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Billet de blog 3 décembre 2013

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La réforme de la fiscalité

« La réforme fiscale est dans la tradition ouvrière et socialiste », affirmait Jean Jaurès, un rappel utile dans ces temps de projet de réforme fiscale...Intéressant de lire les oppositions, les pas de côté...  de gauche et de droite.

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« La réforme fiscale est dans la tradition ouvrière et socialiste », affirmait Jean Jaurès, un rappel utile dans ces temps de projet de réforme fiscale...

Intéressant de lire les oppositions, les pas de côté...  de gauche et de droite.

Jean Jaurès dans son discours au Congrès de Toulouse – 1908

Il en est de même pour les autres réformes. La réforme fiscale est dans la tradition ouvrière et socialiste. Ce sont les prolétaires de 1793, maîtres de la Commune de Paris et agissant par elle sur la Convention, qui ont obligé la bourgeoisie révolutionnaire à pratiquer largement l’impôt personnel et progressif. C’est dans la tradition de Babeuf, c’est dans l’école de Buonarrotti[1], dans la tradition blanquiste, dans le programme partiel et transitoire de Blanqui et de Marx, que figure l’impôt global, personnel et progressif sur le revenu et je rappelle à nos aînés qui le savent mieux que moi, qu’en 1870, quand il fut procédé au plébiscite sur la nouvelle constitution de l’Empire prétendu libéral, la réunion des sociétés ouvrières et des sections de l’Internationale proposa d’inscrire sur le bulletin: « République démocratique et sociale, réforme radicale de l’impôt. » Nous continuons donc en réclamant cette réforme, en la soutenant, cette tradition.

Ah ! c’est une chose singulière, citoyens, si vous entrez au Parlement pendant la discussion de cet impôt sur le revenu et si vous y entrez au moment où le ministre des finances est à la tribune soutenant son projet, que constaterez-vous ? La droite et le centre hostiles, parfois bruyamment hostiles, la gauche radicale, hostile à sa manière, sourdement et sournoisement, parce qu’elle a dans ses rangs des hommes comme M. Aymond[2], qui mènent en réalité la bataille contre la réforme, les radicaux-socialistes eux-mêmes – où il est des hommes comme M. Puech[3] qui essaient de détruire la loi - gênés, applaudissant du bout des doigts, se demandant toujours si derrière eux la part de clientèle bourgeoise ne va pas s’émouvoir et les lâcher. Il n’y a qu’un groupe, un seul, vous m’entendez, qui applaudit vigoureusement, unanimement, frénétiquement, il n’y a qu’un groupe qui donne de tout son cœur et de toutes ses mains pour la réforme débattue, c’est l’extrême-gauche du Parti socialiste, c’est la Montagne socialiste.

C’est qu’elle sait bien que quelles que puissent être les infirmités momentanées du projet, ses lacunes, elle sait bien que c’est le commencement d’une sérieuse bataille, que la classe patronale et propriétaire est rangée en bataille contre cette loi; elle sait qu’elle mène là, sur le terrain parlementaire, un épisode de sa lutte de classe; elle sait que le projet, en permettant de dégrever des millions de petits propriétaires paysans, ouvrira aux socialistes l’accès auprès de ces paysans, si le socialisme peut faire la preuve que c’est lui qui a le plus efficacement contribué au succès de la réforme ; elle sait que demain le projet pourra être élargi pour alimenter l’assurance ouvrière contre tous les risques de la vieillesse, de l’invalidité et du chômage. Alors, le groupe socialiste donne à plein cœur, il donne d’autant plus qu’il sait, qu’il connaît, qu’il dénonce à la tribune avec Allemane (19), les manœuvres corruptrices de la bourgeoisie capitaliste et financière qui achète les journaux, qui essaie indirectement d’acheter les élus, pour empêcher la réforme.

Et cette réforme, pour laquelle nous donnons, pour laquelle combat toute la tradition prolétarienne, contre laquelle se dresse toute l’oligarchie capitaliste et banquière, cette réforme, nous lisons le lendemain dans des journaux socialistes, que c’est une facétie, une comédie ou une inutilité, nous lisons dans les ordres du jour de quelques-unes des Fédérations qui ont bien voulu nous ménager le plus, que c’est une réforme indifférente. Eh bien, je demande, camarades, comment vous irez au combat, comment vous éduquerez le prolétariat, si votre action est d’un côté et vos formules de l’autre (Applaudissements), s’il y a perpétuellement entre l’action et le mot, entre le vigoureux instinct de bataille qui est le nôtre et la stérilité des négations doctrinales, une contradiction mortelle.

Ah ! nous sommes un parti extraordinaire. Nous sommes les premiers à concevoir, à imaginer les réformes, à les revendiquer, à les formuler, tant qu’il n’y a aucune chance qu’elles aboutissent; tant qu’elles sont toutes petites, faibles, languissantes, nous les choyons, nous les caressons, nous les protégeons. Mais, à peine ont-elles grandi, développées par notre propre effort, nous les rebutons, nous les rejetons, nous faisons comme les chattes qui choient leurs petits quand ils sont jeunes et qui leur donnent des coups de griffes quand ils sont devenus grands. Mais, elles, c’est pour en faire d’autres, et nous c’est pour ne plus en faire du tout. (Rires, applaudissements.)


[1] Buonarroti Filippo-Michele, (1761-1837) patriarche de la Révolution, publia en Corse un journal intitulé L’Ami de la liberté italienne. Il

devint l’ami de Robespierre et reçut de la Convention la qualité de citoyen français et fut chargé de diverses missions. Il fut avec Babeuf  l’un des chefs de la Conspiration des Egaux contre le Directoire

[2] Aimond Emile, Théodore (1850-1917), député de Seine-et-Oise de 1892 à 1902 et de 1906 à 1909, s’inscrit en 1898 au groupe de la gauche démocratique. Il prit une part active à de nombreux débats : projet relatif à l’impôt sur le revenu (1898,1901); loi sur sur les accidents du travail (1899); l’assiette de la contribution personnelle mobilière.

[3] Puech Louis (1852-1947), au cours de sa longue carrière parlementaire (député de la Seine de 1898 à 1932, ministre des Travaux publics du 3 nov. 1910 au 27 fév. 1911), s’intéressa particulièrement aux questions sociales, telles que l’assistance obligatoire aux vieillards et aux infirmes, les retraites ouvrières, les droits syndicaux des ouvriers et employés de l’État, la réduction du temps de travail, les pensions d’invalidité.

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