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Billet de blog 8 septembre 2016

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Chacun pour soi et personne pour tous

En passant mercredi devant un marchand de journaux, un titre du Monde me saute aux yeux : « Santé : faut-il faire payer les assurés en fonction de leur mode de vie ? ». Une assurance complémentaire de santé qui deviendrait comportementale ! Je me procure donc le journal.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’assure mon comportement et non pas ma santé !

Les individus aux comportements jugés par l’assurance comme respectueux de leur santé obtiendraient des ristournes.

Un assureur (Generali) propose cette option pour la complémentaire santé individuelle et la prévoyance collective : les entreprises clientes pourraient choisir d’activer un programme pour leurs salariés – qui resteraient libres de refuser. S’il accepte, le salarié commencerait par faire un bilan de santé en ligne (âge, poids, taille, alimentation, activités sportives, temps de sommeil, résultats d’analyses médicales…) Le programme utilisera bien sûr les données des objets médicaux connectés (bracelets, balances…). Ensuite le salarié recevra un score et des recommandations et s’il atteint les objectifs attendus (moins fumer, diminuer les calories quotidiennes, augmenter son activité physique…), il bénéficiera de réductions chez les partenaires de l'assureur.

La profusion des données par tous les objets connectés nourrisse également les analyses des assureurs pour gérer aux mieux leurs risques.

L’employeur aura-t-il également des ristournes si les conditions de travail qu’il offre à ses salariés respectent leur santé physique et morale ?

Mon assureur, l’ange gardien de ma santé !

À la façon des appréciations de bulletins scolaires, l’assureur pourra féliciter ou condamner nos comportements : « Très bien », « Quelques progrès », « Vous pouvez mieux faire », « Pas assez d’efforts », « Vous devez vous ressaisir ». Des réductions, telles les images pour enfants sages récompenseront les individus aux bons comportements.

Plus j’ai les moyens, mieux je consomme !

La consommation de produits reconnus pour leurs bienfaits est mise en avant : alimentation diététique et équilibrée, équipements pour l’habitat, activités sportives, culturelles, week-ends et vacances raisonnés, cures thermales… Les publicités vantant leurs mérites se succèdent à la télé et autres médias : attirer ceux qui peuvent consommer, culpabiliser et rendre fatalistes les autres.

Un ange gardien, mais pas pour tous !

Cette consommation saluée par l’assureur dépend certes des revenus, mais aussi des ressources culturelles, géographiques, sociales… de chaque famille.

Les comportements alimentaires des personnes les plus pauvres sont régulièrement dénoncés et médiatisés : fastfood, boissons sucrées, chips, bières, etc. qui déclenchent obésité, diabète, alcoolisme, des maladies qui coûtent cher à la société. 

Ces familles partent peu en vacances, restent dans leur quartier, dans leur village, elles consomment beaucoup de télé et elles n’ont pas les moyens financiers de s’inscrire aux activités sportives, de consommer « bio », de partir en vacances… et les associations qui peuvent apporter un peu d’activités sportives, artistiques, culturelles sont de plus en plus rares, les subventions des communes, des départements se réduisent d’année en année.

Vous me direz, ces familles n’ont pas souvent de complémentaire santé et ne profitent pas de la prévoyance collective… elles ne sont donc pas concernées par leurs ristournes et leurs bons de réduction. Et justement, comme elles ne bénéficient pas de complémentaire, elles ont en plus des difficultés pour assurer le tiers payant – ce qui explique leur présence au service des urgences, même pour une simple rhinopharyngite.

Plus je suis un risque, plus je coûte, plus je paierai !

Entre le déremboursement de nombreux médicaments, la part de plus en plus réduite du remboursement de la sécurité sociale et ce nouveau postulat de « bons comportements » le droit à la santé pour tous est attaqué.  

L’idée de la sécurité sociale, qu’importe son patrimoine génétique, financier, culturel, social… issue du Conseil national de la résistance (CNR) serait en voie d’extinction, l’idée des mêmes remboursements pour tous devient obsolète, l’individualisation prend le relai. Chacun sera responsable de sa bonne ou mauvaise santé.

La Fraternité de notre devise va bientôt disparaître.

Ce qui s’annonce là pour l’assurance complémentaire est inquiétant.

Cette responsabilisation pour la santé peut aussi s’étendre à tout ce qui nous reste de services publics.

J’imagine des réductions d’impôts pour les parents d’élèves qui ont un parcours rapide et sans aides, des  honoraires d’avocats en fonction des risques de perdre ou de gagner, des péages réduits pour ceux qui n’ont pas d’amendes, etc.

Et la surveillance et le contrôle de nos comportements en pleine croissance !

Une société individualiste, soupçonneuse, culpabilisante, espionnant nos vies privées... se développe sans bruit, mais sûrement.

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