolib confiant l’hébergement de ses données à une société américaine ne respectant pas le droit européen de protection des données).
Que deviendront les « mauvais élèves » du numérique et de la santé ?
Ce nouvel espace santé brille donc de mille feux pour les employeurs, les assureurs, les GAFAM ou les startup de l’e-santé et pourrait même se transformer en instrument de contrôle politique ou financier. Car la surveillance de nos pratiques médicales existe déjà. Citons la multiplication des « objets connectés » médicaux qui permettent de surveiller les personnes via des techniques de transmission automatique des données. Les patients souffrant d’apnée du sommeil ont failli en faire les frais car il a été question de déremboursement pour ceux ne respectant pas strictement les durées de traitement prescrites ! (décision heureusement invalidée par le Conseil d’Etat). Et puis, que penser des déclarations récentes d’Emmanuel Macron « d’emmerder » les non vaccinés ? Que penser des propos de Martin Hirsch envisageant de faire payer aux non-vaccinés leurs frais d’hospitalisation ?
Allons-nous vers une société déshumanisée où les relations directes entre les médecins et leurs patients deviendront l’exception ? Où la téléconsultation deviendra la norme ? Où l’on punira les « mauvais élèves » refusant un traitement médical agréé par les grands labos et les pouvoirs publics ?
Avec, en plus, la multiplication récente des cyberattaques visant les établissements de santé et mettant en péril la confidentialité des données, il devient plus qu’urgent de s’opposer à ce nouvel espace numérique dans un domaine particulièrement sensible.
Exigeons que notre droit au consentement libre et éclairé soit préservé !
Refusons ce modèle de société « startup nation » où la notion de rentabilité a remplacé la solidarité et l’empathie !
Refusons massivement « Mon espace santé » !
Comment faire pour refuser l’ouverture de « Mon espace santé » ?
Attention ! Vous avez six semaines pour désactiver votre espace santé numérique, à partir de la réception de votre code personnel (si vous ne l’avez pas reçu, vous pouvez malgré tout vous y opposer).
- Par téléphone : appeler le 3422 (service gratuit, du lundi au vendredi de 8H30 à 17H30). Donner le code confidentiel communiqué par mail ou par courrier, son numéro de Sécurité sociale et le numéro de série de sa carte vitale.
- Par internet : s’identifier sur monespacesante.fr puis, saisir le code confidentiel communiqué par mail ou par courrier, son numéro de sécurité sociale et le numéro de série de la carte vitale.
Tutoriel pour s’opposer à « mon espace santé », proposé par le syndicat de médecine générale : https://smg-pratiques.info/IMG/pdf/tuto_smg_refuser_mes.pdf
Un peu de lecture…
Vaccination : le conseil d’Etat refuse de suspendre le partenariat avec Doctolib (15 mars 2021) : https://www.mediapart.fr/journal/france/150321/vaccination-le-conseil-d-etat-refuse-de-suspendre-le-partenariat-avec-doctolib
Le business de nos données médicales. Enquête sur un scandale d’Etat, de Audrey Boulard, Eugène Favier-Baron, Simon Woillet (Editions Fyp, 22 octobre 2021)
Hôpitaux, laboratoires… Pourquoi le secteur de la santé est victime de cyberattaques. Usbek&Rica (30 octobre 2021) : https://usbeketrica.com/fr/article/hopitaux-laboratoires-pourquoi-le-secteur-de-la-sante-est-victime-de-cyberattaques
Protection des données médicales, discrimination aux soins : les risques de Mon Espace Santé (7 janvier 2022) : https://www.numerama.com/sciences/811981-protection-des-donnees-medicales-discrimination-aux-soins-les-risques-de-mon-espace-sante.html
Pièces et main d’œuvre : dites non à l’espace numérique de santé (12 janvier 2022) : https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1624
Syndicat de la médecine générale : mon espace santé, trop de doutes et trop de risques ! (18 janvier 2022) : Mon Espace Santé : trop de doutes et trop de risques ! - SMG, Syndicat de la Médecine Générale (smg-pratiques.info)
Outils du soin : nos données ne sont pas pour l’Etat ou les Gafam ! (16 février 2022) : Outils du soin : nos données ne sont pas pour l’Etat ou les Gafam ! (16 février 2022) :