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Billet de blog 5 août 2015

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Les chiffres de l'été

C’est l’été, les chiffres font recette dans les médias. Certains d'entre eux peuvent faire sourire, mais ils sont rares. En tout cas, ils prêtent tous à lecture trop souvent guidée par leurs présentateurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est l’été, les chiffres font recette dans les médias. Certains d'entre eux peuvent faire sourire, mais ils sont rares. En tout cas, ils prêtent tous à lecture trop souvent guidée par leurs présentateurs.

Les fidèles

  • La météo

Elle est partout.  

On compare les températures par jour, par année… elles sont soit au-dessous soit au-dessus des normales saisonnières. Cette année, on est souvent au-dessus ! L’ensoleillement est apprécié, même si l'on craint la sècheresse et les restrictions d’eau.

On se satisfait des températures élevées de l’eau de mer pour les baignades. On relate les dégâts des orages de plus en plus violents, les incendies de forêt difficiles à éteindre. Mais on évoque rarement le réchauffement climatique, même quand la COP 21 est évoquée dans le même journal, on ne relie guère tous ces événements.

On râle sur les tonnes d’algues vertes ramassées sur les plages bretonnes, mais on évoque rarement leur origine : l’afflux de nitrates provenant de l’élevage et des engrais.

On entretient l’insouciance.

  •  Les vacances

Cette année, les professionnels du  tourisme sont heureux, les Français sont plus nombreux à partir en vacances (plus de 60 %), même si les séjours sont plus courts…  

Les chiffres qui circulent

Les autoroutes bouchonnent en centaines de kilomètres, les aires de repos font le plein, les automobilistes sourient et les commerces se frottent les mains.

Toutes les semaines, les chassés-croisés affolent les statistiques, on voit noir, rouge…

Les campings débordent avec des pourcentages de remplissage idylliques, surtout les hôtels de plein air avec tout pour consommer sur place, qu’importent les ressources spécifiques de la région, tout se ressemble : piscines, thalasso, activités sportives, boutiques de souvenirs.

Les hôtels affichent eux aussi de bons pourcentages de réservation, les températures généreuses provoqueraient des coups spontanés de réservation…

Les plages noircissent au grand plaisir des fabricants de crème, des vendeurs d’esquimaux, sans parler des offres de « service » de plus de 1500 plages privées dont les tarifs peuvent atteindre 70 € par jour…

Les restaurants affichent leur satisfaction en même temps que leurs menus « touristiques »

Même les achats et les locations de bateaux sont en hausse !

... et les autres

Dans les statistiques, on part en vacances quand on quitte son domicile au moins quatre nuits consécutives pour des raisons non professionnelles. Partir une semaine à la campagne dans la famille vaut autant que quatre semaines en Floride ou qu’un séjour dans un hôtel à Antibes ou une croisière en méditerranée…

Si  80 % des cadres supérieurs partent en congés chaque année, c’est 50 % des ouvriers. Et si on regarde de plus près chaque catégorie, on ne part ni aussi souvent, ni aussi longtemps, ni dans les mêmes conditions.

On entretient l’idée que tout va bien, si tu ne pars pas en vacances, c’est de ton fait… 

 Et cette année, les migrants

Nombre de migrants dans la zone de Calais, nombre de tentatives de passages par nuit, nombre de morts, nombre d’arrestations… des chiffres annoncés au quotidien.

Un véritable feuilleton que les personnalités politiques nourrissent d’expressions provocantes, souvent racistes pour flatter certains électorats et préparer ainsi les prochaines régionales.

Surenchère sécuritaire avec la construction de nouvelles clôtures, l’utilisation de chiens renifleurs….

On commente, on interview, on s’indigne, on accuse, on instrumentalise…

Dans les reportages, on montre la saleté, les rats, les occupations, l’inconscience des migrants… mais les récits personnels de tous ces hommes et femmes sont trop rarement évoqués.

Et les mots employés ne sont pas neutres.

 Dans les journaux qu’ils soient télévisés, papier, virtuel… on parle de « migrant », ce qui permet de ne percevoir que la volonté de déplacement, alors que « réfugié », « demandeur d’asile » permettent de distinguer l’humain et de deviner les vécus.

On entend, on lit des mots comme « assaillants », « nuée » qui fait penser aux invasions de sauterelles, « essaim » ou « hordes ». On parle de « déferlement » ou « d’intrusion massive » de migrants.

Et on parle de moins en moins de « procédures d’accueil », mais « d’expulsions ».

L’Europe a peur, l’Europe se recroqueville, car le système serait au bord de « l’embolie ». Petit à petit, elle érige une forteresse avec des camps et des murs.

Les dirigeants européens déplorent les morts, mais marchandent pour se répartir les 188 000 migrants débarqués sur les côtes. Les 500 millions d’européens ne pourraient pas les accueillir… et chaque pays renvoie à l’autre la responsabilité de la situation.

Les droits à émigrer (art. 13  de Déclaration universelle des droits de l’homme sur la libre circulation des hommes et des femmes) et à demander asile sont ainsi entravés sans aucun état d’âme.

Quelques chiffres très peu diffusés

Au sein de l'Union européenne, le pays recevant le plus grand nombre de demandes d'asile est l'Allemagne (202 645) puis la Suède (81 180), l'Italie (64 625) et la France (62 735).

La France est le pays qui donne le moins de réponses positives (30,1 %). En comparaison, l'Allemagne a rendu 48,9 % de réponses positives en 2014, l'Italie 58,6 % et la Suède 82,7 %.

On entretient la peur de l’étranger avec des idées fausses pour argumenter d’éventuelles réformes sur l’immigration à ajouter aux programmes électoraux…

 Malheureusement, la série des chiffres sur les migrants ne s’arrêtera pas à la fin de l’été, les conflits, la misère, les famines, les persécutions se développeront. Sans oublier la part que va prendre le changement climatique dans les conflits et les famines.

En attendant les chiffres de l’automne avec notamment la rentrée qu’elle soit scolaire, économique, politique, l’été continue !

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