Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

268 Billets

3 Éditions

Billet de blog 2 juin 2015

Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

Notre jeunesse

Quand je me réveille au milieu de la nuit, comme j'ai des acouphènes et que le silence m'est pénible, j'ai pris l'habitude d'écouter « Les nuits de France Culture » qui promènent l'auditeur dans les archives radiophoniques.Souvent, le sujet me passionne et je reste éveillée, c'est ce qui m'est arrivé cette nuit avec Charles Péguy.Un extrait de « Notre jeunesse »  – paru dans Le Cahier de la Quinzaine en 1910 – dit par François Chaumette a tellement résonné en moi, que ce matin je partais à la recherche du texte... et je l'ai trouvé.

Catherine Chabrun (avatar)

Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand je me réveille au milieu de la nuit, comme j'ai des acouphènes et que le silence m'est pénible, j'ai pris l'habitude d'écouter « Les nuits de France Culture » qui promènent l'auditeur dans les archives radiophoniques.Souvent, le sujet me passionne et je reste éveillée, c'est ce qui m'est arrivé cette nuit avec Charles Péguy.Un extrait de « Notre jeunesse »  – paru dans Le Cahier de la Quinzaine en 1910 – dit par François Chaumette a tellement résonné en moi, que ce matin je partais à la recherche du texte... et je l'ai trouvé.

Voici l'extrait entendu cette nuit autour de « ce que  nous voulons avoir » et «  ce que nous voulons savoir »

« Mais ce que nous voulons avoir, ce que nous ne pouvons pas faire, c’est précisément les lettres de gens qui ne sont pas Victor Hugo. Quinet, Raspail, Blanqui, – Fourier –, c’est très bien. Mais ce que nous voulons savoir, c’est exactement, c’est précisément quelles troupes avaient derrière eux, quelles admirables troupes, ces penseurs et ces chefs républicains, grands fondateurs de la République.

Voilà ce que nous voulons avoir, ce que nul ne peut faire, ce que nul ne peut controuver.

Sur les grands patrons, sur les chefs l’histoire nous renseignera toujours, tant bien que mal, plutôt mal que bien, c’est son métier, et à défaut de l’histoire les historiens, et à défaut des historiens les professeurs (d’histoire). Ce que nous voulons savoir et ce que nous ne pouvons pas inventer, ce que nous voulons connaître, ce que nous voulons apprendre, ce n’est point les premiers rôles, les grands masques, le grand jeu, les grandes marques, le théâtre et la représentation ; ce que nous voulons savoir c’est ce qu’il y avait derrière, ce qu’il y avait dessous, comment était fait ce peuple de France, enfin ce que nous voulons savoir c’est quel était, en cet âge héroïque, le tissu même du peuple et du parti républicain. Ce que nous voulons faire, c’est bien de l’histologie ethnique.Ce que nous voulons savoir c’est de quel tissu était tissé, tissu ce peuple et ce parti, comment vivait une famille républicaine ordinaire, moyenne pour ainsi dire, obscure, prise au hasard, pour ainsi dire, prise dans le tissu ordinaire, prise et taillée à plein drap, à même le drap, ce qu’on y croyait, ce qu’on y pensait, – ce qu’on y faisait, car c’étaient des hommes d’action, – ce qu’on y écrivait ; comment on s’y mariait, comment on y vivait, de quoi, comment on y élevait les enfants ; – comment on y naissait, d’abord, car on naissait, dans ce temps-là ; – comment on y travaillait ; comment on y parlait ; comment on y écrivait ; et si l’on y faisait des vers quels vers on y faisait ; dans quelle terre enfin, dans quelle terre commune, dans quelle terre ordinaire, sur quel terreau, sur quel terrain, dans quel terroir, sous quels cieux, dans quel climat poussèrent les grands poètes et les grands écrivains. Dans quelle terre de pleine terre poussa cette grande République. Ce que nous voulons savoir, c’est ce que c’était, c’est quel était le tissu même de la bourgeoisie, de la République, du peuple quand la bourgeoisie était grande, quand le peuple était grand, quand les républicains étaient héroïques et que la République avait les mains pures. Pour tout dire quand les républicains étaient républicains et que la république était la république. Ce que nous voulons voir et avoir ce n’est point une histoire endimanchée, c’est l’histoire de tous les jours de la semaine, c’est un peuple dans la texture, dans la tissure, dans le tissu de sa quotidienne existence, dans l’acquêt, dans le gain, dans le labeur du pain de chaque jour, panem quotidianum, c’est une race dans son réel, dans son épanouissement profond.

Maintenant s’il y a des lettres de Victor Hugo et des vers de Béranger, nous ne ferons pas exprès de les éliminer. D’abord Hugo et Béranger sortaient de ces gens-là. Mais avec ces familles-là il faut toujours se méfier des procès. »

Pour trouver Le Cahier de la Quinzaine d'origine Gallica (BNF)  : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65770401

Pour lire le texte en entier : http://fr.wikisource.org/wiki/Notre_Jeunesse

Pour écouter l'émission des Nuits de France Culture sur Charles Péguy : http://www.franceculture.fr/emission-les-nuits-de-france-culture-les-lundis-de-l-histoire-charles-peguy-2015-06-02

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.