Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

264 Billets

3 Éditions

Billet de blog 1 mai 2019

Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

Le travail, une fête?

Fête du travail, fête des travailleurs, fête nationale, fête internationale… toute une histoire très actuelle.

Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans son discours le 25 avril 2019, le Président Emmanuel Macron veut montrer son attachement aux Français qui travaillent.

Il leur demande de travailler plus, plus longtemps…

Il les motive avec des heures supplémentaires défiscalisées –  tant pis pour les offres d’emploi que ne proposeront plus les entreprises.

Il  les contraint à reculer l’âge de départ à la retraite – même si l’âge légal ne bouge pas –  pour bénéficier d’une pension à taux plein et ne pas subir de décotes.

Ainsi dans son discours du « travailler plus », il oublie tous ceux qui sont obligés d’accepter un ou des emplois à temps partiels sans réussir à atteindre les 35 heures, tous ceux qui sont licenciés suite aux fermetures d’entreprises qui se succèdent, tous ceux qui sont au chômage qu’ils soient inscrits à Pôle emploi ou pas, qu’ils soient en fin de droits, tous ceux qui vivent avec le RSA et ne peuvent plus vivre dignement.

En ce jour de « Fête du travail », que pensent tous ceux qui ne travaillent pas et aimeraient que ça change ?

Que pensent leurs enfants et quel futur peuvent-ils imaginer ?

Les manifestants du  premier mai ont toujours revendiqué de travailler moins, par jour, par semaine, par an… et en 2019, Emmanuel Macron demande aux Français de travailler plus, au-delà de ce que préconise la loi et au détriment de leurs concitoyens.

Travailler moins pour que tous travaillent, voilà ce que devrait être le mot d’ordre des manifestants !

Un peu d’histoire avec quelques « premier mai »

Illustration 1
© Labour Day parade (Toronto, Canada)

Premier mai 1886 aux USA, grève générale, les syndicats revendiquent huit heures de travail. A Chicago la grève se prolonge et le 3 mai une manifestation subit des violences policières qui font trois morts.

Premier mai 1889 à Paris, le congrès de la IIe Internationale socialiste réunie pour le centenaire de la Révolution française décide que le premier mai devienne une « journée internationale des travailleurs » en mémoire du mouvement du premier mai 1886... avec comme objectif la journée de travail à huit heures soit 48 heures hebdomadaires.

Premier mai 1890, les travailleurs manifestent avec un triangle rouge pour symboliser leurs revendications : huit heures de travail, huit heures de loisirs et huit heures de sommeil.

Premier mai 1891, dans le nord de la France, les forces de l’ordre tirent sur les manifestants. Il y a neuf morts. Les militants épinglent  une fleur d’églantine, fleur traditionnelle en mémoire de leurs camarades, elle remplacera le triangle rouge.

Premier mai 1907, le muguet remplace l’églantine, ancienne coutume de la renaissance qui consite à offrir le « muguet de mai ». Il est porté à la boutonnière avec un ruban rouge.

Premier mai 1919, la journée est chômée pour fêter la loi instaurant la journée de huit heures ratifiée par le Sénat le 23 avril 1919. Les années suivantes, chaque premier mai sera un jour de cortèges.

Premier mai 1936 s’inscrira dans l’histoire avec le début du Front populaire le 3 mai qui adoptera des mesures essentielles pour les travailleurs : la semaine de 40 heures, les deux semaines de congé, le droit syndical…

Premier mai 1941, le régime de Vichy remplace  le mot « travailleur » par « travail », nomme la journée « Fête du Travail et de la Concorde sociale » et la rend fériée, chômée et payée.

La fête disparaît à la Libération

Premier mai 1946,  la loi déclare la journée chômée et payée.

Premier mai 1948, la loi officialise la dénomination « Fête du travail » en fait une journée fériée, chômée et payée.

Premier mai 1968, la CGT et le Parti communiste organise une grande manifestation dans les rues de Paris avec plusieurs dizaines de milliers de personnes, elle sera suivie le 13 mai par un défilé d’un million de manifestants.

Premier mai 2019, la manifestation syndicale (CGT - UNEF+UNL - FO - Solidaires – FSU) parisienne est rejointe par le mouvement social des gilets jaunes. Des cortèges syndicaux ont quitté le défilé face aux violences des forces de police et des black blocs.

Et ce texte de Rosa Luxemburg

Quelles sont les origines du 1er mai ?, un article publié dans le journal polonais « Sprawa Robotnicza » en 1894

L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures, est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.

De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.

Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1er mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1er mai 1890.

Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1er mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.

A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1er mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1er mai devait être une institution annuelle et pérenne.

Le 1er mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1er mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1er mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1er mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.