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Jeudi matin, j’ai écouté le discours d’Emmanuel Macron qui présentait son Plan pauvreté. Très long avec un style ampoulé, tourné sur lui-même et ses découvertes de ceux qui ne vivent pas comme lui.
« J’ai appris tout ça de vous, à vous écouter, à vous regarder.»
« On apprend des personnes pauvres. »
Comme si nous étions comme lui, il a rappelé tous les combats de ceux qui sont pauvres, ce que sont les droits fondamentaux.
Très vite, il veut nous faire comprendre que ce qu’on pense être un droit comme le RSA ne l’est pas. C’est à cause de lui que des personnes ne retrouvent pas d’emploi. Il faut donc « lancer un combat neuf ». Bien sûr, il y a l’héritage des Lumières, la construction sociale à la sortie de la Seconde Guerre – je n’ai pas entendu les mots Sécurité sociale, ni Conseil national de la résistance –, mais sans réussite, notre modèle corrige mais n’éradique pas la pauvreté.
Martelés tout au long du discours : système trop complexe, trop de prestations, sortir des dépenses qui corrigent seulement, un combat de justice, la solidarité est vécue comme enfermement dans sa condition, refuser la fatalité sociale, retrouver sa part d’activité, personne ne demande l’assistanat…
Il a justifié son expression « premiers et derniers de cordée » : tirez la corde pour freiner les premiers ne fera pas progresser les derniers. La cordée c’est la cohésion du pays.
Il se félicite des mesures déjà en place ou annoncées comme en éducation, les classes de CP dédoublées et la scolarité à 3 ans.
Il annonce dans la suite du plan logement, la résorption des bidonvilles et des solutions d’hébergement de familles, de soutien et d’accompagnement… mais sans préciser comment.
Il souhaite une réforme en profondeur des modes de garde du jeune enfant, accessibles à tous quel que soient son revenu, son lieu d’habitat avec un objectif de 30 000 places supplémentaires en crèche… mais avec quels moyens ? Ceux des collectivités locales ?
Il propose pour les enfants les plus fragiles de faciliter l’accès à la cantine avec un déjeuner équilibré à 1 euro (certaines communes ne l’ont pas attendu et proposent nettement moins, ex 50 centimes à Lille) et un petit déjeuner dans les écoles en quartier prioritaire… mais avec quels moyens ? Ceux des collectivités locales ?
Pour les plus âgés, une obligation de formation jusqu’à 18 ans, « aucun jeune ne pourra se trouver sans solution. Il devra être soit scolarisé, soit en formation, soit en emploi », mais avec si peu d’emplois en France, les stages de formation peu ou pas rémunérés ont de l’avenir !
Il oblige l’aide sociale à l’enfance (ASE) à trouver un emploi et un logement pour les jeunes jusqu’à 21 ans avec une augmentation de financement de 50 millions d'euros. Et après 21 ans, ils se retrouveront de nouveau à la rue...
Le principal pour Macron : être en activité.
Pour permettre à tous de retrouver le chemin du travail et donc la dignité, pas d’augmentation monétaire du RSA, chacun doit prendre sa place dans l’activité. Les allocations font oublier le retour au travail et une vie sans emploi devient une fatalité.
Au bout d’un mois maximum, chaque nouveau bénéficiaire du RSA aura un entretien pour faire le point (compétences, besoins en formation, santé, logement). Il signera un contrat d’engagement, avec le devoir de se former et d’être suivi. Ceux qui dérogeront seront sanctionnés.
Il propose aussi de doubler les dispositifs mis en place par les territoires expérimentateurs : Territoires zéro chômeur de longue durée (ATD Quart Monde), Convergences (Emmaüs), Tapaj (emplois à la journée)… mais avec quels moyens ? Ceux des collectivités locales ?
Le principal pour Macron : être en activité.
Il annonce la création d’un service public de l’insertion pour les chômeurs de longue durée, l’État est garant des droits et de leur universalité. Avec une aide financière de l’État (sans précisions), les collectivités locales auront la charge des actions avec des sanctions financières pour les départements récalcitrants.
Il revient inlassablement sur le système de minimas sociaux qu’il compare à un « maquis » qui ne permet pas de sortir de la pauvreté car trop complexe et peu accessible, une « sophistication administrative qui tourne au cauchemar ».
Le retour à l’activité est le cœur de son discours avec « le devoir de chacun de faire sa part, c’est leur dignité. »
Petit à petit, il ne parle de moins en moins de travail, d’emploi, mais d’activité. Sans doute est-il conscient qu’il y a de peu d’emplois en France…
Il annonce la préparation d’une loi pour 2020, un revenu universel d’activité qui fusionnera toutes les prestations avec une part d’obligations « des droits et des devoirs supplémentaires ». Il refuse l’utilisation de l’acronyme RUA qui fait oublier qu’on touche un revenu.
Ce sera un socle minimal de dignité.
Le retour à l’activité, à l’emploi est la condition. Un contrat d’engagement réciproque sera signé avec « l'obligation d'inscription dans un parcours d'insertion avec l'impossibilité de refuser deux offres raisonnables d'emploi ».
Le terme « raisonnable » est inquiétant, très subjectif :
Trois heures de transport est-ce raisonnable ?
Trier des cartons quand on est aide-comptable, est-ce raisonnable ?
Enchaîner des temps partiels, est-ce raisonnable ?
Avoir un revenu égal ou à peine supérieur au seuil de pauvreté (850 à 1 000 euros), est-ce raisonnable ?
Travailler et être sans domicile, est-ce raisonnable ?
... bref, l’activité pour juste être moins pauvre !
Il compte beaucoup sur les autres. La réussite ou pas de toutes les mesures de ce Plan pauvreté seront bien sûr de la responsabilité des collectivités locales et surtout des personnes pauvres !
Un « pognon de dingue » ironise-t-il : 8 milliards répartis en quatre ans (plutôt 4 milliards avec le redéploiement des suppressions des emplois aidés, la baisse des APL, la hausse de la CSG, etc.)
Et le « pognon de dingue » offert aux grandes fortunes, entre 3,2 et 4 milliards, il a oublié !
Mais tout est dit dans les derniers mots de Macron, il veut « éradiquer la grande pauvreté » et non pas la pauvreté !